Volodymyr Zelensky a décidé dimanche de se séparer de son ministre de la Défense Oleksiï Reznikov sur fond de soupçons de corruption, alors que le président ukrainien doit montrer que son administration est inflexible face à ce mal endémique en Ukraine. Le chef de l’Etat en guerre contre l’invasion russe a nommé Roustem Oumerov, un Tatar de Crimée, ci-devant chef du Fonds des biens d’Etat, en remplacement. Le nouveau ministre sera le second haut responsable musulman au sein du gouvernement ukrainien.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a annoncé dimanche soir le remplacement prochain de son ministre de la Défense Oleksiï Reznikov par Roustem Oumerov, un Tatar de Crimée de 41 ans.
" Oleksiï Reznikov a traversé plus de 550 jours de guerre. Je crois que le ministère a besoin de nouvelles approches et de nouveaux modes d’interaction avec l’armée autant qu’avec la société civile au sens large " a déclaré M. Zelensky dans son allocution quotidienne.
Ce changement à la tête du ministère de la Défense intervient en pleine contre-offensive ukrainienne et alors que M. Zelensky a promis de renforcer la lutte contre la corruption, mal endémique en Ukraine, en réponse notamment aux conditions posées par l’Union européenne pour maintenir à Kiev son statut de candidat à l’adhésion.
Plusieurs scandales de corruption ont récemment été mis au jour dans le pays. L’un d’eux met en cause le ministère de la Défense qui, selon des médias ukrainiens, a signé à l’automne 2022 un contrat avec une entreprise turque pour la fourniture d’uniformes d’hiver, dont le prix a triplé après la signature.
Fin août, Oleksiï Reznikov avait assuré que les prix facturés correspondaient à ce qui était offert par les fabricants en Turquie.
Il s’agit du deuxième scandale de corruption présumée liée aux approvisionnements de l’armée secouant le ministère ukrainien de la Défense depuis le début de l’invasion russe, le 24 février 2022.
Fin janvier, une série de hauts responsables ukrainiens avaient été démis de leurs fonctions après que la presse a eu révélé qu’un contrat signé par le ministère et portant sur l’achat de produits alimentaires destinés aux soldats affichait des montants en réalité surévalués.
M. Reznikov, qui avait alors reconnu que les services de lutte contre la corruption de son ministère avaient " failli dans leur tâche ", avait conservé son poste.
Nommé ministre de la Défense trois mois avant l’invasion russe, Oleksiï Reznikov était devenu le visage de l’effort de guerre ukrainien, oeuvrant notamment à convaincre les alliés occidentaux d’équiper l’armée de Kiev en chars lourds, obusiers ou encore systèmes de défense aérienne Patriot.
Un musulman pour remplacer un juif
M. Zelensky a proposé de remplacer M. Reznikov, avocat de 57 ans, par Roustem Oumerov, 41 ans, Tatar de Crimée, chef du Fonds des biens d’Etat d’Ukraine. " J’attends du Parlement qu’il soutienne ce candidat " a déclaré le président ukrainien.
Oumerov est un membre éminent de la communauté tatare de Crimée qui a représenté son pays dans des négociations sensibles avec la Russie. Il est né en Ouzbékistan soviétique, pays dans lequel les Tatars de Crimée ont été exilés sous Staline. Il est retourné en Crimée, dans l’Ukraine indépendante, alors qu’il était encore enfant, lorsque les Tatars ont été autorisés à revenir dans les années 1980 et 1990… avant de la fuir lors de l’annexion russe en 2014.
Cet homme de 41 ans a débuté dans le secteur des télécommunications en 2004 et a été élu député de la Rada, le Parlement ukrainien, en 2019. En septembre de l’année dernière, il a été nommé directeur du Fonds des biens de l’État, un rôle particulièrement difficile en Ukraine où le processus de privatisation est en proie à la corruption.
Rustem Oumerov est le second haut responsable de religion musulmane au sein du gouvernement ukrainien, avec la vice-ministre des Affaires étrangères Emine Djaparova, qui est également membre de la communauté tatare de Crimée.
Pour l’anecdote, plusieurs médias arabes et musulmans ont choisi de titrer dimanche sur le fait que le président Zelensky a remplacé un ministre juif par un musulman.
Georges Haddad, avec AFP
