Comment un paiement pour acheter le silence d'une star de films pornos, dans la dernière ligne droite de la présidentielle américaine de 2016, a-t-il abouti à l'inculpation au pénal de Trump par la justice de l'État de New York, une première dans l'histoire des États-Unis pour un ancien président?
Au coeur de la campagne présidentielle de 2016, des négociations se jouent en coulisses pour empêcher des déballages embarrassants visant le candidat républicain. En août, un tabloïd dont le patron est proche de Donald Trump, The National Enquirer, achète pour 150.000 dollars à une mannequin, Karen McDougal, les droits de son histoire sur une relation qu'elle affirme avoir eue avec le milliardaire. But de l'opération: étouffer l'affaire, une technique connue sous le nom de "catch and kill" aux Etats-Unis, où les clauses de confidentialité sont courantes.
Trump avait déjà acheté le silence de Karen McDougal, une mannequin et "playmate", pour 150.000 dollars. (Twitter de Karen McDougal)
Une actrice de films pornographiques, Stephanie Clifford, alias Stormy Daniels, veut aussi monnayer son histoire supposée avec Donald Trump, en 2006, alors qu'il était marié à son épouse Melania. Le tabloïd la met en contact avec l'avocat personnel de Donald Trump, Michael Cohen. Ce fidèle d'entre les fidèles, surnommé le "pitbull", va verser fin octobre 2016, quelques jours avant la présidentielle, 130.000 dollars contre un accord de confidentialité de l'actrice. Le paiement sera révélé par le Wall Street Journal en janvier 2018. MM. Cohen et Trump réfutent tout paiement dans l'immédiat, et le 45e président des Etats-Unis (2017-2021) a toujours démenti avoir eu une relation avec l'actrice.
Déjà dans le viseur de l'enquête sur les ingérences de la Russie dans la présidentielle de 2016, M. Cohen voit l'étau judiciaire se resserrer. Il finit par collaborer avec la justice et plaide coupable en août 2018 devant le tribunal fédéral de Manhattan pour fraudes fiscales, bancaires, mais aussi pour violation des lois sur le financement des campagnes électorales.
(Crédit photo: Flickr)
Michael "Cohen a effectué ces paiements" pour acheter le silence de l'actrice "dans le but d'influencer l'élection présidentielle de 2016", affirme alors le parquet fédéral. Or, il a obtenu remboursement des sommes par la Trump Organization et la justice américaine considère qu'il s'agit d'un don dissimulé à la campagne du président, en violation des lois de financement électoral.
En décembre 2018, Michael Cohen, qui s'est retourné contre Donald Trump et dit avoir agi sur ses ordres, est condamné à trois ans de prison.
"Il n'y a rien de criminel dans le paiement lui-même. Ce qui est illégal, c'est de falsifier les documents commerciaux d'une entreprise", explique à l'AFP John Coffee, professeur de droit à l'université de Columbia, spécialisé dans la criminalité financière.
"La Trump Organization est une entreprise" et les remboursements versés à Michael Cohen ont été "déclarés comme étant destinés à couvrir des frais juridiques", poursuit-il. De fausses déclarations, selon la justice américaine.
Stormy Daniels au Salon Erotica de Los Angeles, en 2009 (Wikimédia Commons)
Si cette seule infraction est retenue à l'encontre de Donald Trump par la justice locale de l'Etat de New York, "il s'agit d'un délit".
"Mais cela devient un crime, qui peut être puni jusqu'à quatre ans de prison, si les procureurs peuvent convaincre un jury que la falsification a eu lieu dans le but de cacher un autre crime", comme un don illégal à la campagne du candidat de 2016, explique John Coffee.
"Ce n'est pas évident et ce sera débattu", prévient le professeur de droit.
Trump a assuré samedi sur son réseau social Truth Social qu'il allait être "arrêté" mardi et a appelé à des manifestations contre sa possible inculpation par un grand jury sous l'égide du parquet du procureur de l'Etat de New York pour Manhattan, Alvin Bragg, un élu démocrate.
Dans chacune des affaires qui le vise, Trump dénonce "une chasse aux sorcières" politique par des magistrats démocrates, notamment la procureure générale de l'Etat de New York (ministre de la Justice locale, NDLR) Letitia James. Dans l'affaire Stormy Daniels, les avocats de Donald Trump le présentent aussi comme victime d'une "extorsion" de la part de l'actrice.
Autre angle d'attaque, la fiabilité et la réputation de M. Cohen, témoin clé de l'accusation et devenu ennemi juré de Donald Trump. L'ancien avocat -- radié du barreau --, avait aussi été condamné pour avoir menti au Congrès, dans l'enquête russe.
Une éventuelle condamnation devant la justice new-yorkaise n'empêcherait pas légalement Donald Trump de maintenir sa candidature à la présidence des Etats-Unis pour 2024, selon John Coffee. "Cela aurait un effet stigmatisant. A quel point? Je n'en sais rien", estime le professeur, pour qui l'ancien président fera tout pour retarder un procès, quand ses adversaires à la primaire républicaine aimeraient le voir condamner avant.
Roger Barake, avec AFP
Pourquoi l'actrice porno Stormy Daniels a-t-elle reçu 130.000 dollars?
Au coeur de la campagne présidentielle de 2016, des négociations se jouent en coulisses pour empêcher des déballages embarrassants visant le candidat républicain. En août, un tabloïd dont le patron est proche de Donald Trump, The National Enquirer, achète pour 150.000 dollars à une mannequin, Karen McDougal, les droits de son histoire sur une relation qu'elle affirme avoir eue avec le milliardaire. But de l'opération: étouffer l'affaire, une technique connue sous le nom de "catch and kill" aux Etats-Unis, où les clauses de confidentialité sont courantes.
Trump avait déjà acheté le silence de Karen McDougal, une mannequin et "playmate", pour 150.000 dollars. (Twitter de Karen McDougal)
Une actrice de films pornographiques, Stephanie Clifford, alias Stormy Daniels, veut aussi monnayer son histoire supposée avec Donald Trump, en 2006, alors qu'il était marié à son épouse Melania. Le tabloïd la met en contact avec l'avocat personnel de Donald Trump, Michael Cohen. Ce fidèle d'entre les fidèles, surnommé le "pitbull", va verser fin octobre 2016, quelques jours avant la présidentielle, 130.000 dollars contre un accord de confidentialité de l'actrice. Le paiement sera révélé par le Wall Street Journal en janvier 2018. MM. Cohen et Trump réfutent tout paiement dans l'immédiat, et le 45e président des Etats-Unis (2017-2021) a toujours démenti avoir eu une relation avec l'actrice.
Pourquoi la justice américaine est-elle saisie?
Déjà dans le viseur de l'enquête sur les ingérences de la Russie dans la présidentielle de 2016, M. Cohen voit l'étau judiciaire se resserrer. Il finit par collaborer avec la justice et plaide coupable en août 2018 devant le tribunal fédéral de Manhattan pour fraudes fiscales, bancaires, mais aussi pour violation des lois sur le financement des campagnes électorales.
(Crédit photo: Flickr)
Michael "Cohen a effectué ces paiements" pour acheter le silence de l'actrice "dans le but d'influencer l'élection présidentielle de 2016", affirme alors le parquet fédéral. Or, il a obtenu remboursement des sommes par la Trump Organization et la justice américaine considère qu'il s'agit d'un don dissimulé à la campagne du président, en violation des lois de financement électoral.
En décembre 2018, Michael Cohen, qui s'est retourné contre Donald Trump et dit avoir agi sur ses ordres, est condamné à trois ans de prison.
Ce qui est reproché à Trump
"Il n'y a rien de criminel dans le paiement lui-même. Ce qui est illégal, c'est de falsifier les documents commerciaux d'une entreprise", explique à l'AFP John Coffee, professeur de droit à l'université de Columbia, spécialisé dans la criminalité financière.
"La Trump Organization est une entreprise" et les remboursements versés à Michael Cohen ont été "déclarés comme étant destinés à couvrir des frais juridiques", poursuit-il. De fausses déclarations, selon la justice américaine.
Stormy Daniels au Salon Erotica de Los Angeles, en 2009 (Wikimédia Commons)
Si cette seule infraction est retenue à l'encontre de Donald Trump par la justice locale de l'Etat de New York, "il s'agit d'un délit".
"Mais cela devient un crime, qui peut être puni jusqu'à quatre ans de prison, si les procureurs peuvent convaincre un jury que la falsification a eu lieu dans le but de cacher un autre crime", comme un don illégal à la campagne du candidat de 2016, explique John Coffee.
"Ce n'est pas évident et ce sera débattu", prévient le professeur de droit.
Comment se défend Trump?
Trump a assuré samedi sur son réseau social Truth Social qu'il allait être "arrêté" mardi et a appelé à des manifestations contre sa possible inculpation par un grand jury sous l'égide du parquet du procureur de l'Etat de New York pour Manhattan, Alvin Bragg, un élu démocrate.
Dans chacune des affaires qui le vise, Trump dénonce "une chasse aux sorcières" politique par des magistrats démocrates, notamment la procureure générale de l'Etat de New York (ministre de la Justice locale, NDLR) Letitia James. Dans l'affaire Stormy Daniels, les avocats de Donald Trump le présentent aussi comme victime d'une "extorsion" de la part de l'actrice.
Autre angle d'attaque, la fiabilité et la réputation de M. Cohen, témoin clé de l'accusation et devenu ennemi juré de Donald Trump. L'ancien avocat -- radié du barreau --, avait aussi été condamné pour avoir menti au Congrès, dans l'enquête russe.
Quelles conséquences sur la campagne présidentielle?
Une éventuelle condamnation devant la justice new-yorkaise n'empêcherait pas légalement Donald Trump de maintenir sa candidature à la présidence des Etats-Unis pour 2024, selon John Coffee. "Cela aurait un effet stigmatisant. A quel point? Je n'en sais rien", estime le professeur, pour qui l'ancien président fera tout pour retarder un procès, quand ses adversaires à la primaire républicaine aimeraient le voir condamner avant.
Roger Barake, avec AFP
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