Le patriarche maronite Béchara Raï a stigmatisé sans détour les atteintes par l’Iran à "la souveraineté du Liban par l’intermédiaire du Hezbollah", lors d’une entretien accordé mercredi soir à la chaîne publique Télé Liban.

Le patriarche maronite, le cardinal Béchara Raï, a stigmatisé sans détour les atteintes par l’Iran à "la souveraineté du Liban par l’intermédiaire du Hezbollah". "Si nous traitons le parti de milice, il expriment son mécontentement, mais nous lui demandons contre qui il fait de la résistance?", s’est demandé le patriarche, dans une interview accordée mercredi soir à Télé Liban. "Pourquoi la résistance doit-elle être du ressort d’une seule partie qui décide de la guerre et de la paix?", a-t-il ajouté, constatant que le Hezbollah "est sorti de la voie de la résistance contre Israël uniquement" et qu’il "est présent actuellement en Syrie et en Irak".

"Conformément à la Constitution, les armes doivent être aux seules mains du gouvernement. La résistance n’est pas une exclusivité à une seule partie. Nous avons une armée, qu’on la soutienne", a encore insisté le patriarche.
Mgr Raï a mis l’accent dans ce cadre sur la nécessité de "soumettre au débat national la question de la résistance, au risque de voir les choses s’aggraver".

Prié de commenter la réunion qui avait regroupé le chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil et celui des Marada Sleiman Frangié, à Haret Hreik le 9 avril dernier, lors d’un iftar donné par le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah, Béchara Raï a souligné que "leurs intérêts expliquent une telle rencontre". "Quant à moi, j’agis pour les quatre leaders chrétiens et non pas deux uniquement", a-t-il dit, précisant qu’il avait essayé à plusieurs reprises "d’organiser une rencontre inter-maronite", mais qu’il n’a pas eu d’échos favorables "en raison des blessures et des attaques réciproques". Il a noté à ce sujet que "l’entente entre les leaders chrétiens est tombée en raison de l’élection présidentielle".

Voter librement

Se penchant sur le dossier des législatives, le chef de l’Église maronite a appelé les Libanais à élire des personnes "différentes dont l’allégeance sera au Liban et non à un autre pays". "Je ne suis pas favorable au boycottage des législatives, parce que nous sommes dans un pays démocratique qui respecte l’avis des autres", a-t-il dit, conseillant aux électeurs de "voter librement et loin de toute pression".

Abordant l’affaire de la double explosion au port de Beyrouth, le 4 août 2020, Béchara Raï s’est interrogé sur les raisons pour lesquelles le travail du juge d’instruction Tarek Bitar est paralysé. Notons que depuis plus de quatre mois l’enquête est suspendue en raison des nombreux recours en dessaisissement présentés contre le magistrat Bitar par Ali Hassan Khalil et Ghazi Zeaïter, députés et anciens ministres, mis en cause dans ce dossier. Il a dénoncé à cet égard le refus du ministre des Finances Youssef Khalil de signer le projet de nominations judiciaires de six des dix présidents des chambres de la Cour de cassation, approuvé par son collègue de la Justice Henri Khoury. Ce qui permet à la cour de retrouver son quorum et d’examiner les recours présentés. "Il y a une intention claire de blocage chez certaines parties, a martelé Mgr Raï. La justice doit être indépendante."

Agissements illégaux

Concernant la crise financière qui sévit dans le pays depuis trois ans, le patriarche maronite a affirmé que le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé "n’a pas agi de son propre chef". "C’est l’État qui l’a fait. Où est cet argent? On ne peut pas faire assumer la responsbailité à Salamé, alors que les hommes politiques ont dilapidé cet argent. Le Courant patriotique libre a intérêt à attaquer Riad Salamé", a-t-il constaté.
"Je ne défends pas Riad Salamé, mais je défends la justice. Que l’État rembourse les dettes avant d’accuser Salamé", a-t-il insisté.

"Je ne suis pas du tout, du tout satisfait de la prestation de (la procureure générale près la cour d’appel du Mont-Liban) Ghada Aoun", a encore critiqué Mgr Raï, soulignant que ses agissements sont "illégaux".

Sur le dossier de la présidentielle enfin, il a souligné la nécessité de l’organiser dans les deux mois qui précèdent la fin du mandat (30 octobre 2022) de Michel Aoun. "J’appelle toujours les ambassadeurs à œuvrer pour éviter la vacance présidentielle ou le prolongement" du mandat du président de la République Michel Aoun, a-t-il confié, soulignant en outre que ce dernier avait été "imposé". Il a rappelé dans ce cadre que le pays avait été paralysé pour l’élire, "ce qui est anti-démocratique, illégal et anticonstitutionnel".