Juin, échéance pour l’Iran et le Hezbollah
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Il y a dix-sept ans, le 13 août 2008, un communiqué conjoint a été publié à l’issue d’un sommet syro-libanais, tenu à Damas, entre les présidents libanais Michel Sleiman et syrien Bachar el-Assad.

Ce document appelait au retrait d’Israël des fermes de Chebaa “libanaises”, des collines de Kfarchouba et de la partie nord de Ghajar, conformément aux résolutions de l’ONU. Il prévoyait également, pour la première fois, l’établissement de relations diplomatiques entre les deux pays, la reprise des travaux du comité conjoint pour la délimitation des frontières, la lutte contre la contrebande et les activités illicites, ainsi que la réactivation du comité chargé des disparus des deux côtés.

Ce même jour, Damas publiait une déclaration reconnaissant la libanité de Chebaa.

Mais la plupart de ces dispositions sont restées lettre morte. Malgré l’insistance du Liban à finaliser la démarcation des frontières, le flou a persisté autour du statut des territoires concernés. Walid Joumblatt les considérait comme syriens, tandis que le chef défunt du Hezbollah, Hassan Nasrallah, les a toujours considérés comme libanais, sans pour autant obtenir du régime Assad un document officiel prouvant leur libanité afin de le présenter à l’ONU.

De son côté, Bachar el-Assad a accusé Israël d’instrumentaliser cette question afin de discréditer la légitimité de la “résistance”, affirmant qu’aucune délimitation n’aurait lieu tant que l’occupation israélienne perdurerait.

Partant, les travaux des comités conjoints pour la délimitation ont été gelés.

Au fil des années, Chebaa est devenu un outil politique pour le Hezbollah, justifiant son narratif de résistance, et, pour la Syrie, une carte pour contrer la pression américaine sur l'Iran. Damas a continué à intervenir dans les affaires intérieures du Liban et à soutenir le Hezbollah au lieu de se concentrer sur le Golan.

Lorsque Hay'at Tahrir al-Cham (HTC) a réussi, en décembre 2024, à renverser le régime de Bachar al-Assad et à établir un nouveau leadership sous la présidence intérimaire d'Ahmed al-Chareh, la position de la Syrie à l'égard du Liban a changé.

En effet, dans ses premières déclarations, M. Chareh a vivement critiqué l’attitude condescendante et hostile du régime Assad à l’égard du Liban, dénonçant le recours systématique à la violence, les assassinats politiques et l’instrumentalisation du pays dans les jeux d’influence régionaux, ainsi que la confiscation du pouvoir et des décisions souveraines libanaises. Affichant une volonté de rupture, il s’est engagé à instaurer des relations fondées sur le respect mutuel et la réciprocité, en privilégiant le dialogue pour régler les dossiers en suspens, à commencer par celui de la délimitation des frontières.

Ainsi, les canaux de communication officiels entre Beyrouth et Damas ont été rouverts. M. Chareh a félicité le président Joseph Aoun pour son élection, marquant le retour de la Syrie dans le giron arabe et son éloignement de l’axe iranien. Sa première tournée diplomatique l’a conduit en Arabie saoudite, signe manifeste de ce réalignement stratégique.

C’est d’ailleurs à Riyad qu’a eu lieu la première rencontre officielle entre les ministres de la Défense syrien et libanais, conclue par un accord sur la démarcation des frontières, sous supervision saoudienne, dans le but de consolider des relations de bon voisinage durables.

Dans ce contexte, la visite du Premier ministre, Nawaf Salam, en Arabie Saoudite a revêtu une portée symbolique et politique majeure, tant sur la forme que sur le fond, consacrant l’émancipation du Liban de l’influence iranienne et son retour dans le giron arabe.

Ce changement a encore été souligné lorsque le président Aoun a informé une délégation iranienne assistant aux funérailles de Hassan Nasrallah que le Liban rejetait l'ingérence iranienne dans ses affaires intérieures. Le Liban a également maintenu sa position en empêchant les vols iraniens d'utiliser l'aéroport international Rafic Hariri, malgré les objections du Hezbollah et de ses alliés.

Les Saoudiens ont ainsi informé M. Salam qu'une nouvelle phase s'ouvrait dans la région, dans laquelle le Liban ne pouvait plus poursuivre la politique qu'il avait suivie dans le passé concernant les armes du Hezbollah et leur intégration dans l'État. L'idée que cette question est purement interne et qu'elle doit être résolue par le dialogue et une stratégie défensive était dès lors caduque.

Une nouvelle feuille de route s’impose désormais, exigée par Washington, Paris et Riyad, selon laquelle une décision politique claire, un mécanisme militaire précis et un calendrier défini devraient garantir, au plus tard d’ici à juin, le monopole de l’État sur les armes. Une échéance qui coïncide avec celle donnée à l'Iran pour s'engager dans une résolution diplomatique de son dossier nucléaire.

Dans le même temps, les cercles politiques américains ont indiqué que l'administration libanaise actuelle était sous surveillance. Ces cercles exhortent le gouvernement libanais à mettre en œuvre les réformes recommandées par le Fonds monétaire international (FMI) et à renforcer le contrôle des ports, des installations et des passages frontaliers, en notant que, bien qu'il soit visé par Israël, le Hezbollah continue d'agir conformément à l'agenda de l'Iran. 

Parallèlement, les milieux politiques proches du Hezbollah soutiennent qu'Israël doit d'abord appliquer pleinement les termes du cessez-le-feu et cesser ses hostilités contre le Hezbollah. Ils affirment que cela permettrait à l'État libanais d'affirmer son contrôle sur l'ensemble de son territoire par le biais de ses propres forces armées.

Tandis que des sources occidentales affirment qu'un accord nucléaire avec l'Iran ne sera conclu qu'aux conditions de Washington, l'administration américaine est déterminée à résoudre la question iranienne d'ici au mois de juin, que ce soit par la diplomatie ou par la force. Elle a mobilisé ses moyens à cette fin. En retour, l'Iran a envoyé des signaux positifs, notamment un retrait du Yémen. Le président iranien a ensuite déclaré, à la suite d'un échange avec le prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salman, que l'Iran n'était “en guerre avec aucun pays”.

La question qui se pose alors est de savoir si la carte des armes et de Chebaa est toujours de mise dans le projet iranien.

Rien ne laisse présager un tel renoncement. Bien au contraire, l’Iran a toujours besoin de ce levier. C’est pourquoi l’axe obstructionniste, dirigé par le tandem chiite, persiste à refuser toute délimitation des frontières, qu’elles soient orientales ou méridionales, ainsi que tout désarmement.

Grosso mode, le dossier libanais restera donc exposé aux soubresauts des intérêts régionaux iraniens jusqu’à nouvel ordre.

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