Le Hezbollah qui s’enorgueillit de son appareil militaire composé de 100 mille combattants et 150 mille missiles, redoute les candidats chiites qui osent le défier pour les élections législatives dans la circonscription de Baalbek-Hermel.

Plus précisément, le Hezbollah redoute uniquement les chiites, desquels il puise sa force, et non des missiles comme on pourrait le croire. C’est pourquoi il n’hésite pas à les agresser s’ils refusent de se plier à ses desiderata, ou à les tuer s’ils dépassent les bornes et remettent en cause son autorité.

Par conséquent, il est complètement interdit aux chiites de se dresser face à la volonté du parti de Dieu. C’est la raison pour laquelle trois candidats – Rifaat al-Masri, Nasser Amhaz et Hayman Mchik – ont annoncé leur retrait de la liste "la construction de l’État", présidée par le cheikh Abbas al-Jawhari en alliance avec les Forces libanaises dans la circonscription de Baalbek-Hermel.

Ce retrait de la course a eu lieu suite aux menaces et pressions exercées sur les candidats et leurs familles. Des coups de feu ont été tirés lors d’une rencontre électorale du cheikh al-Jawhari, alors que le domicile du candidat Hussein Raad a été assiégé et des coups de feu ont été tirés lors de sa rencontre électorale également, après quoi il a été battu et poursuivi en justice.

Pourtant, rien d’étonnant dans tout cela. Le parti a recouru au seul moyen dont il sait faire usage pour museler les voix dissonantes qui refusent son hégémonie et son hypothèque de la décision chiite. A fortiori, si ces voix sortent des cercles fermés pour se faire entendre dans les médias. Alors, que serait-ce si elles transformaient l’essai dans les urnes ?

Rien n’est plus inquiétant que l’agitation d’une population qui a payé au prix de son sang sa loyauté à celui qui considère que ses armes sont la source de sa force sur l’échiquier libanais. Le Hezbollah ne supporte pas les interpellations de sa communauté au sujet des moyens de subsistance qui manquent cruellement et sait que si cette agitation venait à se transformer en rébellion, il serait franchement perdu.

Bref, le Hezbollah ne peut pas tolérer la contestation de ces laissés pour compte et de ceux qui voient leurs privilèges retirés alors qu’ils se considéraient au-dessus de l’État, pour que les plus chanceux en bénéficient.

Ainsi, la réaction à cette agitation qui s’est traduite par l’audace de se présenter aux élections législatives, ne s’est pas fait attendre et s’est accompagnée d’une répression et d’une arrogance suprématiste à l’égard des autres communautés libanaises et des opposants au sein de la communauté chiite qui rejettent cette hégémonie et ont décidé de croiser le fer avec le parti lors des élections.

À vrai dire, les calculs du Hezbollah par rapport aux chiites sont extrêmement sensibles. Le Hezbollah ne peut pas prendre à la légère tout mouvement qui aurait pu contrarier ses projets et faire pencher la balance en sa défaveur. De ce fait, il était tout à fait prévisible de le voir en période pré-électorale déployer tous les moyens pour maintenir sa population dans la pauvreté, qui la rendrait encore plus dépendante du parti, ce qui permet à ce dernier de poursuivre son contrôle du destin du Liban grâce à la loyauté aveugle que lui voue sa communauté.

Son équation est on ne peut plus claire : soit les chiites qui lui désobéissent deviennent des ennemis qu’il faut éliminer, soit ils se rendent et lient leur sort aux guerres, conspirations, explosions et assassinats, prisonniers d’une peur exploitée par le parti qui leur fait croire qu’il est le seul à triompher d’elle. Le tout en contrepartie d’un blanc-seing sur leur vie et leur destin. C’est de la sorte que le Hezbollah maintient les chiites dans l’isolationnisme, le refus de l’autre et la haine, ce qui les rend accro à ses leurres qui leur donnent un sentiment d’extase et de privilège, se gargarisant de leur peur en pensant se gargariser de leur victoire.

Comme pour toute addiction, les chiites du parti n’échappent pas à la règle et doivent faire preuve d’une loyauté inconditionnelle au parti, pensant que leur sécurité ne peut être assurée que par les 100 000 combattants et 150 000 missiles, et non par la citoyenneté, l’État, les institutions, la justice sociale, l’ouverture à autrui, le questionnement et la responsabilisation. Ils devraient oublier qu’ils ont une identité libanaise, vu que leur oppresseur les en a dépouillés.

L’important est de marquer des victoires illusoires d’une part, et d’empêcher la candidature contre le Hezbollah et avec lui le Mouvement Amal d’autre part, et surtout d’empêcher la résistance et les autres composantes de la classe politique d’être tenues pour responsables de la pauvreté et la disette qui frappent la base du parti et la prive du b.a.-ba pour tenir.

Partant, un chiite qui se porte candidat contre le Hezbollah signe son arrêt de mort. L’investiture légale est claire et stipule que "l’échéance électorale est un rite majeur et une obligation religieuse", comme l’a rappelé le mufti jaafari le cheikh Ahmed Kabalan. De même qu’il est interdit de boycotter les élections ou de voter blanc, puisque "les élections constituent la plus grande des obligations envers Dieu", sous réserve que les bulletins de votes aillent au parti de Dieu, au Mouvement Amal et à leurs alliés.