Un appel à une grève des magistrats pour une semaine à partir de lundi a été lancé afin de protester contre la détérioration de leur niveau de vie, les conditions dans lesquelles ils travaillent et les ingérences politiques dans les affaires de la justice.

"La désintégration complète du pays et le génocide auquel le peuple libanais est exposé, qui atteignent de plein fouet les magistrats et auxiliaires de justice" ont poussé un groupe de juges à se réunir vendredi et à annoncer une grève d’une semaine à partir de lundi.

Ces femmes et hommes de droit, qui ont tenu une réunion au Palais de justice de Beyrouth vendredi dans la matinée, en ont assez de la situation dramatique dans laquelle ils exercent leur profession et refusent catégoriquement que soit "érodée la dignité judiciaire à tous les points de vue". Ils dénoncent "l’impuissance de la majorité écrasante des citoyens, dont ils font partie, à subvenir à ses besoins vitaux" et appellent le peuple libanais à "exiger de tous les dirigeants politiques qui ont gouverné pendant des décennies qu’ils assument leurs responsabilités morales a minima et qu’ils soutiennent eux-mêmes le Trésor public, pillé et en faillite, avec leurs propres fonds". "Ils ne peuvent pas profiter du luxe qu’assure le pouvoir et se laver les mains (des problèmes financiers dus à leur gestion des affaires publiques) dès que le peuple a faim", insistent-ils dans leur communiqué, en invitant tous les syndicats et les organisations de la société civile à suivre leur mouvement.  "L’État libanais est en faillite et c’est la classe politique qui a pillé l’argent du peuple", soulignent-ils encore.

Des sources judiciaires ont indiqué à Ici Beyrouth que c’est "parce qu’ils prononcent leurs jugements au nom du peuple libanais que les magistrats ont pris cette décision". Le cri des juges est ainsi l’écho des souffrances du peuple, dont ils font partie. "Les magistrats sont en mode de survie", souligne-t-on de mêmes sources.

Les causes de cette grève sont d’ordre moral, matériel et logistique. Il s’agit de questions relatives au coût du transport, à la santé, à la rémunération en livres libanaises ainsi qu’à l’absence de ressources essentielles pour pouvoir travailler : pas d’électricité, manque de papier, une hygiène des lieux qui laisse à désirer. En d’autres termes, même le contexte de travail des magistrats s’est radicalement détérioré, sans qu’aucune mesure ne soit prise pour l’améliorer.

A cela, il faut aussi, et surtout, ajouter la frustration pour certains magistrats de voir que des jugements ne sont pas exécutés, que certaines immunités semblent plus importantes que la justice et que celle-ci est exploitée à des fins d’intérêts politiques.

"Le secteur public risque de ne plus fonctionner. L’État est pillé et les personnes au pouvoir sont responsables de la situation dramatique dans laquelle sombrent le pays et la population", assure-t-on de mêmes sources.

Les doléances des magistrats ont été longuement discutées au cours d’une réunion que ces derniers avaient tenue plus tôt dans la journée de vendredi avec le président du Conseil supérieur de la magistrature Souheil Abboud, a-t-on appris de sources proches du secrétariat du CSM

"Une trentaine de juges de toutes les catégories étaient présents. Les personnes réunies ont discuté des difficultés auxquelles elles font face et des solutions possibles", selon les sources qui affirment ignorer les raisons pour lesquelles l’ordre de grève a été décrété par la suite.

D’autres sources rapportent que l’initiative de grève est survenue de façon spontanée, à la suite d’un échange de messages WhatsApp entre magistrats et que ce mouvement est soutenu par le Club des juges du Liban.