Le régime iranien est passé à la vitesse supérieure dans l’oppression de ses opposants. Après avoir tué, arrêté et exécuté des centaines de protestataires, les autorités ciblent à présent les personnalités pouvant avoir une influence marquante sur le mouvement de contestation. Une rafle systématique qui a culminé samedi avec l’arrestation d’une figure du cinéma iranien, Taraneh Alidoosti. La célébrité internationale de l’actrice n’a pas dissuadé le régime des mollahs de passer à l’acte.
Des célébrités et défenseurs des droits humains ont appelé l’Iran dimanche à libérer l’actrice et militante Taraneh Alidoosti, la personnalité la plus renommée arrêtée en lien avec le mouvement de contestation agitant le pays depuis trois mois.
Plusieurs artistes iraniens ont également été interpellés. Dimanche, Amir Maghareh, le chanteur du groupe de pop Makanband, a été " convoqué en tant qu’accusé " et a " quitté le parquet après avoir donné des explications, reçu un avertissement et pris un engagement ", a annoncé Mizan Online, l’agence de la justice iranienne.
La justice iranienne a indiqué samedi que des " célébrités ", dont Taraneh Alidoosti, avaient été arrêtées " à la suite de commentaires sans fondement sur les événements récents et la publication de matériel provocateur soutenant des émeutes de rue ".
" Des femmes sont arrêtées et emprisonnées en Iran pour avoir refusé de porter le hijab obligatoire, dont des actrices célèbres comme Taraneh Alidoosti. Le pouvoir des voix des femmes terrifie les dirigeants de la République islamique ", a estimé le Centre pour les droits de l’homme en Iran (CHRI), basé à New York.
14 yr old Massoomeh identified on school cameras not wearing a hijab was detained then dropped at the hospital with severe vaginal tears and died. Her mother wanted to go public and is now missing. #IranRevoIution2022 https://t.co/Pj5zztE4Io @melaniejoly @JustinTrudeau
— Nazanin Afshin-Jam MacKay (@NazaninAJ) December 18, 2022
" La courageuse actrice d’Iran a été arrêtée ", a écrit sur Instagram sa consoeur Golshifteh Farahani, qui a débuté sa carrière en Iran avant de fuir. " Cette photo a été prise en juillet 2008 juste avant que je quitte l’Iran pour de bon ", a-t-elle ajouté, sous une photo des deux actrices, accompagnée du hashtag " Free Taraneh Alidoosti ".
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Somayeh Mirshamsi, assistante réalisatrice pour " Le Client ", un film dans laquelle Alidoosti avait joué, a indiqué que l’actrice avait appelé son père pour lui dire qu’elle était détenue à la prison d’Evine, à Téhéran, connue pour les mauvais traitements infligés aux détenus politiques. Taraneh Alidoosti a demandé à son père de lui faire parvenir des médicaments et sa famille est " inquiète " pour sa santé, a écrit Somayeh Mirshamsi sur Twitter.
Des personnalités du cinéma iranien se sont rassemblées devant la prison, a rapporté le quotidien réformateur iranien Shargh, parmi lesquelles des acteurs de " Leïla et ses frères ".
" Taraneh Alidoosti est l’une des actrices les plus talentueuses et reconnues d’Iran ", a écrit Cameron Bailey, directeur du festival du film de Toronto, au Canada. " J’espère qu’elle sera libérée bientôt pour continuer à représenter la force du cinéma iranien ".
Exécution d’un médecin
Tehran doctor #AidaRostami was tortured and killed by the murderous Islamic Republic regime for treating injured protesters.
Both her hands were broken and her eye removed.#MahsaAmini https://t.co/zUgnGf2RnA— Nazanin Boniadi (@NazaninBoniadi) December 17, 2022
Par ailleurs, plusieurs comptes sur les réseaux sociaux ont rapporté qu’une médecin généraliste de 36 ans, Aida Rostami, est morte dans des circonstances suspectes. La docteure soignait les manifestants blessés par balle du quartier Ekbatan, situé à l’ouest de Téhéran. Selon " Radio Farda ", un média de l’opposition, la famille de Rostami a récupéré le 12 décembre son " corps sans vie, le visage écrasé et l’oeil gauche arraché ". Sa mort était un " accident " selon la police.
MORT SUSPECTE du docteur #Aida_Rostami, médecin généraliste de 36 ans qui soignait les manifestants blessés par balle du quartier Ekbatan(ouest)de Téhéran. Selon @RadioFarda_, sa famille a récupéré le 12 décembre son corps sans vie, le visage écrasé.Un " accident "selon la police pic.twitter.com/IQn0xRqVTD
— Armin Arefi (@arminarefi) December 16, 2022
Les arrestations n’ont pas épargné les étrangers ou les binationaux. La Belgique a appelé dimanche ses ressortissants qui se trouveraient en Iran à quitter le pays " dans les plus brefs délais ", à cause de " risques accrus de détention arbitraire ", après la condamnation à 28 ans de prison d’un humanitaire, Olivier Vadecasteele.
La répression touche aussi le milieu sportif. L’ancien footballeur de la sélection iranienne possédant également la nationalité allemande, Ashkan Dejagah, est interdit de quitter l’Iran, a annoncé dimanche le journal sportif Khabar Varzeshi.
Cette décision est liée à la présence du joueur " dans les manifestations (contre la République islamique) organisées en Allemagne ", selon le journal.
Today at the final of the World Cup, I only hope the players on the field and the whole world remembers that there’s a man and fellow footballer called Amir Nasr, on death row, only for speaking in favor of Women’s rights. pic.twitter.com/VdMicGVaml
— Shakira (@shakira) December 18, 2022
Mutinerie dans une prison de Karaj
Sur un autre plan, des troubles, survenus samedi dans la prison de Karaj, à une trentaine de kilomètres de la capitale iranienne, sont les derniers en date à secouer une prison du pays.
URGENT. De graves heurts auraient éclaté samedi 17 décembre dans la prison centrale de Karaj, après que des prisonniers se sont élevés contre l’exécution de 4 condamnés à mort, essuyant les tirs des forces pénitentiaires. Bilan : 100 prisonniers blessés.https://t.co/L8PEov45rb
— Armin Arefi (@arminarefi) December 17, 2022
Un détenu a été tué et dix-sept ont été blessés lors d’une émeute, a annoncé dimanche un groupe de défense des droits de l’homme. Ils ont éclaté lorsque des prisonniers ont protesté contre le transfèrement à l’isolement d’un détenu dont l’exécution est imminente, a expliqué dans un communiqué Iran Human Rights (IHR), basé en Norvège.
We won’t forget.
1-#AsraPanahi, from #Ardabil, was only 16. At her school she refused sing a pro-regime anthem. As a result, she was brutally beaten and lost her life in hospital. She is one brave soul who gave her life to this revolution. #IranRevoIution pic.twitter.com/Vvlxqp3CRp
— Masih Alinejad 🏳️ (@AlinejadMasih) December 18, 2022
Cependant, selon les autorités iraniennes, un détenu a été tué par un jet de pierre après un conflit entre prisonniers.
En octobre, au moins huit détenus sont morts dans un incendie à la prison d’Evine à Téhéran, déclenché, selon les autorités, par des " voyous ". Des ONG ont mis en doute cette version officielle sur les événements à Evine, connue pour les mauvais traitements infligés aux détenus politiques et où sont emprisonnés des étrangers.
Selon IHR, à Karaj, les prisonniers ont scandé des slogans contre le régime, notamment " mort au dictateur ", ont bloqué des portes et cassé les caméras de surveillance. L’ONG a affirmé que le prisonnier décédé se nommait Mohsen Mansouri et avait succombé à un tir l’ayant atteint à la tête, tandis que 17 détenus, blessés, ont dû être hospitalisés.
Selon l’ONU, au moins 14.000 personnes ont été arrêtées dans la répression du mouvement, entraînant, selon des militants, une terrible surpopulation dans les prisons.
Amnesty International a affirmé vendredi qu’au moins 26 personnes risquaient d’être exécutées en lien avec les manifestations, l’Iran ayant déjà exécuté ce mois-ci deux manifestants, provoquant l’indignation des Occidentaux.
Avec Twitter, Radio Farda, IranWire, AFP