La République islamique d’Iran serait-elle sur la pente raide et glissante de la guerre civile? Deux semaines de contestations massives et de répression féroce, déclenchées suite au meurtre de Mahsa Amini par les Bassij, ont montré la fragilité du régime face une grogne populaire qui couve sous la braise. La vigueur des manifestations, surtout chez les jeunes protestataires, montre l’ampleur du rejet du régime des mollahs. Une autre variable vient s’ajouter, celle des minorités ethniques. Mahsa Amini, elle-même kurde, sa mort a déclenché une réaction forte au sein de son ethnie. Une autre minorité, celle des Balouches sunnites du Sistan-Balouchistan, serait victime de " massacres " selon des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux et des ONG des droits de l’Homme.

 

La mosaïque ethnique en Iran. (Wikimédia Commons)

 

Au moins 63 personnes ont été tuées la semaine passée à Zahedan, dans le sud-est de l’Iran, par la répression de manifestations par les forces de sécurité, a affirmé mardi l’ONG  Iran Human Rights (IHR), revoyant en hausse un précédent bilan.

Les " meurtres " à Zahedan, ville de la province du Sistan-Baloutchistan, constituent " des crimes contre l’humanité ", a réaffirmé dans un communiqué l’ONG  basée en Norvège. Son précédent bilan faisait état de 41 victimes dans cette région et de 92 personnes tuées au total dans le pays depuis le 16 septembre.

Au cours du " vendredi sanglant de Zahedan ", les forces de sécurité ont " réprimé dans le sang " une manifestation qui avait éclaté après les prières, avait-elle indiqué dimanche.

 

 

Cette manifestation a été déclenchée par des accusations selon lesquelles un chef de police de la ville portuaire de Chabahar, également dans cette province, a violé une adolescente de quinze ans appartenant à la minorité sunnite baloutche, toujours selon l’IHR.

Des informations publiées sur les réseaux sociaux avaient fait état de dizaines de morts à Zahedan vendredi, tandis que des images avaient montré des hôpitaux débordés et des cadavres ensanglantés.

 

 

Ces heurts ont eu lieu dans un contexte plus vaste de manifestations dans tout le pays, qui ont éclaté il y a deux semaines à la suite de la mort de Mahsa Amini, arrêtée par la police des mœurs.

Situé à la frontière du Pakistan, le Sistan-Baloutchistan est l’une des régions les plus pauvres d’Iran et abrite la minorité baloutche, qui adhère pour la plupart à l’islam sunnite et non au chiisme dominant en Iran.

 

 

Ces derniers mois, des militants se sont plaints du nombre disproportionné de condamnés baloutches exécutés, alors que les pendaisons se multiplient dans la République islamique.

L’IHR accuse par ailleurs les forces de sécurité d’avoir tiré lundi sur des manifestants depuis un hélicoptère militaire. Quatre personnes " circulant dans une voiture à toit ouvert ont été tuées par balle depuis un hélicoptère militaire dans le nord de Zahedan ", a affirmé l’ONG.

Après les sanctions US, celles de l’UE

A l’instar des nouvelles sanctions annoncées par Washington, l’Union européenne a indiqué mardi examiner des " mesures restrictives " pour sanctionner la répression meurtrière des manifestations en Iran, déclenchées par la mort de Mahsa Amini il y a plus de deux semaines.

 

 

Au moins 92 personnes ont été tuées en Iran depuis le 16 septembre, selon l’ONG Iran Human Rights (IHR), basée à Oslo, tandis que les autorités avancent un bilan d’environ 60 morts parmi lesquels 12 membres des forces de sécurité. Plusieurs centaines de personnes ont été arrêtées et certaines libérées.

Mahsa Amini, une Kurde iranienne de 22 ans, est décédée trois jours après son arrestation pour infraction au code vestimentaire strict de la République islamique qui oblige notamment les femmes à porter le voile. Sa mort a déclenché une vague de manifestations en Iran et des rassemblements de solidarité à travers le monde.

Après le Canada et les Etats-Unis, l’Union européenne (UE) veut sanctionner par des " mesures restrictives " le " meurtre de Mahsa Amini " et la répression des forces de sécurité, a déclaré mardi le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell.

Après le Canada et les Etats-Unis, l’Union européenne (UE) veut sanctionner par des " mesures restrictives " le " meurtre de Mahsa Amini " et la répression des forces de sécurité, a déclaré mardi le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell.

 

La France avait auparavant indiqué travailler au sein de l’UE en vue de geler des avoirs et d’interdire à des responsables iraniens de voyager.

Lundi, le président américain a annoncé de nouvelles sanctions contre Téhéran, qui a réagi en fustigeant " l’hypocrisie " de Joe Biden.

" Cette semaine, les Etats-Unis vont imposer des coûts supplémentaires aux auteurs de violences contre des manifestants pacifiques ", a prévenu M. Biden. " Nous continuerons à demander des comptes aux responsables iraniens et à soutenir le droit des Iraniens à manifester librement ".

Il n’a donné aucune indication sur les mesures envisagées contre l’Iran, déjà visé par de lourdes sanctions économiques américaines en grande partie liées à son programme nucléaire controversé, qui fait d’ailleurs l’objet de négociations entre Téhéran et des puissances occidentales.

 

 

" Il aurait mieux fallu pour Joe Biden de réfléchir un tant soit peu au bilan de son pays en matière de droits humains avant de parler de la situation humanitaire (en Iran), même si l’hypocrisie ne requiert pas de profonde réflexion ", a déclaré mardi le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Nasser Kanani.

Le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, avait déjà accusé lundi Washington et Israël — autre ennemi juré — d’avoir fomenté le mouvement de contestation, le plus important depuis celui de 2019 contre la hausse des prix de l’essence.

 

 

Mardi, le procureur général de Téhéran Ali Salehi a annoncé la libération de 400 détenus, qui se sont engagés " à ne pas répéter leurs actions ", a-t-il dit à l’agence de presse Irna. Au contraire, " pour les émeutiers qui ont (…) ont troublé l’ordre et la sécurité du peuple, il y aura une action en justice décisive et sérieuse, sans clémence ", a-t-il promis.

Le chanteur Shervin Hajipour, arrêté après que sa chanson en faveur des manifestations est devenue virale, a été libéré sous caution, a annoncé un procureur iranien.

 

 

D’après des informations de la BBC en persan et du média IranWire, les autorités ont enterré lundi le corps d’une manifestante, Nika Shahkarami, 16 ans, qui avait disparu à Téhéran le 20 septembre. Elle a été inhumée secrètement pour éviter que ses funérailles ne donnent lieu à une manifestation dans son village natal de Khoramabad, proche de la frontière irakienne, ont rapporté ces sources.

 

 

Avec AFP