Mercredi, le leader chiite irakien Moqtada Sadr a demandé la dissolution du parlement alors que le pays se trouve dans un contexte de paralysie politique totale. Estimant qu’il n’avait " aucun intérêt " à dialoguer avec ses adversaires, il a en outre réclamé des législatives anticipées. Sadr s’exprimait dans le cadre d’une allocution télévisée, alors que les tractations entre les différents partis pour élire un Premier ministre restent au point mort. Samedi, ses partisans ont envahi le siège du Parlement afin d’y établir un sit-in. Vainqueur des dernières élections législatives, Moqtada Sadr avait créé la surprise en juin en faisant démissionner ses députés.

Le puissant leader chiite Moqtada Sadr a réclamé mercredi la dissolution du Parlement irakien et des législatives anticipées, estimant qu’il n’y avait " aucun intérêt " à dialoguer avec ses adversaires, dans un contexte de paralysie politique totale.

L’allocution télévisée du trublion de la vie politique irakienne, la première depuis que ses partisans ont envahi samedi le siège du Parlement pour y installer un sit-in, intervient au moment où se multiplient les appels au dialogue sur la scène politique.

Sit-in des partisans de Moqtada Sadr au parlement irakien (AFP)

La tension est montée d’un cran en Irak après le rejet par M. Sadr d’un candidat au poste de Premier ministre présenté par ses adversaires, les factions chiites pro-Iran qui forment l’influent Cadre de coordination.

" Je suis certain que la majorité de la population est exaspérée par la classe dirigeante dans son intégralité, y compris certains (politiciens) appartenant à mon Courant ", a reconnu le leader chiite dans son discours retransmis mercredi soir sur les télévisions locales.

" A partir de maintenant il n’y aura plus d’anciennes figures, quelle que soit leur appartenance ", a-t-il assuré, proposant " un processus démocratique révolutionnaire pacifique, puis des élections démocratiques anticipées après la dissolution du Parlement actuel ".

Le Courant Sadriste avait remporté haut la main les dernières législatives d’octobre 2021, avec 73 élus au sein du Parlement de 329 députés.

Mais en juin, M. Sadr avait créé la surprise en faisant démissionner ses députés, n’ayant pas réussi avec ses alliés à faire nommer un Premier ministre et à former un gouvernement " de majorité ".

Paralysie politique

Près de dix mois de tractations et de querelles politiciennes entre les partis n’ont pas permis à l’Irak de désigner un nouveau président de la République ou un chef du gouvernement.

Les manifestants pro-Sadr occupent le Parlement (AFP)

M. Sadr a lancé une campagne de pression maximale contre ses adversaires, et démontré qu’il était encore capable de mobiliser les foules pour faire avancer ses pions: à deux reprises fin juillet ses partisans ont envahi le Parlement, y installant depuis samedi un campement.

" Les révolutionnaires et les contestataires participant au sit-in doivent rester et poursuivre leur campement jusqu’à la mise en application des revendications ", a-t-il martelé.

Une dissolution du Parlement ne peut être actée que par un vote à la majorité absolue, selon la constitution irakienne. Elle peut être demandée par un tiers des députés, ou par le Premier ministre avec accord du Président de la république.

Pour tenter de trouver une sortie de crise, le Premier ministre Moustafa al-Kazimi, qui expédie les affaires courantes, avait récemment proposé un " dialogue national ".

La mission d’assistance de l’ONU pour l’Irak (UNAMI) a également réclamé un " dialogue significatif " entre toutes les parties, estimant qu’il était " plus urgent que jamais ".

Le Premier ministre irakien Moustafa al-Kazimi (AFP)

" Les récents événements ont démontré le risque rapide d’escalade dans un climat politique tendu ", selon un communiqué. " Nous appelons tous les acteurs (…) à se mettre d’accord sur des solutions sans délai ", a ajouté UNAMI.

Le président français Emmanuel Macron s’est aussi entretenu avec les dirigeants irakiens pour leur faire part " de sa préoccupation quant à la situation en Irak ", selon l’Elysée.

Il a " dit sa disponibilité à contribuer au dialogue et à la concertation " entre les différentes parties, y voyant " le seul chemin qui puisse permettre de trouver une issue à la crise ".

" Ne croyez pas les rumeurs selon lesquelles je ne veux pas de dialogue ", a assuré mercredi M. Sadr dans son allocution.

" Mais nous avons déjà essayé et vécu le dialogue avec eux, mais il ne nous a rien apporté à nous et à la nation, ne serait-ce que ruine et corruption (…) malgré leurs promesses ", a-t-il fustigé. Il n’y a " aucun intérêt à attendre d’un tel dialogue ".

Avec AFP