Alors que le mouvement de contestation ne faiblit pas en Iran, les autorités ont lancé une enquête suite à une vidéo montrant des preuves de violences policières. La répression est particulièrement forte contre les manifestants, alors que plus de 1.000 personnes ont été inculpées.

Les autorités iraniennes ont ordonné mercredi une enquête après la diffusion d’une vidéo montrant des policiers frappant violemment un homme et qui témoigne, selon des défenseurs des droits humains, de la brutalité de la répression des manifestations en Iran.

Ces manifestations ont été déclenchées après la mort le 16 septembre de Mahsa Amini, une Kurde iranienne de 22 ans, arrêtée trois jours plus tôt par la police des mœurs pour avoir, selon celle-ci, enfreint le code vestimentaire strict de la République islamique prévoyant le port du voile.

 

La répression des protestations, sans précédent par leur ampleur et leur nature depuis la Révolution islamique de 1979, a fait 176 morts, selon l’ONG Iran Human Rights (IHR) basée en Norvège.

Une courte vidéo, prise avec un téléphone portable et publiée sur les réseaux sociaux, montre une dizaine de membres des forces de sécurité assénant des coups de matraque et de pied à un homme au sol.

L’homme tente au début de se protéger la tête avec ses mains mais les policiers continuent de le frapper. On entend le bruit d’un tir puis un policier semble rouler sur lui avec sa moto. La brigade abandonne finalement le corps inanimé. On ignore si cet homme est toujours vivant ou s’il est mort.

" Un ordre spécial a été immédiatement émis pour enquêter sur l’incident et identifier les contrevenants ", a annoncé la police dans un communiqué publié par l’agence officielle Irna.

" La police n’approuve absolument pas les comportements violents et non réglementaires et traitera les contrevenants " conformément à la loi, a-t-elle ajouté.

 

Amnesty International a néanmoins affirmé que cette " vidéo choquante envoyée de Téhéran est un nouveau rappel horrible que la cruauté des forces de sécurité iraniennes ne connaît pas de limites ".

Arrestations en masse

La justice a fait état de 1.000 personnes d’ores et déjà inculpées pour leur participation aux " émeutes ", le terme utilisé par les autorités pour désigner les manifestations.

Le premier procès lié aux manifestations, celui de cinq hommes accusés d’infractions passibles de la peine capitale, s’est ouvert samedi à Téhéran.

" Les accusations et les peines n’ont aucune validité légale et leur seul but est de commettre plus de violence pour créer la peur dans la société ", a fustigé Mahmood Amiry-Moghaddam, le directeur d’IHR.

 

Des milliers de personnes ont été arrêtées en Iran depuis le 16 septembre, selon des militants.

Ces derniers accusent régulièrement l’Iran d’avoir recours à des aveux forcés de prisonniers politiques qui sont diffusés par les médias officiels à des fins de propagande.

Mercredi, l’agence Irna a diffusé une vidéo montrant selon elle un rappeur célèbre en Iran, Toomaj Salehi, arrêté après avoir soutenu les manifestants.

On y voit un homme tatoué assis au sol, un bandeau sur les yeux, son corps marqué de traces de sang et de contusions. L’homme dit " Je suis Toomaj Salehi " et reconnaît avoir " commis une erreur ".

" Les médias officiels, extrêmement inquiets, partagent des aveux forcés du rappeur Toomaj Salehi ", a écrit sur Twitter le groupe de défense de la liberté d’expression Article 19.

L’AFP n’a pas pu confirmer dans l’immédiat l’identité de l’homme.

L’Occident " coupable "

La mort de Mahsa Amini a été l’étincelle des manifestations dont les femmes, au départ, ont pris la tête, brûlant leur voile, fustigeant les autorités, rejointes par des écolières ou des étudiants.

Les autorités accusent l’Occident, notamment les Etats-Unis, ennemi de l’Iran, d’encourager la contestation.

" (…) Les Etats-Unis, le régime sioniste (Israël, NDLR), certaines puissances insidieuses en Europe et certains groupes ont déployé tous leurs moyens pour frapper la nation iranienne ", a lancé mercredi le guide suprême de la République islamique, l’ayatollah Ali Khamenei.

 

Alors que le bilan des manifestants tués s’alourdit, les funérailles et les cérémonies de deuil, organisées selon la tradition au 40e jour suivant un décès, " deviennent de plus en plus l’impulsion pour de nouveaux troubles ", souligne Kita Fitzpatrick, analyste Iran au Critical Threats Project de l’American Enterprise Institute.

Selon une vidéo d’IHR, de nombreuses personnes en deuil ont scandé " Mort à Khamenei " lors d’une cérémonie mercredi marquant le 40e jour de la mort de Hannaneh Kia, 23 ans, qui, selon des militants, a été tué par balles par les forces de sécurité à Nowshahr (nord).

Par ailleurs, 101 personnes, selon cette ONG, ont perdu la vie lors d’une vague de protestations distinctes à Zahedan, dans la province du Sistan-Baloutchistan (sud-est), liées à des accusations de viol d’une jeune fille par un policier.

Avec AFP