Des milliers d’Afghans ont été contraints de quitter le Pakistan, suite à l’ultimatum du gouvernement qui souhaite ainsi préserver " le bien-être et la sécurité " du pays. Au total, 29 000 migrants ont traversé la frontière mardi, submergeant les autorités talibanes.

Des Afghans quittent par milliers le Pakistan dans un exode massif en raison de la fin, mercredi, d’un ultimatum fixé par le gouvernement de ce pays à des centaines de milliers de personnes en situation irrégulière qui doivent quitter son territoire sous peine d’être arrêtés et expulsés.

Le Pakistan a donné jusqu’à mercredi aux sans-papiers afghans, dont il estime le nombre à 1,7 million, pour en partir volontairement, sans quoi ils seront expulsés.

Plusieurs milliers de personnes désireuses d’éviter l’expulsion ont rejoint mercredi la longue file de véhicules patientant à Torkham, principal poste-frontière entre les deux pays. Au total, 29.000 migrants ont traversé la frontière mardi par les différents points de passage.

" Depuis le 1er novembre, le processus d’arrestation et ensuite d’expulsion des étrangers en situation irrégulière a commencé. Toutefois, le retour volontaire (…) continuera aussi à être encouragé ", a indiqué dans un communiqué le ministère pakistanais de l’Intérieur.

Plus de 140.000 personnes ont quitté le Pakistan depuis l’annonce de ce plan début octobre, a-t-il précisé. Islamabad dit cibler l’ensemble des illégaux et pas seulement les Afghans, mais ceux-ci en sont de facto l’immense majorité.

Quarante-neuf centres de rétention, aptes chacun à accueillir plusieurs milliers de personnes, ont ouvert mercredi pour y placer les Afghans en attente de leur expulsion, ont rapporté les médias d’État.

" Ni terre, ni maison "

Des millions d’Afghans ont afflué au Pakistan au cours de décennies de guerre, dont au moins 600.000 depuis le retour au pouvoir des talibans à Kaboul en août 2021, en faisant l’un des pays qui accueillent le plus de réfugiés au monde.

Beaucoup ont peur de rentrer en Afghanistan, où le gouvernement taliban a imposé son interprétation rigoriste de l’islam, interdisant par exemple aux filles l’accès à l’éducation après l’école primaire.

Le gouvernement pakistanais a dit chercher à préserver avec cette mesure " le bien-être et la sécurité " du pays, où le sentiment anti-afghan est en hausse sur fond de crise économique et de multiplication des attentats à la frontière.

Mais pour certains de ces migrants, qui vivent depuis des décennies au Pakistan ou y sont nés, et ignorent tout de l’Afghanistan, l’avenir dans leur pays d’origine est bien incertain.

Nombre de personnes ayant fui l’Afghanistan ces deux dernières années et cherchant à obtenir l’asile dans des pays tiers, mais dont le visa pakistanais a expiré, risquent d’être expulsées, a mis en garde Human Rights Watch. L’ONU a estimé qu’elles pourraient être en danger à leur retour.

Washington a de son côté appelé le Pakistan à protéger les Afghans cherchant l’asile.

" Nous encourageons vivement les pays voisins de l’Afghanistan, dont le Pakistan, à permettre l’entrée des Afghans en quête de protection internationale et à se coordonner avec les organisations humanitaires internationales pour leur fournir de l’aide ", a déclaré le porte-parole du département d’État Matthew Miller.

Les autorités talibanes, qui ont pressé Islamabad de laisser plus de temps aux gens pour partir, ont été submergées par cet afflux soudain de personnes, lesquelles traversent la frontière avec des camions remplis à ras bord d’effets personnels, dans un chaos total.

La frustration gagne les arrivants, souvent contraints d’attendre plusieurs jours pour être enregistrés, sans endroit pour s’abriter, et ne disposant que de peu d’eau, de nourriture ou de médicaments.

Dans la province du Baloutchistan (Sud-ouest), le gouvernement local a annoncé aller " de porte en porte " pour retrouver la trace de tous les illégaux n’étant pas encore partis.

Marie de La Roche Saint-André, avec AFP