"Amos Hochstein se rend à Beyrouth dimanche prochain avec une proposition qui sera probablement acceptée par les trois pôles du pouvoir", confie une source proche du Sérail à Ici Beyrouth.

Depuis l’amarrage du navire de la société Energean Power au large de la zone maritime contestée (dans le champ gazier de Karish) entre le Liban et Israël dimanche dernier, les responsables politiques libanais préparent l’arrivée prévue dimanche prochain d’Amos Hochstein, le médiateur américain chargé des négociations indirectes de la délimitation de la frontière maritime avec l’État hébreu. Tout au long de la semaine, la classe dirigeante s’est affairée à produire des rapports, en coordination avec le commandement de l’armée, dans le but de les présenter à M. Hochstein et exposer la position de Beyrouth: celle de confirmer son attachement à défendre ses droits et ressources maritimes.

Du côté de l’État hébreu, les ministres israéliens des Affaires étrangères, de l’Énergie et de la Défense ont déclaré mercredi que "la plateforme gazière de Karish est située dans les zones israéliennes, et non pas dans la zone disputée avec le Liban". Ils ont appelé Beyrouth à "accélérer les négociations sur les frontières maritimes", tout en assurant que la plateforme qui se trouve dans le champ gazier de Karish "ne pompera pas de gaz dans la zone contestée". Les trois ministres ont par la suite expliqué que Karish constituait l’un de leurs atouts stratégiques et qu’ils étaient déterminés à bénéficier de la zone économique exclusive d’Israël. L’État hébreu semblerait donc vouloir un règlement diplomatique rapide de cette affaire, tout comme le Liban, qui a entamé dès dimanche dernier une série de contacts avec les Nations unies, ainsi qu’avec les États-Unis par le biais de l’ambassadrice Dorothy Shea, qui se trouvait à ce moment à Washington.

L’arrivée d’Amos Hochstein à Beyrouth s’inscrit ainsi non seulement dans le cadre d’une relance des négociations indirectes avec Israël, mais aussi dans une perspective d’apaisement des tensions afin de prévenir toute escalade qui mettrait en danger la stabilité de la région. "Washington serait d’ailleurs très inquiet que ce dernier scenario se réalise", selon le quotidien an-Nahar. Une inquiétude bien fondée, puisque le Hezbollah avait mis en garde à plusieurs reprises les Israéliens "contre toute atteinte aux droits du Liban sur ses ressources pétrolières et gazières". La formation chiite avait assuré, rappelons-le, qu’elle fera face à toute tentative israélienne d’extraction de gaz du champ de Karish, en précisant cependant que cette décision reviendrait au gouvernement libanais et aux autorités concernées.

"Ni le Hezbollah ni Israël n’ont intérêt à ce qu’une guerre éclate", selon une source proche du Sérail. Une information confirmée par l’avocat et analyste politique Joseph Abou Fadel. Selon lui, "le Hezbollah serait prêt logistiquement à une guerre, mais serait incapable de l’entreprendre, en raison de la situation géopolitique actuelle et de la guerre russo-ukrainienne". "Le parti chiite serait en train d’étudier la situation sous tous ses angles pour décider de la prochaine étape à suivre", a-t-il ajouté.

Sur un autre plan, Amos Hochstein se rendrait à Beyrouth dimanche prochain "avec une proposition qui sera probablement acceptée par les trois pôles du pouvoir", confie la source précitée à Ici Beyrouth. Un point de vue que Joseph Abou Fadel ne partage pas, puisqu’il estime que la teneur de la proposition de M. Hochstein ne changera pas la donne. "Amos Hochstein remettra sur la table le plan lié à la ligne 23".

Il convient de rappeler que le champ gazier de Karish se situe entre la ligne 23, qui délimite les 860 km² revendiqués par le Liban dans le cadre des négociations indirectes avec Israël entamées en 2020 sur base du décret 6433, et la ligne 29 qui accorde au Liban 1.430 km² supplémentaires, dont une partie du champ de Karish.

"Si le Liban accepte, cela mettra en danger le champ de Cana, explique M. Abou Fadel. Si le Liban refuse, nous reviendrons au point de départ. Dans les deux cas, le Liban sera perdant", dit-il, avant de poursuivre: "Si le président de la République avait signé l’amendement du décret 6433 et avait enregistré officiellement auprès de l’ONU la ligne 29 au lieu de la ligne 23, inscrite en 2011, nous ne serions pas arrivés là où nous en sommes. Le chef de l’État hésite à signer l’amendement, car son gendre (Gebran Bassil) continue à œuvrer auprès des Américains pour les convaincre de lever les sanctions qui le frappent. Nous continuons malheureusement à faire les frais des intérêts personnels et des aspirations politiques du régime fort."

Il n’en demeure pas moins que la classe dirigeante libanaise compte les minutes en attendant l’arrivée d’Amos Hochstein à Beyrouth, dans l’espoir que ce dernier parvienne à gérer la situation et à calmer le jeu avec l’État hébreu. Alors que certains voient en lui une planche de salut, d’autres, plus pessimistes, ne s’attendent pas à ce que sa visite soit particulièrement fructueuse. Affaire à suivre.