(Une patrie définitive pour tous ses fils, d’identité et d’appartenance arabe)


Constitution libanaise

L’arabité du Liban n’est pas un ajout à sa réalité ou une option sélective, autant qu’elle est au cœur de sa composition, sa mémoire, sa culture, sa charte et sa constitution. Elle est son espace vital, la source de sa créativité, son imagination son inspiration sa poésie. C’est une arabité qui ne lui a pas été imposée ou dictée, mais qui a contribué au développement de son héritage intellectuel et littéraire, à l’apogée de son acquis scientifique et philosophique, la mise en valeur de ses caractéristiques civilisationnelles et la formulation de son identité politique contemporaine.

A travers ses fils, le Liban a été le premier à lancer la Nahda littéraire et intellectuelle au sein de l’espace arabe, le premier à moderniser et développer la langue arabe moderne pour répondre et s’adapter aux transformations et aux développements du monde, le premier à créer des associations pour la libération arabe de la domination ottomane, le premier à fournir des formulations intellectuelles profondes au projet national arabe. Il a également été le premier à ouvrir la conscience arabe au développement scientifique, le premier à briser la barrière entre l’Est et l’Ouest, le premier à jeter des ponts d’interaction arabe positive avec les réalisations occidentales, et même le premier à véhiculer les enjeux de la modernité, à soulever ses problématiques et à alerter sur ses dilemmes au sein du champ arabe.

Plus le Liban était présent dans la renaissance du projet arabe moderne ; représentait la voix de la liberté qui résonne au nom de tous les Arabes au sein des instances internationales ; s’engageait sur tous les enjeux arabes fatidiques, au premier rang desquels la cause palestinienne ; plus il était conscient de et attentif à sa personnalité distinctive. L’arabité n’était pas, pour lui, une unité qui annulait les différences et les spécificités, une idéologie stricte généralisant une pensée stéréotypée, ou l’unilatéralisme d’un pouvoir annihilateur des libertés et violeur des droits. Pour les Libanais, l’arabité était un champs civilisationnel répondant aux développements et interagissant avec le monde environnant, et en même temps une oasis de diversité et un horizon de diversité accueillant la libre initiative et l’action créatrice.

Malgré la fierté des Libanais dans leur spécificité libanaise, l’identité libanaise n’était pas un principe contradictoire à l’arabité ou en concurrence avec elle, mais plutôt un espace spécial au sein même du domaine plus large de l’arabité. Un espace stimulant l’action créatrice, l’initiative ardente, la posture libre et la pensée lumineuse. Le Liban était synonyme d’une arabité avancée, inspirante pour la plupart des pays de la région et très appréciée, et une libanité qui ne connaissait pas l’isolement ou le repli sur soi, et qui avait renoncé à tout ségrégationnisme ou arrogance.

C’est une équation très équilibrée et minutieuse, que tous les Arabes ont comprise, acceptée et beaucoup appréciée. Les portes des pays arabes étaient ouvertes à tous les Libanais. Ils ont contribué à la construction, la reconstruction et la renaissance de ces pays, et ont démontré l’étendue de leur dynamisme, leurs capacités, leur haute efficacité et leur sens créatif au sein des pays arabes.

Dans la même mesure, le Liban a fait l’objet d’un soin, d’une attention et d’un soutien constants de la part de tous les pays arabes qui n’ont pas quitté le Liban en ses temps de détresse : celui de sa guerre civile, des attaques israéliennes contre lui, de ses crises économiques, ou dans le parrainage de l’Accord de Taëf pour mettre fin à ses conflits internes. Ils ont fait de grands efforts pour préserver et soutenir sa souveraineté en lui assurant un soutien total dans les forums internationaux.

Cette équation a fait du Liban le visage lumineux de l’arabisme, le miracle dont les Arabes étaient fiers, et qui a fait de l’arabité du Liban son espace stratégique et créatif, ainsi que sa soupape de sécurité. C’est aussi l’équation qui a préservé la spécificité et la caractéristique du Liban, et qui lui a procuré sa prospérité, sa stabilité et sa suprématie. C’est l’équation qui préserve la réalité du Liban, son identité et son sens, et tout préjudice à son égard est la sape du Liban lui-même et une entrée en matière vers son annihilation. Le Liban n’est pas seulement une zone géographique ou un vulgaire périmètre, mais une entité authentique qui a trouvé dans son vaste environnement arabe sa réalité civilisationnelle, ainsi que la source de la fertilité de son imagination et de l’abondance de sa pensée. Il a fait de sa place particulière un espace humain ouvert, un espace de vie fluide, une âme florissante et un esprit créatif.

Cela explique les positions rationnelles et sincères visant à assurer au Liban un statut de neutralité vis-à-vis de tout axe régional, afin qu’il puisse rester un pionnier et un refuge loin des conflits régionaux ou locaux qui perturbent cette équation délicate et sensible pour le Liban. La neutralité n’est pas un retrait de tout engagement moral ou national envers les questions arabes et humanitaires vis-à-vis desquelles les Libanais réitèrent leur engagement, dans la mesure où cela n’accable pas le Liban de charges qu’il ne peut supporter, et ou cela empêche le Liban de faire office de tremplin pour toute ambition régionale expansionniste ou de terreau pour toute idéologie fermée, monolithique. Il s’agit tout autant d’éviter l’implication du Liban dans les conflits arabes que de répondre au désir de ses fils d’être une arène de rencontre et de réconciliation, une terre de libertés, un refuge pour les opprimés et une plate-forme pour une liberté d’expression, de pensée, politique et littéraire pour tous les Arabes. En ce sens, la neutralité est une dynamique et une force, pas une faiblesse ou une indifférence ; une prémisse de positivité et de constructivité, pas de vol et de destruction ; un horizon de convergence, de continuité et d’intégration, pas de régression, d’isolement et de rupture.

Notre avons le souci décisif d’une relation profonde avec la sphère arabe, d’un engagement sérieux et transparent vis-à-vis de toutes ses questions, d’un lien organique avec le système de sécurité nationale et le réseau des intérêts arabes, et d’un parti pris explicite et direct contre quiconque agresse ou menace l’un de ces Etats. Cette préoccupation décisive, nous ne la considérons pas seulement comme une position politique, ou une expression de bonnes intentions, mais plutôt comme un acte de défense du Liban lui-même, un attachement à sa vérité et son identité. Tout comme le Liban est un modèle arabe avancé et inspirant, l’arabité est le secret de l’unicité du Liban et le pilier de sa survie.

C’est pour cette raison que l’identité arabe du Liban a été la question centrale de son histoire. Depuis le début de la reconnaissance de leur patrie en tant qu’entité souveraine indépendante, les Libanais ont résisté à toutes les tentatives de le séparer de son appartenance arabe. Ils n’ont pas hésité à offrir les sacrifices et les martyrs les plus précieux pour cette cause, et ils n’hésiteront pas à offrir ce qui est nécessaire à tout moment pour défendre cette appartenance.

La campagne menée actuellement sur la scène libanaise contre l’identité et l’affiliation arabe du Liban par des forces locales et extérieures dans le but de le rattacher à la tutelle d’États régionaux non arabes, est des plus dangereuses. D’autant que l’idéologie de ces forces est une idéologie d’obstruction qui contredit la spécificité du Liban, ouverte au pluralisme et à la liberté créatrice. Elle déploie qui plus est toute son énergie pour forcer le Liban dans des alignements, des affrontements et des batailles, pour en faire un satellite d’axes de confrontation. Elle épuise et détruit même son économie, déstabilise sa cohésion nationale voire l’anéantit, confisque et sape ses institutions étatiques, et tend la relation avec son environnement arabe jusqu’au point de l’en arracher et de le dissocier de sa mémoire historique et de son foyer naturel.

Les Libanais considèrent que leur bataille pour la défense de l’identité arabe du Liban constitue un élément essentiel de la bataille pour la survie du Liban. Ils iront jusqu’au bout dans cette confrontation, malgré le grand déséquilibre des rapports de forces. Pour cette raison, ils espèrent et attendent de leurs frères arabes, qui n’ont jamais laissé tomber le Liban et ne l’ont jamais quitté pendant ses jours d’épreuves et de détresse, leur soutien dans ce conflit fatidique qui se déroule actuellement au Liban. Il s’agit d’un conflit dont l’issue déterminera non seulement le sort du Liban, mais celui de l’ensemble du monde arabe. La bataille qui se déroule actuellement au Liban ne porte pas seulement sur la défense de l’identité arabe du Liban, mais de l’identité arabe dans son ensemble. L’arabité sans un Liban stable, prospère et avancé est une arabité limitée et déformée, et le Liban sans profondeur et appartenance arabes est un être fragile et hybride abandonné aux vents féroces du changement.

Nous ne défendons pas ici le Liban en tant que système et autorité, mais plutôt en tant que patrie pour la vie, qu’idée et que cause. Comme le définit le Dictionnaire Encyclopédique "Lissan el-Arab", le vocable Liban renvoie à une réalité magnifique et non à un objet de transaction qu’on peut faire passer par profits et pertes. Il s’agit d’une question d’appartenance et de destin, et il en sera toujours ainsi.

Les signataires : Abdelrahman el-Solh, Mohammad Matar, Sam Menassa, Tarek Mitri, Nada Abdel Sater, Antoine Courban, Radwan el-Sayyed, Fayçal el-Khalil, Khaled Hamadé, Elias Hoyek, Hareth Sleiman, Ziad el-Khalil, Salman Samaha, Salim Dahdah, Chucri Sader, Chawki Masri, Toufic Gaspard, Antoine Haddad, Ahmad el-Zohbi, Ziad el-Sayegh, Antoine Wakim, Amine Farchoukh, Nizar Younès, Youssef el-Zein, Camille Menassa, Elie Gebrayel, Hoda el-Khatib Chalak et Fayez Azzi.

Abonnez-vous à notre newsletter

Newsletter signup

Please wait...

Merci de vous être inscrit !