En attendant l’entrée de plain-pied dans la phase de l’élection présidentielle, le Liban passe par un temps mort. Et pour cause: le mandat ne parviendra pas à accomplir en moins de six mois, ce qu’il n’a pas réussi à faire en six ans. L’approche, la vision et la mentalité avec lesquelles le président de la République et son équipe ont géré les affaires du pays ne changeront pas. Ils pourraient même empirer au cours des dernières semaines de ce sexennat qui voudrait tenter d’améliorer les termes des négociations attenantes au choix du nouveau président.

On sait que l’élection présidentielle au Liban n’a jamais été strictement locale. Elle est le reflet de règlements internationaux et régionaux qui déterminent les acteurs influents sur la scène libanaise au moment de l’échéance. Si le Liban a toujours été le théâtre d’influences extérieures, une constante demeure: le pays est infiltré depuis sa formation et les marges d’indépendance évoluent au gré des changements régionaux, du bon vouloir des acteurs locaux et de l’ampleur de la dépendance de certains d’entre eux vis-à-vis de l’extérieur.

La malédiction de la géopolitique frappe ce petit pays depuis sa création, et depuis que le Mandat français a proclamé "l’État du Grand Liban", le 1ᵉʳ septembre 1920. Ses voisins ont toujours été fatigants. Au Sud, Israël qui a consacré sa présence en Palestine n’a pas hésité à plusieurs reprises à s’en prendre au Liban. L’occupation israélienne de la première capitale arabe, à savoir Beyrouth en 1982, a marqué un tournant historique majeur dans la nature du conflit israélo-arabe, reflétant la profondeur de l’impasse entre les pays arabes et l’État hébreu et, inévitablement, entre le Liban et Israël.

A l’Est et au Nord, la Syrie n’a jamais vu pas d’un bon œil le "détachement" du Liban de son "environnement géographique". De ce fait, et en dépit des coups d’État fréquents à Damas, les différents gouvernements syriens ont toujours traité le Liban avec condescendance et violé sa souveraineté, chaque fois que l’occasion se présentait. La "tutelle" syrienne sur le Liban de 1976 à 2005, avec une bénédiction arabe et internationale, constitue l’un des exemples les plus patents en la matière.

Sous cette "tutelle" syrienne, qui était en fait une occupation, les Libanais ont subi toutes formes d’humiliations. Leur décision nationale indépendante a été hypothéquée et la carte libanaise a été utilisée dans toutes les négociations menées par Damas au fil des ans avec Washington et l’Europe. La culture de la corruption est devenue endémique.  L’exploitation de l’économie libanaise et de son système bancaire libre battait son plein. Sans compter l’élimination purement physique ou politique de figures de proue nationales, destinée à permettre à la Syrie d’étendre son contrôle sur la scène libanaise sans rencontrer la moindre opposition.

Aujourd’hui, le Liban est confronté à des influences d’un ordre différent. Aux deux facteurs israélien et syrien (le premier ayant reculé relativement en raison de la politique de dissuasion et le second étant préoccupé par sa situation intérieure, depuis que la révolution populaire pacifique de 2011 s’est transformée en guerre civile), vient s’ajouter l’acteur iranien. Celui-ci étend intelligemment ses tentacules régionales en infiltrant les sociétés arabes par le truchement du soutien qu’il octroie à des factions locales stipendiées, lui évitant ainsi l’envoi de ses soldats vers les pays ciblés et l’exercice d’une occupation militaire directe classique.

Au regard de ce qui précède, les problèmes politiques engendrés par les ingérences susmentionnées font de la gestion de la question libanaise une affaire complexe et extrêmement difficile. C’est la raison pour laquelle le nouveau président de la République doit pouvoir arrondir les angles, tout en restant intraitable en ce qui concerne les positions nationales, sans faire de compromis ni entraîner le pays dans des tensions sectaires. Ce qu’il faut, c’est l’élection d’un nouveau président capable de redonner confiance au citoyen dans son État noyauté, et d’édifier un État moderne loin des intérêts communautaires et du népotisme.

Le Liban mérite d’avoir une nouvelle et sérieuse chance de voir le bout du tunnel dans lequel il est plongé. Le pays le vaut bien.