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La politique de subversion pilotée par l’Iran a détruit, de manière consécutive, la possibilité d’un ordre régional, de la reconstruction des États, des scénarios de paix, de la normalisation des dynamiques politiques et des diplomaties axées sur les politiques de développement comme voies alternatives aux impasses idéologiques et politiques en cours. Les crises systémiques de la modernité, arabe et islamique, n’ont pas donné lieu à des réformes structurelles, alors qu’elles ont favorisé les dérives idéologiques et autoritaires qui sont à l’origine des blocages se reproduisant de manière cyclique. La fragilité de l’ordre régional est sans cesse mise en lumière par la faillite tragique des printemps arabes, l’échec des rébellions civiques (Liban, Égypte, Syrie, Tunisie, Irak, Libye, Algérie, Iran…) au profit des régénérations autoritaires, les chaos institutionnalisés et les dynamiques conflictuelles allant dans tous les sens et sans limites.

La séquence actuelle du conflit israélo-palestinien succède aux guerres civiles qui ont conduit aux échecs alternés des printemps arabes. Il ne s’agit pas d’une irrégularité dans le cadre d’un schéma homéostatique, ou d’une aberration qui remet en question des équilibres systémiques. La sortie de cet état de chaos requiert la restitution des cadres de référence que sont les États, l’ordre régional, les réformes systémiques et leurs récits respectifs. C’est le seul antidote aux scénarios de guerre civile généralisée propulsés par le régime iranien, les mouvances islamistes sunnites et les dictatures de tutelle qui les instrumentalisent. Il n’y a aucune possibilité de s’extraire aux schémas de violence qui structurent l’imaginaire et l’action politique dans cette région, alors que les extrémismes de tous bords définissent la règle du jeu et sa trame. La violence mimétique s’inscrit dans les interstices d’une modernité faillie, où les conflits se font écho et répercutent les contradictions d’un monde sans repères.

Cette vision fait appel à des reconsidérations multiples quant à l’approche des conflits gelés qui se structurent au croisement de la légitimité nationale, des narrativités plurielles, de la recherche des consensus, des ingénieries constitutionnelles et de gouvernance et des cultures politiques d’encadrement. Il est inutile de chercher des solutions politiques en l’absence de schémas structurants qui permettent de sortir de la logique des rapports de force, de ses apories et des dynamiques conflictuelles qu’elle peut induire. Les extrémismes ne peuvent évoluer qu’en l’absence de schémas et de cadres régulateurs qui mettent fin à l’état de violence primaire et à ses effets délétères. Le passage d’une logique de violence absolutisée à une logique transactionnelle requiert des changements de paradigmes et des arbitrages internationaux qui rendent possible la conversion des schémas d’action en politique:

1/ La sortie des scénarios du chaos institutionnalisé promus par l’Iran, la Russie et leurs clones domestiques.

2/ Les Palestiniens pourraient uniquement s’extraire aux politiques de tutelle qui les ont instrumentalisés en renouant avec les arbitrages internationaux et la diplomatie multilatérale. La défaite militaire du Hamas et la réforme de l’Autorité nationale palestinienne contribueraient de manière décisive à la normalisation et à la réhabilitation de l’autodétermination nationale.

3/ Les Israéliens devraient accorder leur politique de légitime défense à celle de la reprise des négociations avec les Palestiniens, en vue de définir les contours d’une solution consensuelle basée sur un héritage de résolutions internationales, d’accords bilatéraux et de coexistence qui s’étendent sur un centenaire. La cooptation ou la neutralisation de la droite ultranationaliste et messianique est impérative dans le cadre d’une solution négociée.

4/ La reconnaissance et la réciprocité morale sont ultimement requises en vue de mettre un terme aux incertitudes sécuritaires et stratégiques qui définissent ce conflit de part en part.

5/ Les vides stratégiques et sécuritaires qui prévalent en Syrie nécessitent des rééquilibrages en termes de rapports de force avec la Russie et l’Iran, ainsi que la recherche d’une solution négociée à un conflit qui s’installe dans la durée et qui nécessite, plus que jamais, un arbitrage international.

6/ Le fédéralisme irakien s’avère le meilleur antidote à la mise en orbite iranienne, à la radicalisation des sunnites et à la survie de l’Irak.

7/ Le Liban est un État-lige dont les impasses institutionnelles répercutent des conflits de légitimité, de souveraineté et de gouvernance. Ces questions exigent, désormais, des encadrements internationaux qui rendent possible le recouvrement d’une titulature nationale entièrement bafouée par la politique de puissance chiite et ses émules.

L’internationalisation des conflits et les arbitrages qu’ils sollicitent sont désormais la voie incontournable à la recherche d’une paix durable dans la région. Le rôle de l’Otan, de la CEE et des pays arabes modérés fédérés par l’Arabie saoudite est le passage obligé, si l’on aspire à des solutions concrètes qui mettent fin aux vides sécuritaires et stratégiques dans une région sans ancrages normatif et institutionnel. La politique iranienne et ses doubles russe et chinois n’offrent que des scénarios de déstabilisation, d’instrumentalisation du chaos institutionnalisé, de pérennisation des dictatures et de totalitarisme islamique. L’exploitation des conflits, ainsi que la culture de la victimisation et de la belligérance qui s’apitoie sur elle-même (belligerent self pity) sont des lests dont il faudrait se défaire si jamais on est en quête de solutions réelles.