Le Premier ministre sortant Nagib Mikati a menacé lundi de faire en sorte que le Liban puisse "faire sortir les réfugiés syriens" de son territoire si la communauté internationale ne coopérait pas avec Beyrouth pour faciliter leur retour dans leur pays d’origine.

À deux jours des consultations parlementaires contraignantes fixées au jeudi 23 juin pour la désignation du prochain chef de gouvernement, le Premier ministre sortant Nagib Mikati a appelé lundi "la communauté internationale à coopérer avec le Liban pour faciliter le retour des réfugiés syriens dans leur pays d’origine". Dans le cadre du lancement au Grand Sérail du "Plan libanais de réponse à la crise 2022-2023", il a affirmé que dans le cas contraire, le Liban "adopterait une position que les pays occidentaux ne souhaiteraient pas et qui consisterait, par les moyens légaux et l’application ferme des lois libanaises, à œuvrer pour les faire sortir du Liban".

Des propos qualifiés de "populistes" par le directeur exécutif du groupe de pression Civic Influence Hub (CIH), Ziad el-Sayegh. "C’est un discours populiste qui a pour seul but de manipuler l’opinion publique", s’indigne-t-il, avant d’ajouter: "Quels sont les moyens et les mécanismes légaux dont dispose M. Mikati pour rapatrier les réfugiés syriens, surtout que ses prérogatives actuelles ne lui permettent pas de prendre de telles décisions?".

Les mécanismes légaux pour entreprendre une démarche pareille nécessitent une étude poussée et basée sur des repères scientifiques. "Un protocole de coopération doit être établi entre l’État libanais et le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), qui regroupe une série de critères", affirme à Ici Beyrouth M. Sayegh, qui est également expert en politique publique et sur les questions des réfugiés. Il explique dans ce contexte qu’il faudrait d’abord "identifier les réfugiés concernés par cette mesure" et "les régions dans lesquelles ils seront installés en Syrie". De plus, "il faudra leur assurer des garanties sur les plans sécuritaire et social, sachant que le Liban respecte le principe de non-refoulement (principe interdisant l’extradition, l’expulsion ou le renvoi d’une personne vers un pays dans lequel elle serait poursuivie, une règle liée au droit des réfugiés et qui constitue le fondement de la Convention de Genève)", poursuit M. Sayegh.

Par ailleurs, l’expert dénonce le "timing" du discours prononcé par M. Mikati, à la veille des consultations parlementaires contraignantes. "Le discours du chef du gouvernement sortant aurait pour but d’influencer le choix des députés jeudi, affirme-t-il. C’est une façon pour Nagib Mikati de faire de la surenchère pour en mettre plein la vue au président Michel Aoun, au chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil et au Hezbollah, mais aussi à l’Église maronite, dans le seul but de montrer que sa position en tant que sunnite est plus ferme et plus avancée que la leur."

Et Ziad el-Sayegh de conclure: "Si cette initiative est vraiment sérieuse, comment se fait-il que le Liban ne soit pas membre observateur à Genève, comme tous les pays hôtes? Et pourquoi n’y a-t-il pas de véritable volonté à mettre en place des politiques publiques spécifiques à ce cas de figure?"