Dignitaire religieux et ancien procureur général, le président Ebrahim Raïssi fait face à de nombreuses difficultés alors que la situation économique empire et que la contestation reprend de la vigueur en Iran. Élu sur des promesses de protéger les libertés fondamentales et d’améliorer le quotidien des classes défavorisées, le président a dû supprimer les subventions d’État pour résorber le déficit abyssal et durcir la répression au nom du maintien de la stabilité. Un bilan pour l’heure en demi-teinte, qui pourrait menacer son ambition de succéder au guide suprême Ali Khamenei. 

Toujours coiffé de son turban noir et vêtu d’un long manteau de religieux, le président iranien Ebrahim Raïssi, élu en juin 2021 sans aucune expérience gouvernementale, fait face aux difficultés de l’exercice du pouvoir après avoir beaucoup promis.

Face à un déficit budgétaire jugé abyssal, lui qui s’était présenté comme le champion des classes défavorisées et de la lutte contre la corruption a annoncé en mai la suppression des subventions d’État sur la farine et l’augmentation de plusieurs denrées alimentaires de base.

Fin juillet, il a appelé les députés à " clarifier " pour la population les raisons de cette décision afin de " garder vivant l’espoir " des Iraniens.

Ancien chef de l’Autorité judiciaire, M. Raïssi est un hodjatoleslam (rang inférieur à ayatollah dans le clergé chiite) ultraconservateur et un partisan assumé de l’ordre.

Âgé de 61 ans, il figure sur la liste noire américaine des responsables iraniens sanctionnés par Washington pour " complicité de graves violations des droits humains ", accusations balayées comme nulles et non avenues par les autorités de Téhéran.

Ebrahim Raïssi a été élu le 18 juin 2021 dès le premier tour d’un scrutin marqué par une abstention record pour une présidentielle et l’absence de concurrents de poids (ils avaient été disqualifiés en amont du vote), et hérite des rênes d’un pays en proie à une crise sociale profonde sur fond d’économie minée par des sanctions américaines.

Il a prêté serment le 5 août de la même année, succédant au modéré Hassan Rohani, qui l’avait battu à la présidentielle de 2017 et ne pouvait plus se représenter après deux mandats consécutifs.

Un possible successeur au guide suprême 

Né en novembre 1960 dans la ville sainte chiite de Machhad (nord-est), M. Raïssi est nommé procureur général de Karaj, près de Téhéran, à seulement 20 ans, dans la foulée de la victoire de la Révolution islamique de 1979.

Il restera plus de trois décennies dans le système judiciaire : procureur général de Téhéran de 1989 à 1994, il est chef adjoint de l’Autorité judiciaire de 2004 à 2014, année de sa nomination au poste de procureur général du pays.

En 2016, le guide suprême Ali Khamenei place M. Raïssi à la tête de la puissante fondation caritative Astan-é Qods Razavi, qui gère le mausolée de l’Imam-Réza à Machhad ainsi qu’un immense patrimoine industriel et immobilier. Trois ans plus tard, il le nomme chef de l’Autorité judiciaire.

Sans grand charisme et toujours coiffé d’un turban noir de " seyyed " (descendant du Prophète), M. Raïssi, barbe poivre et sel et fines lunettes, a suivi les cours de religion et de jurisprudence islamique de l’ayatollah Khamenei. Plusieurs médias iraniens voient en lui un possible successeur au guide suprême, âgé de 83 ans.

Marié à Jamileh Alamolhoda, professeure de sciences de l’éducation à l’université Chahid-Béhechti de Téhéran, avec laquelle il a eu deux filles diplômées du supérieur, M. Raïssi est le gendre d’Ahmad Alamolhoda, imam de la prière et représentant provincial du Guide à Machhad, deuxième ville d’Iran.

Sans doute conscient qu’il lui fallait tenter de rassembler une société iranienne divisée sur la question des libertés individuelles, il s’était engagé pendant la campagne électorale de 2021 à être le défenseur de la " liberté d’expression " et des " droits fondamentaux de tous les citoyens iraniens ".

Une répression de masse

Mais ces dernières semaines, la réapparition de la police des mœurs – dont le zèle avait nettement diminué durant les huit ans de présidence de M. Rohani – a suscité plusieurs polémiques après des descentes répétées contre des femmes jugées " mal voilées ".

Pour l’opposition en exil et des organisations de défense des droits humains, le nom de M. Raïssi reste associé aux exécutions massives de détenus marxistes ou de gauche en 1988, à l’époque où il était procureur adjoint du tribunal révolutionnaire de Téhéran.

Interrogé en 2018 et en 2020 sur cette page noire de l’histoire récente, M. Raïssi a nié y avoir joué le moindre rôle, mais a rendu " hommage " à l' "ordre " donné selon lui par l’ayatollah Khomeiny, fondateur de la République islamique, de procéder à cette épuration.

Partisan de la manière forte face au Mouvement vert (nom de la vague de contestation provoquée par la réélection du président populiste Mahmoud Ahmadinejad en 2009), il déclara à l’époque : " À qui nous parle de compassion islamique et de pardon, nous répondons : nous allons continuer d’affronter les émeutiers jusqu’à la fin et nous déracinerons la sédition. "

Avec AFP