On prend les mêmes et on recommence ! Au grand dam des nombreux manifestants, le président par intérim du Sri Lanka, Ranil Wickremesinghe, a été élu mercredi 20 juillet chef de l’État avec le soutien du clan de son prédécesseur Gotabaya Rajapaksa. Ce dernier avait fui la semaine passé le pays alors que son palais présidentiel était envahi par la population.

Le président par intérim du Sri Lanka, Ranil Wickremesinghe, a été élu mercredi 20 juillet chef de l’État avec le soutien du clan de son prédécesseur Gotabaya Rajapaksa, qui a démissionné la semaine dernière après avoir fui son pays en faillite.

M. Wickremesinghe, qui a été six fois Premier ministre, a été désigné chef de l’État à une écrasante majorité par les députés avec 134 voix, contre 82 à son principal adversaire Dullas Alahapperuma et seulement trois pour le candidat de gauche Anura Dissanayake.

Sri Lanka
Le nouveau président devrait nommer un Premier ministre rapidement (AFP)

La politique sri-lankaise a toujours été dominée par quelques grandes dynasties, et Wrickemesinghe ne fait pas exception: neveu du président Junius Jayewardene (1978-1989), c’est son puissant oncle qui l’a nommé en 1977 vice-ministre des Affaires étrangères.

Un oncle surnommé le " vieux renard ", mais dont le neveu est réputé encore plus habile à naviguer dans les arcanes du pouvoir.

Investiture le 21 juillet

" Nos divisions sont maintenant terminées ", a déclaré ce cacique de la politique sri-lankaise de 73 ans, dans un discours prononcé devant le Parlement juste après son élection.

Il devrait officiellement prêter serment jeudi, selon le bureau du président du parlement.

Le nouveau président a évoqué une cérémonie simple dans le bâtiment du Parlement, placé mercredi sous l’étroite surveillance de centaines de soldats et de policiers.

M. Wickremesinghe, dont l’ambition de toute une vie est ainsi consacrée, a bénéficié du soutien du SLPP, le parti des Rajapaksa, le premier parti au parlement en nombre de sièges.

Sri Lanka
Les manifestants ont très mal pris la nouvelle (AFP)

L’ancien président Mahinda Rajapaksa, frère aîné de Gotabaya et chef du clan familial, est toujours dans le pays et, selon des sources du parti, a exercé des pressions sur les députés pour qu’ils soutiennent M. Wickremesinghe.

Aussitôt élu, le nouveau président a appelé M. Alahapperuma, 63 ans, à le " rejoindre afin de travailler ensemble pour sortir le pays de la crise ".

Pays en crise

Il hérite d’un pays de 22 millions d’habitants ravagé par une crise économique catastrophique qui provoque des pénuries d’aliments, de médicaments et de carburants.

L’île, qui a fait défaut en avril sur sa dette étrangère de 51 milliards de dollars, n’a même plus assez de devises pour financer ses importations essentielles, et espère un plan de sauvetage du Fonds Monétaire International (FMI).

M. Wickremesinghe, élu pour la période restante du mandat de M. Rajapaksa, qui se termine en novembre 2024, doit maintenant choisir un Premier ministre pour former un nouveau gouvernement.

Selon des observateurs, M. Wickremesinghe pourrait nommer Premier ministre son ancien camarade de classe Dinesh Gunawardena, un ex-ministre de la Fonction publique et fervent partisan du clan Rajapaksa.

Les députés sri-lankais lors du vote.

Le président du Parlement, Mahinda Abeywardana, a estimé que " les yeux du monde entier " étaient rivés mercredi sur cette élection, en se félicitant pour cette " session historique, non seulement pour le parlement, mais aussi pour le pays tout entier ".

" Nous avons perdu "

Mais Ranil Wickremesinghe est honni par les manifestants, qui le considèrent comme un allié et protecteur de Gotabaya Rajapaksa. Ce dernier a fui la colère de son peuple le 9 juillet aux Maldives avant de trouver refuge à Singapour, où il a présenté sa démission.

Devant le Bureau présidentiel, où les manifestants campaient depuis des mois avant d’obtenir le départ de Gotabaya, Damitha Abeyrathne, une actrice de 45 ans, estime que le mouvement va se poursuivre.

" Nous avons perdu. Le pays tout entier a perdu ", dit-elle à l’AFP. " Les politiciens se battent pour leur pouvoir. Ils ne se battent pas pour le peuple, ils n’éprouvent rien pour ceux qui souffrent ".

Les manifestants qui occupent une partie du bureau du président ont reçu l’ordre de quitter les lieux avant mercredi soir, sous peine d’être expulsés.

Un tribunal leur a ordonné d’évacuer le site et de se cantonner à une zone dédiée aux protestations.

Le candidat de la loi et de l’ordre

Selon un haut responsable de la police, toute personne endommageant des biens publics sera sévèrement punie.

Certains observateurs s’attendent à ce que M. Wickremesinghe réprime durement toute manifestation.

Mardi après-midi, des centaines d’étudiants avaient manifesté leur opposition à M. Wickremesinghe et promis de le chasser comme Gotabaya.

Lundi, M. Wickremesinghe, alors encore président par intérim, avait prolongé l’état d’urgence, qui confère à la police et aux forces de sécurité des pouvoirs étendus.

La semaine dernière, il avait ordonné l’expulsion des manifestants des bâtiments officiels qu’ils occupaient dans le centre de Colombo.

Selon le député tamoul d’opposition Dharmalingam Sithadthan, l’intransigeance affichée par M. Wickremesinghe à l’égard des manifestants a été bien accueillie par les députés, beaucoup ayant été victimes de violences pendant les manifestations.

" Ranil apparaît comme le candidat de la loi et de l’ordre ", a déclaré M. Sithadthan à l’AFP.

D’après l’analyste politique Kusal Perera, " Ranil a regagné l’acceptation des classes moyennes urbaines en rétablissant certains services comme le gaz, et il a déjà montré sa fermeté en faisant évacuer les bâtiments du gouvernement ".

Avec AFP