En raison d’une faible croissance mondiale, durement affectée par l’épidémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine, les pays en développement seraient à l’aune d’une crise majeure de la dette. Selon la Banque mondiale, ils seraient plus de 60% qui pourraient être incapables de rembourser leurs échéances. 

Le risque grossit, d’une crise de la dette dans les pays en développement, a alerté mardi la Banque mondiale (BM), appelant les créditeurs à agir en faveur d’une restructuration pour les pays les plus fragiles, avant qu’il ne soit trop tard.

Face à la possibilité de récession mondiale et de croissance ralentie sur les prochaines années, les pays les plus pauvres, comme les pays émergents, pourraient se voir dans l’impossibilité de faire face à leurs échéances, assure l’institution financière.

Le Fonds Monétaire International l’avait souligné, la BM le confirme, plus de 60% des pays en développement sont sur le point de basculer, ou basculent déjà, dans une crise de la dette.

Et pour cause, durant la dernière décennie, l’endettement des pays en développement a plus que doublé, pour atteindre 9.000 milliards de dollars en 2021, et sans doute plus en 2022, selon le rapport annuel sur la dette internationale de la BM, publié mardi.

La dépréciation de la monnaie locale, face au dollar, est l’une des causes de l’aggravation du poids de la dette (AFP)

 

Les raisons sont multiples : dépréciation de leur monnaie face au dollar, alors que leur dette est souvent libellée en billets verts, hausse des taux et des prix de l’énergie, de l’alimentaire et des engrais, qui viennent assécher leurs réserves de devises.

" Pour les pays en développement, les perspectives sont sombres, tant à court qu’à moyen terme ", a déclaré le président de la Banque mondiale, David Malpass, lors d’une conférence de presse téléphonique. " L’accès à l’électricité, aux engrais, à l’alimentation et aux capitaux va rester limité pour une période prolongée ".

Des difficultés supplémentaires pour les pays les plus pauvres qui dépensent plus de 10% de leurs revenus annuels au remboursement de leur dette, un niveau au plus haut depuis le début des années 2000.

Au-delà, l’institution financière s’inquiète particulièrement du risque d’assèchement de leurs possibilités de refinancement, qui pourrait encore compliquer leur situation.

" La combinaison d’un niveau d’endettement très élevé et d’une hausse des taux d’intérêt entraînera une captation importante du capital mondial par les pays avancés et sur une période prolongée ", a ainsi insisté M. Malpass.

Capacité d’investissement réduit

La hausse des taux impose aux États, en particulier les plus vulnérables, de refinancer une dette, qui bénéficiait jusqu’ici de faibles taux d’intérêt, par de nouvelles émissions nettement plus coûteuses, réduisant d’autant leurs capacités d’investissement notamment.

Face à cette situation, la BM martèle son message : les créditeurs doivent agir au plus tôt pour aider les pays en développement à restructurer leur dette, dans l’intérêt de tous.

Mais, comme le reconnaît David Malpass, " la composition de la dette a radicalement évolué, ce qui rend ces restructurations, pourtant plus que nécessaires, plus difficiles ".

Jusqu’ici largement entre les mains des pays membres du Club de Paris (une vingtaine de pays dont le G7 et la Russie), cette dernière est désormais principalement entre les mains du secteur privé (61%).

Des groupes de gauche manifestent devant le Parlement argentin alors que les législateurs débattent d’un plan permettant au pays de rembourser une dette de 45 milliards de dollars au Fonds monétaire international (AFP).

 

Pour le reste, plusieurs États non membres du club de Paris, en premier lieu la Chine, l’Inde et des pays du Golfe, ont vu leur part augmenter. La Chine représente parfois à elle seule près de la moitié des emprunts réalisés auprès d’un autre État.

Et les clauses des accords de prêt entre les pays emprunteurs et ces nouveaux créanciers restent le plus souvent secrètes, rendant d’autant plus compliquée une mise à plat de la situation financière complète des États à l’heure de la restructuration.

Ce point concerne en particulier la Chine, dont les prêts peuvent venir tant de l’État que des certaines provinces ou entreprises publiques, compliquant l’accès à une vision d’ensemble pour les pays emprunteurs.

Les difficultés des pays en développement sont " en partie causées par l’énorme hausse du montant de la dette " à l’égard de la Chine, a insisté M. Malpass, " il est clairement dans l’intérêt de la Chine d’avancer " sur les questions de restructuration.

Avec AFP