Au 14e jour des manifestations déclenchées par la mort de Mahsa Amini, les Iraniens, femmes et hommes, sont descendus dans la rue dans plusieurs grandes villes du pays y compris dans la capitale Téhéran. A l’étranger aussi, les rassemblements de solidarité avec cette contestation se sont poursuivis. Non seulement les membres de la diaspora iranienne, mais encore des sympathisants étrangers choqués par la mort de plusieurs femmes pour des motifs aussi simples que le port du voile. 

En Iran, les protestations sont entrées samedi dans leur quatrième semaine malgré la répression meurtrière. Selon plusieurs ONG, de plus en plus de manifestants bravent l’interdit et n’hésitent plus à s’en prendre directement aux forces de l’ordre et autres milices du régime.

Pour les autorités iraniennes, la mort de Mahsa Amini a ouvert la boîte de Pandore. Le régime des mollahs mesure ainsi l’ampleur de la grogne populaire. Une grogne qui étonne également les observateurs étrangers, souvent trompés par l’image d’un pays relativement calme dont le peuple est majoritairement acquis aux idées de la révolution islamique. Avec les images et autres vidéos fuitées sur les réseaux sociaux et les gestes osés par les jeunes, on découvre le feu qui couve sous la braise.

 

En Iran et ailleurs, les manifestants ne décolèrent pas

 

La colère s’est enflammée à travers le pays à la suite du décès de cette Kurde iranienne de 22 ans le 16 septembre à l’hôpital, trois jours après son arrestation à Téhéran par la police des moeurs pour infraction au code vestimentaire strict de la République islamique pour les femmes prévoyant notamment le port du voile.

En 2019, la répression s’est accrue pendant le mouvement de contestation, le plus important depuis les manifestations contre la hausse des prix l’essence. L’ONG Iran Human Rights basée à Oslo a fait état dans un dernier bilan d’au moins 95 morts depuis le 16 septembre, alors qu’un bilan officiel a parlé d’environ 60 morts dont 12 policiers.

A Téhéran, les autorités ont affirmé vendredi que Mahsa Amini était décédée des suites d’une maladie et non de " coups ".

Mais le père de la jeune femme, Amjad Amini, qui avait affirmé que sa fille était en bonne santé avant son arrestation, a rejeté le rapport médical dans une interview à Iran International, une chaîne de télévision en persan basée à Londres. " J’ai vu de mes propres yeux que du sang avait coulé des oreilles et de la nuque de Mahsa ", a-t-il dit.

Des militants et des ONG avaient affirmé qu’elle avait souffert d’une blessure à la tête durant sa détention.

Quoiqu’il en soit, le rapport de l’Organisation médico-légale iranienne n’a pas calmé la rue en Iran, et les rassemblements de solidarité avec cette contestation se sont poursuivis à l’étranger.

Selon l’analyste iranien Omid Memarian, des vidéos ont montré de nombreuses manifestations à Téhéran. Sur l’une d’elles, les protestataires chantent " Mort au dictateur ".

Selon l’agence de presse iranienne Isna, des forces de l’ordre se sont déployées en force près des universités à Téhéran à la suite d’appels à manifester sur les réseaux sociaux. Mais d’après Isna, les rassemblements ont été " limités ".

Ailleurs en Iran, des écolières ont scandé " Femme, vie, liberté " à Saqez, ville natale de Mahsa Amini dans la province du Kurdistan (ouest), et marché en agitant leur foulard au-dessus de leur tête, selon des vidéos enregistrées samedi, a indiqué l’ONG de défense des droits humains Hengaw, basée en Norvège.

Une autre vidéo largement partagée montre un homme en train de modifier le texte d’un slogan sur un grand panneau d’affichage public où la phrase " La police est au service du peuple " est devenue " La police tue le peuple ".

Et selon des images en ligne vérifiées par l’AFP, sur une grande banderole placée sur un viaduc de l’autoroute Modares traversant le centre de Téhéran, il est écrit " Nous n’avons plus peur. Nous allons nous battre ".

En outre, des " grèves générales " ont eu lieu à Saqez, Sanandaj et Divandarreh, villes du Kurdistan, ainsi qu’à Mahabad dans la province d’Azerbaïdjan occidental, selon Hengaw.

A Sanandaj, où des coups de feu ont retenti lors d’affrontements entre manifestants et policiers, un homme semble avoir été tué alors qu’il est au volant de sa voiture, selon une vidéo largement diffusée sur Twitter. Un chef de la police a imputé ce décès à des " émeutiers ".

Des manifestations ont aussi eu lieu à Chiraz (sud) ainsi qu’à Karaj près de Téhéran, alors que des étudiants ont manifesté à Ispahan (centre) et Tabriz (nord-ouest) selon le site d’information Iran Wire, basé à Londres.

Samedi, le président Ebrahim Raïssi s’est rendu dans une université de Téhéran, et sur le campus des jeunes femmes ont été vues criant " Mort à l’oppresseur " selon l’IHR.

M. Raïssi s’est en outre entretenu avec le chef du pouvoir judiciaire et le président du Parlement, selon l’agence officielle Irna. Ils ont souligné " la nécessité pour la société de s’unir " face aux tentatives " de discorde des ennemis ".

L’Iran accuse des pays étrangers d’attiser les manifestations, notamment les Etats-Unis, son ennemi juré.

Par ailleurs, l’IHR, citant l’ONG Baluch Activists Campaign, a donné un nouveau bilan de 90 morts dans la répression de manifestations la semaine dernière à Zahedan dans la province du Sistan-Baloutchistan (sud-est), qui ne sont pas liées au décès de Mahsa Amini. Selon des ONG, les manifestations ont été déclenchées après des accusations selon lesquelles un policier a violé une adolescente.

Avec AFP