" La position libanaise sera officiellement annoncée mardi au médiateur américain Amos Hochstein lors de sa visite au palais de Baabda ", révèle une source proche de la présidence à Ici Beyrouth.

Plus que quelques heures nous séparent de l’arrivée à Beyrouth du médiateur américain Amos Hochstein, chargé des négociations indirectes avec Israël pour la délimitation de la frontière maritime. Cette visite très attendue et aux enjeux cruciaux sera déterminante pour l’avenir des deux pays, qui tentent d’imposer leurs conditions pour faire prévaloir leurs droits notamment sur une zone contestée en Méditerranée dans la perspective de prospection gazière offshore. Celle-ci a déjà été lancée par Israël alors qu’au Liban, on continue de tourner en rond.

But sécuritaire ?

Pourtant, la visite de M. Hochstein ne s’inscrit pas uniquement dans le cadre d’une relance des négociations indirectes avec Israël. Son arrivée semble tomber à point nommé pour apaiser les tensions attisées par les deux parties et prévenir toute escalade qui mettrait en danger la stabilité de la région, laquelle par ailleurs inquièterait beaucoup Washington. Cette inquiétude serait bien fondée, puisque dimanche en fin d’après-midi, le chef d’état-major de l’armée israélienne Aviv Kochavi, a affirmé que son pays a " identifié des milliers d’objectifs " en cas de guerre avec le Liban et qu’il ne gardera pas les bras croisés au cas où il serait attaqué. Le général israélien qui s’exprimait dans le cadre d’un congrès du " front intérieur " a menacé de bombardements " massifs et dévastateurs si jamais une guerre éclatait ", en précisant que son armée " avertira au préalable les habitants de la région frontalière afin qu’ils partent avant que les hostilités ne commencent ", selon le tweet publié par le porte-parole arabophone de l’armée israélienne Avichay Adraee sur son compte Twitter. L’officier israélien semblait répondre aux menaces proférées jeudi par le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, contre Israël sur fond de surenchères au sujet de la prospection gazière au niveau de la ligne 29.

La déclaration du chef d’état-major israélien, au timing bien calculé, contredit en outre les propos des ministres israéliens des Affaires étrangères, de l’Énergie et de la Défense, qui avaient appelé mercredi Beyrouth à " accélérer les négociations sur les frontières maritimes ", tout en assurant que la plateforme qui se trouve dans le champ gazier de Karish " ne pompera pas de gaz dans la zone contestée ".

Néanmoins, le commentaire du général de l’armée israélienne ne restera pas sans effet sur le Liban officiel et le Hezbollah, qui s’est toujours dit prêt à toute attaque de l’État hébreu, quelle que soit sa nature. La formation chiite n’a jamais caché ses desseins et avait mis en garde à plusieurs reprises les Israéliens " contre toute atteinte aux droits du Liban sur ses ressources pétrolières et gazières " ; elle avait menacé aussi de faire face à toute tentative israélienne d’extraction de gaz du champ de Karish.

Le champ gazier de Karish se situe entre la Ligne 23, qui délimite les 860 km² revendiqués par le Liban dans le cadre des négociations indirectes avec Israël entamées en 2020 sur base du décret 6433, et la Ligne 29 qui accorde au Liban 1.430 km² supplémentaires, dont une partie du champ de Karish.

Une position libanaise unifiée ?

Pour revenir aux négociations sur la délimitation de la frontière maritime, " la position libanaise sera officiellement annoncée mardi à Amos Hochstein lors de sa visite au palais de Baabda ", révèle une source proche de la présidence à Ici Beyrouth, sans vouloir donner davantage de précisions.

Il n’est de secret pour personne que l’unification de la réponse libanaise à la proposition de M. Hochstein a fait l’objet de longues concertations, couronnées par la dernière réunion entre le chef de l’État Michel Aoun et le Premier ministre sortant Nagib Mikati, samedi à Baabda. La réunion dont le principal but était de " discuter de la position libanaise sur la question du tracé de la frontière maritime sud " n’a pas inclus toutefois le président de la Chambre Nabih Berry, car " il n’avait pas été convié à y participer ", indique la source précitée. Et pourtant, c’est Nabih Berry qui avait mené les négociations préliminaires qui avaient débouché sur la conclusion d’un accord-cadre entre Beyrouth et Tel-Aviv et donné le coup d’envoi aux pourparlers indirects, interrompus en février dernier.

De même source, on indique toujours laconiquement que M. Berry a " en revanche été mis au courant de l’objectif et de la teneur de la réunion ".

Par ailleurs, il est nécessaire de souligner que la position officielle libanaise en réponse à l’offre du médiateur américain sera normalement basée sur trois conditions: 1- " L’obtention de la totalité du champ de Cana, contrairement à la proposition initiale de M. Hochstein; 2- l’adoption de la Ligne 23 dans son intégralité, ligne reconnue aux Nations unies depuis 2011; 3- la suspension des travaux menés par la compagnie Energean Power dans la zone disputée, le temps des négociations, pour éviter toute perturbation ou tension ", explique la source proche du palais de Baabda. " Les revendications libanaises seront bien évidemment étudiées avec M. Hochstein, afin de connaître la position israélienne sur le sujet, et d’évaluer le degré de coopération de l’État hébreu en ce qui concerne l’arrêt des activités d’Energean Power, " a-t-elle ajouté.

Quoiqu’il en soit, l’arrivée imminente de M. Hochstein devrait calmer les esprits échauffés, et apporter des données concrètes favorisant de vrais progrès dans les négociations sur la délimitation de la frontière maritime. Affaire à suivre…