En 2016, peu d’observateurs pouvaient présager la victoire de Donald Trump aux élections présidentielles américaines. L’homme d’affaires et star de téléréalité a souvent été très controversé, notamment durant sa carrière politique. Dernière folie en date : dans un message sur son réseau Truth Social, il a dévoilé une collection de " cartes numériques Donald Trump ", sur un modèle bien connu des amateurs de sport, mais en version " NFT ", c’est-à-dire sous forme de certificats de propriété numériques.

Il en a publié un exemplaire: une image qui le montre dessiné à la manière d’un superhéros musculeux de bande dessinée, moulé dans une combinaison rouge, campé sur un ring de boxe. Non seulement cela lui a valu les moqueries de ses opposants, mais aussi l’embarras de ses propres partisans. Celui qui avait il y a quelques années redressé un Parti républicain en pleine agonie, se retrouve aujourd’hui fragilisé politiquement, surtout après les législatives de novembre 2022.

Depuis la fin de son mandat présidentiel, Donald Trump fait part ouvertement de ses ambitions de retourner triomphant à la présidence de la République, encore plus crédible et soutenu. Il prend alors le rôle du farouche opposant, n’hésitant pas à critiquer fortement la gouvernance de l’Administration Biden. Que ce soit la débâcle en Afghanistan, l’invasion russe de l’Ukraine ou encore les performances économiques décevantes, l’ancien président ne cesse de rejeter la responsabilité sur son successeur.

Sur le plan politique, Donald Trump n’a jamais été aussi controversé et critiqué, surtout après l’élection décevante de la mi-mandat.

En effet, bien qu’il ait obtenu une majorité à la Chambre, le Parti républicain n’a bénéficié que de 49 sièges au Sénat, offrant une majorité de 51 sièges au Parti démocrate. Ainsi, la domination trumpiste sur le Parti républicain s’effrite.

Un sondage publié par le Wall Street Journal présente des chiffres surprenants: 52% des Républicains désireraient voir le gouverneur de Floride Ron DeSantis être candidat à la présidentielle de 2024 contre 38% pour Trump. Ce bouleversement a eu lieu en quelques semaines. " Sa puissance transgressive est devenue toxique ", selon un député républicain et ancien trumpiste.

Parallèlement, la commission d’enquête de la Chambre sur l’attaque du Capitole du 6 janvier 2021 a publié son rapport final le 21 décembre dernier. Elle accuse Trump d’avoir orchestré un coup d’État. "Donald Trump doit être poursuivi comme un criminel, en raison d’actes d’une gravité exceptionnelle", affirme le rapport.

L’ex-président pourra alors être poursuivi pour obstruction d’une procédure officielle (la certification des résultats au Congrès après la victoire de Joe Biden), conspiration contre les États-Unis, conspiration en vue de produire de fausses déclarations (les listes alternatives de grands électeurs) et incitation ou aide à une insurrection. Drôle de réputation pour un candidat à la présidentielle.

D’autres affaires judiciaires visant Trump sont aussi en attente de jugement. Tout d’abord, en quittant la Maison-Blanche, Donald Trump a emporté des cartons de documents classifiés ultra-secrets. Or une loi de 1978 oblige tout président américain à transmettre l’ensemble de ses courriels, lettres et autres documents de travail aux Archives nationales.

Après examen, la police fédérale a estimé qu’il en conservait probablement plusieurs dizaines dans sa luxueuse résidence de Mar-a-Lago. Des agents du FBI y ont mené le 8 août une perquisition spectaculaire sur la base d’un mandat pour " rétention de documents classifiés " et " entrave à une enquête fédérale ", et ont saisi une trentaine de boîtes. Une intense bataille judiciaire s’est alors ouverte pour déterminer la nature des documents saisis, ce qui a ralenti la procédure, mais là encore, une inculpation fédérale reste possible.

Enfin, dernière condamnation en date: ses affaires financières à New York. À la tête de la justice de l’État de New York, Laetitia James, une élue démocrate, a déposé une plainte au civil contre Donald Trump, ses enfants et son groupe, la Trump Organization. Elle les accuse d’avoir " délibérément " manipulé les évaluations des actifs du groupe, pour obtenir des prêts plus avantageux auprès des banques pour réduire ses impôts. Elle réclame 250 millions de dollars de dommages-intérêts au nom de l’État, ainsi que des interdictions de diriger des sociétés pour l’ex-président et ses proches. L’organisation familiale a été, la semaine dernière, reconnue coupable de corruption et d’évasion fiscale dans cette affaire.

Ainsi, le Parti républicain, prenant conscience du danger que pourrait leur infliger une personnalité aussi controversée, amorce un virage drastique, soutenant plutôt la candidature du gouverneur de Floride, seul éventuel candidat crédible. Les élections législatives de novembre 2022 confirment la fragilité politique de M. Trump, qui ne cesse malgré tout de vivre dans les chimères d’un retour triomphal, loin des réalités, en tous points brutales pour son avenir politique.