Alors que l’Allemagne est sous tensions face à la menace d’actes de sabotage russe, Berlin s’apprête à limoger Arne Schönbohm, le chef de l’agence fédérale de cybersécurité, en raison de soupçon de contacts avec les services de renseignement russes.

L’Allemagne s’apprête à limoger le chef de son agence de cybersécurité en raison de contacts présumés avec le renseignement russe, à un moment où le pays est sur le qui-vive face à d’éventuels actes de sabotage de Moscou.

" Un changement au poste de président du BSI va intervenir rapidement ", ont assuré lundi des sources proches du gouvernement à l’AFP.

A gauche, Arne Schönbohm, président de l’agence fédérale BSI (AFP)

 

Arne Schönbohm, président de l’agence fédérale BSI qui dépend du ministère de l’Intérieur, est sur la sellette depuis des révélations de médias faisant état de sa proximité avec une association de conseil en cybersécurité, elle-même soupçonnée de contact avec des services de renseignement russes.

Interrogée lors d’une conférence de presse régulière, une porte-parole du ministère de l’Intérieur a déclaré " ne rien pouvoir dire à ce stade " sur un remplacement éventuel de M. Schönbohm.

" Nous prenons très au sérieux " les allégations contre Arne Schönbohm, et " enquêtons de manière exhaustive " à ce sujet, a toutefois affirmé Sonja Kock.

Accusations " absurdes "

Arne Schönbohm est mis en cause en raison de ses contacts présumés avec une association baptisée " Cyber-Sicherheitsrat Deutschland " (Conseil allemand de cybersécurité ou CSRD), elle-même soupçonnée d’avoir des liens avec les milieux du renseignement russe.

L’association, cofondée en 2012 par M. Schönbohm et dont le siège est à Berlin, conseille les entreprises, agences gouvernementales et responsables politiques sur les questions de cybersécurité.

Ces liens ont fait l’objet d’investigations présentées vendredi dans une émission de la chaîne de télévision publique ZDF.

Arne Schönbohm est mis en cause en raison de ses contacts présumés avec une association de cybersécurité (AFP)

 

Est visée plus particulièrement l’une des sociétés adhérentes de CSRD. Cette société, Protelion, est une filiale de l’entreprise de cybersécurité russe O.A.O. Infotecs qui, selon les informations du réseau de recherche " Policy Network Analytics ", a été fondée par un ancien collaborateur des services de renseignement russes KGB.

Lundi, CSRD a qualifié les accusations selon lesquelles elle serait sous influence russe " d’absurdes ".

Dans un communiqué, son président Hans-Wilhelm Dünn a annoncé avoir exclu " avec effet immédiat " Protelion de ses membres et affirmé n’avoir jamais mené de projets communs avec elle depuis son adhésion en juin 2020.

Sabotage ferroviaire

Selon le quotidien des affaires Handelsblatt, M. Schönbohm fait l’objet d’un " grand mécontentement " au sein du gouvernement.

Le ministère de l’Intérieur a annulé la présentation du rapport annuel du BSI que devaient effectuer M. Schönbohm et la ministre Nancy Faeser.

" Il est clair que nous ne pouvons pas maintenir ce rendez-vous avant que la situation ne soit complètement clarifiée ", a justifié Mme Kock.

Ce limogeage de facto interviendrait alors que l’Allemagne a subi samedi un sabotage ferroviaire de grande ampleur, pour lequel certains ont évoqué la piste russe dans le contexte de la guerre en Ukraine.

Le sectionnement de câbles de communication stratégiques pour les trains avait paralysé le trafic pendant trois heures dans le nord du pays.

Un événement survenu après les récentes fuites des gazoducs Nord Stream 1 et Nord Stream 2 observées en mer Baltique, au sujet desquelles les autorités parlent également d’un sabotage.

L’Allemagne a subi samedi un sabotage ferroviaire de grande ampleur (AFP)

 

Dimanche, plusieurs responsables allemands ont appelé à renforcer la protection des grandes infrastructures nationales dans le contexte de la guerre en Ukraine.

" Chaque transformateur électrique, chaque centrale électrique, chaque tuyau de transport d’énergie constitue une cible potentielle ", a averti le général Carsten Breuer, haut responsable de l’armée allemande, dans le quotidien Bild, en parlant de " menaces hybrides " croissantes.

Plus généralement, l’opposition conservatrice a appelé à repenser l’architecture de sécurité de l’Allemagne et de l’Union européenne. " L’époque moderne marquée par la conduite de guerres hybrides exige que nous adaptions nos concepts ", a dit un responsable du parti de l’ex-chancelière Angela Merkel, Thorsten Frei.

Moscou a été accusé à plusieurs reprises de cyber-espionnage contre Berlin, et ce avant même le début de l’invasion russe en Ukraine.

La Russie est notamment rendue responsable d’un piratage informatique à grande échelle qui a visé en 2015 les ordinateurs du Bundestag, le parlement allemand, et les services de la chancelière d’alors Angela Merkel, ainsi que l’Otan et la chaîne de télévision francophone TV5 Monde.

Avec AFP