C’est décidément la guerre entre le chef du gouvernement d’expédition des affaires courantes, Najib Mikati, et son ministre de l’Energie, Walid Fayad, qui s’accusent mutuellement de déformer la vérité pour ce qui a trait au dossier des offres faites au Liban par quatre compagnies internationales de production d’énergie, que le Conseil des ministres était censé examiner vendredi mais qui avait été au final retiré la veille par le ministre, "pour complément d’étude".

Après un échange acerbe entre les deux hommes, lundi, par communiqués interposés, la polémique a repris de plus belle mardi à la faveur d’une réplique cinglante du bureau de presse de Walid Fayad à l’adresse du chef du gouvernement. Celui-ci a réagi du tac au tac en revenant notamment à la charge quant aux motivations de son ministre de l’Energie. En d’autres termes, Najib Mikati accuse M. Fayad de suivre les instructions du chef du CPL, Gebran Bassil, dont il est proche, ou du conseiller du président de la République, Antoine Constantine, afin d’entraver toute réforme du secteur de l’énergie, géré depuis 2008 par des ministres représentant ce parti avec les résultats qu’on connaît. "Je le répète: c’est moi qui ai demandé (au gouvernement), de mon propre chef et sans diktat de qui que ce soit, d’attendre avant d’inclure les deux points relatifs à l’énergie à l’ordre du jour du Conseil des ministres", a déclaré son bureau de presse dans un communiqué.

Il répondait ainsi au communiqué dans lequel le bureau de presse de M. Mikati mettait le ministre au défi "d’identifier ceux qui lui avaient demandé de retirer les deux textes de l’ordre du jour du Conseil des ministres", vendredi dernier, en allusion à M. Bassil. Il l’avait aussi accusé de "jeter de la poudre aux yeux" des Libanais, lorsqu’il avait justifié le retrait des offres faites au Liban pour l’alimenter en courant électrique par une volonté de les examiner en profondeur parce qu’elles étaient ou incomplètes ou trop chères. "Non seulement j’accepte le défi, mais je réagis avec une autre question: Où se trouve l’offre complète évoquée par M. Mikati? Qu’il la mette à la disposition de l’opinion publique. Si cette offre remplit toutes les conditions financières, techniques et légales prévues, et ne fait pas l’objet de suspicions, qu’il la valide et qu’il en assume la responsabilité". Il faisait allusion aux offres faites par Ansaldo, Mitsubishi, General Electrics et Siemens au Liban afin de le doter des équipements nécessaires pour produire l’électricité. Elles avaient été adressées au ministère de l’Energie, mais aussi à la présidence du Conseil, au grand dam de l’équipe de Walid Fayad.

Le bureau de presse de M. Fayad a rejeté "les propos inacceptables de M. Mikati qui avait accusé le ministre de priver le Liban d’électricité, en indiquant que la suspension du dossier ne se rapporte pas à la construction de centrales électriques à Zahrani et Deir Ammar mais à la décision de confier à un consultant l’établissement d’un cahier des charges. "Nous continuons de négocier avec lui parce que ses tarifs sont trop élevés". Et d’appeler à mettre fin à la polémique "pour qu’on n’ait pas à dire davantage".

Mais Najib Mikati ne l’entendait pas de cette oreille. Dans un communiqué, son bureau de presse a vivement réagi à celui du ministère, en laissant entendre que le texte n’émanait pas de Walid Fayad mais d’une tierce partie. "Le ministre de l’Energie vit une véritable crise au sein de son département", a estimé le bureau de presse de M. Mikati, soulignant que cette crise "le pousse à faire et à dire une chose et son contraire, ce qui nous amène de nouveau à mettre les points sur les i".

"Après la publication de notre réponse à son communiqué truffé d’erreurs, en fin d’après-midi lundi, le ministre a appelé le chef du gouvernement pour lui faire part de son estime et le remercier pour leur collaboration durant son mandat. Il a aussi exprimé le souhait de mettre fin à cette polémique et d’examiner dans le calme les dossiers conflictuels, sans passer par les médias. Les deux hommes se sont entendus pour se voir à cette fin", indique le bureau de presse du Sérail qui se dit "surpris par le fond et le ton du communiqué publié par le ministre. Ce qui prouve qu’il est déterminé à obtenir coûte que coûte quitus d’actes qui parlent d’eux-mêmes, alors que le souci de M. Mikati est d’assurer l’électricité aux Libanais", selon le texte.

La guerre entre les deux hommes a éclaté vendredi en fin d’après-midi, à l’issue du dernier Conseil des ministres, après que M. Mikati se fut penché sur le dossier de l’énergie et de la crise de l’électricité lors de son point de presse. Le chef du Gouvernement avait révélé que l’État est en pourparlers avec quatre compagnies internationales, General Electrics, Siemens, Insaldo et Mitsubishi, afin de pouvoir alimenter le Liban en électricité 24h/24 par le biais des centrales de Zahrani et de Deir Ammar. Une information aussitôt démentie par Walid Fayad, qui s’était rué sur la tribune du Palais présidentiel pour nier les faits, après avoir reçu un appel du conseiller du chef de l’État, Antoine Constantine.

Le bureau de presse de M. Mikati souligne qu’entre samedi et mardi, M. Fayad "a appelé à deux reprises le Sérail pour calmer le jeu, avant de faire paraître des communiqués incendiaires, ce qui nous pousse à nous demander si c’est effectivement le ministre qui les a publiés et si c’est lui qui dirige son département ou s’il a simplement oublié ses engagements".

En d’autres termes, le Sérail laisse entendre que les communiqués dirigés contre Najib Mikati sont publiés à l’insu du ministre par le camp présidentiel qui veut garder la mainmise sur le secteur de l’Énergie, quitte à ce que les Libanais restent privés d’électricité.