Une chronique d’Yves Mamou

Le président iranien, Seyyed Ebrahim Raeisi, vient pour la première fois de se prononcer nettement en faveur de la signature d’un accord sur le nucléaire. Ce qui permettrait à Téhéran d’accéder aux milliards de dollars d’avoirs gelés dans les banques occidentales, seul moyen de calmer une colère populaire qui prend une ampleur inégalée.

L’Iran connait ces jours ci un tournant historique pour deux raisons au moins:  le Guide Suprême iranien, Ali Khamenei, semble sur le point de succomber à l’âge et à un cancer de la prostate; des émeutes touchent les principales villes du pays.

Une guerre de succession s’ouvre donc qui mobilise déjà l’ensemble des clans qui composent le pouvoir politique iranien. Le fils de Ali Khamenei tire les ficelles dans l’ombre pour succéder à son père, mais l’actuel président, l’ayatollah Raisi, aussi. De quel côté le puissant corps des Gardiens de la Révolution va-t-il pencher ? Il est encore trop tôt pour le dire.

 

Les manifestations se poursuivent en Iran, suite au décès de Mahsa Amini après son arrestation par la police des moeurs

 

Cette succession est d’autant plus délicate que les Iraniens sont mobilisés comme jamais contre le régime. La mort suspecte d’une jeune Kurde dans un commissariat de la police des mœurs iranienne a poussé des milliers de manifestants dans les rues. Et le mouvement ne semble pas près de se calmer.

La main tendue du président iranien

Dans ces conditions, Seyyed Ebrahim Raeisi, président de la République islamique d’Iran, a fait savoir publiquement qu’il était ouvert à la signature d’un accord sur le nucléaire iranien. "Le président iranien Seyyed Ebrahim Raeisi a déclaré qu’un accord sur le JCPOA était à portée de main à condition que les États-Unis fassent preuve de bonne volonté" a affirmé l’agence iranienne de presse Mehr. La "bonne volonté" demandée aux États Unis n’est pas nouvelle, mais elle apparaît aujourd’hui comme un argument destiné à sauver la face.

Ebrahim Raisi est candidat au poste de Guide Suprême en remplacement d’Ali Khamenei et a d’autant plus de chances d’accéder à ce poste qu’il réussira à calmer les émeutes qui ensanglantent le pays. Son ouverture soudaine sur le nucléaire pourrait indiquer que la féroce répression qui a tué plusieurs dizaines de personnes marque le pas et ne réussit pas à enrayer la colère de la population. Si la suppression d’Internet et le déchaînement policier ne réussissent pas à enrayer la révolte, alors le pouvoir iranien ne dispose plus que d’une ultime carte : accéder aux centaines de milliards de dollars d’avoirs gelés dans les banques occidentales à la suite de l’embargo occidental. Seul cet argent permettra d’acheter le calme d’une population excédée.

 

Le président américain Joe Biden
Une terrible alternative pour Joe Biden

C’est à cet instant que les Occidentaux – et principalement les États Unis – vont se trouver devant un choix : vont-ils signer très vite un accord avec l’Iran et ainsi sauver la peau du régime ? Ou faire traîner la signature pour accélérer l’effondrement de la dictature politico-religieuse iranienne ?

Le second choix aurait des conséquences incalculables sur l’évolution des tensions au Moyen-Orient : le Hezbollah n’aurait plus à compter que sur lui-même au Liban, contraint de composer et de se "libaniser". La guerre au Yémen ne serait plus alimentée en armes et en munitions. Les Irakiens pourraient cesser de s’écharper entre pro-Iraniens et anti-Iraniens. La Syrie pourrait retrouver un semblant de paix. Le Hamas et le Jihad Islamique Palestinien cesseraient d’être alimentés en armes et en argent, ne représenteraient plus une menace existentielle pour Israël. Le Qatar, isolé au Moyen-Orient, devrait composer avec l’Arabie Saoudite qui deviendrait le maître du jeu au sein du monde arabe.

Aussi étrange que cela paraisse, le maitre du jeu en Iran aujourd’hui est Joe Biden. Comprend-on à la Maison-Blanche la complexité de la situation ? Telle est la question.

 

La survie du régime iranien suspendue à un accord sur le nucléaire