Bachar al-Assad vient de supprimer les " tribunaux militaires de campagne ", où des simulacres de procès duraient à peine quelques minutes sans présence d’avocat et où les sentences sont sans appel. Ces outils du régime seraient responsables de la mort de milliers de Syriens, militaires comme civils. Toutefois, les militants des droits humains restent prudents, car le régime n’a jamais reconnu que ces tribunaux violaient les droits des détenus.

Le président syrien Bachar al-Assad a annoncé dimanche la suppression des " tribunaux militaires de campagne " où des milliers de personnes auraient été condamnées à mort et exécutés en dehors des procédures régulières.

Le chef de l’Etat syrien a publié un décret annulant la loi de 1968 qui avait créé ces tribunaux, a déclaré la présidence dans un communiqué.

Hormis les tribunaux d’exception, des centaines de milliers de Syriens ont perdu leurs vies lors de bombardements de zones peuplées par des civils par les forces du régime. (AFP)

" Toutes les affaires qui étaient soumises aux tribunaux militaires de campagne doivent être renvoyées (…) devant la justice militaire " ordinaire, indique la déclaration publiée sur Telegram, ajoutant que cette mesure entrait en vigueur immédiatement.

Selon un militant des droits humains, qui refuse d’être identifié, cette décision était " attendue depuis longtemps " mais " devrait être traitée avec prudence (…) en particulier parce que le régime n’a jamais reconnu que ces tribunaux violaient les droits des détenus ".

Diab Serriya, de l’Association des détenus et des disparus de la prison de Sednaya, a déclaré que " si les détenus sont déférés devant des tribunaux militaires " ordinaires au lieu de tribunaux militaires de campagne, " ils auront au moins droit à un avocat ".

Il a exprimé l’espoir que si les tribunaux militaires de campagne sont fermés et que leurs archives peuvent être consultées, les familles pourraient être en mesure de connaître " le sort de leurs proches qui sont portés disparus depuis des années ".

Diab Serriya, un des fondateurs de " l’Association des détenus et des disparus de la prison de Sednaya " (ADMSP), montre le plan de la sinistre prison hébergé par le site Internet d’Amnesty International lors d’un entretien dans son bureau de Gaziantep, en Turquie, le 12 août 2022. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, jusqu’à 100.000 personnes sont mortes dans les prisons du régime syrien depuis 2011, soit un cinquième du bilan total de la guerre. On estime qu’environ 30.000 personnes ont été détenues rien qu’à Sednaya depuis le début du conflit. Seuls 6.000 ont été libérées. La plupart des autres détenus sont officiellement considérés comme disparus car les certificats de décès parviennent rarement aux familles, à moins que les proches ne versent un pot-de-vin exorbitant, dans ce qui est devenu un racket majeur. (Omar HAJ KADOUR / Archives AFP)

L’avocat syrien Ghazwan Kronfol a indiqué que la compétence de ces tribunaux avait été étendue aux civils en réponse aux troubles des années 1980.

Ces juridictions ne sont pas tenues de respecter les procédures régulières, l’avocat n’a " aucun rôle " et les sentences ne peuvent pas faire l’objet d’appel, a-t-il ajouté.

" Au cours des années de révolution et de conflit, de nombreux détenus ont été condamnés à mort dans ces tribunaux et exécutés dès que les sentences ont été approuvées, a-t-il ajouté.

La guerre civile en Syrie a éclaté en 2011 avec la répression par le gouvernement de manifestations pacifiques.

" Des milliers de personnes ont pu être exécutées sur la base des décisions de ces tribunaux ", ajoute M. Kronfol.

Selon un rapport publié en 2017 par Amnesty International, les règles et les procédures de ces tribunaux " sont si sommaires et arbitraires qu’elles ne peuvent pas être considérées comme une véritable procédure judiciaire ".

Les simulacres de procès devant ces tribunaux ne durent que quelques minutes, précise ce rapport.

Georges Haddad, avec AFP