Alors que l’élection présidentielle française approche à grands pas, Ici Beyrouth fait un tour d’horizon des différentes perspectives des candidats en matière de politique étrangère.

Les menaces russes envers l’Ukraine, la politique européenne, les mercenaires de Wagner en Afrique, les sujets d’actualité et points de tensions ne manquent pas en ce début d’année. Selon un sondage OpinionWay, les trois quarts des Français jugent "importants" les choix de politique étrangère des candidats à la présidence française. Ces questions sont d’autant plus importantes que la France assure la présidence de l’Union Européenne (UE) pour une période de six mois.

Pour ou contre des sanctions accrues contre la Russie ? Faut-il soutenir l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan) ou bien en sortir ? Les candidats divergent sur la stratégie à adopter face aux menaces russes en Ukraine.

Tropisme prorusse de droite à gauche

À droite, Valérie Pécresse semble devoir faire le grand écart pour contenter ses soutiens, entre les centristes libéraux pro-UE et ceux situés à sa droite, qu’elle tente de séduire et qui affichent des vues plus favorables à la Russie. Ce 26 janvier, la candidate Les Républicains semble avoir quelque peu clarifié sa position : elle souhaite la mise en œuvre d’une "Conférence sur la sécurité européenne" réunissant l’UE, la Russie et les pays européens "de l’Atlantique à l’Oural". Elle a par ailleurs précisé que "l’intégration de l’Ukraine dans l’Otan ne me semble pas une priorité dans une Europe pacifiée et réconciliée". Une proposition qui pourrait être perçue favorablement par Vladimir Poutine. Avant Valérie Pécresse, l’ex-Premier ministre François Fillon et candidat introduit par LR avait fini à la troisième place, en 2017. Il s’est reconverti et trône désormais à la tête du conseil d’administration d’une grande entreprise russe.

Sans surprise, les candidats d’extrême droite affichent quant à eux une ligne pro-russe et plaident pour un rapprochement, sinon un partenariat avec Moscou. Par le passé, Marine Le Pen avait rencontré le chef du Kremlin ; la présidente du Rassemblent national était alors en quête de fonds pour financer sa campagne de 2017. Le parti de Marine Le Pen s’était félicité de l’annexion de la Crimée par la Russie, à l’époque le seul parti français adoptant cette position. Parmi les 193 États membres de l’ONU, 11 d’entre eux reconnaissent la Crimée comme territoire russe, comme l’Afghanistan, le Venezuela, la Syrie et la Corée du Nord. Quant à Eric Zemmour, il ne tarit pas d’éloges pour le président russe : "J’admire Poutine", déclarait-il en 2014. Estimant que "les USA n’ont rien à faire en Ukraine" et que la Russie  "est assiégée par l’Otan", le candidat du parti Reconquête conduirait une politique pro-russe s’il arrivait à la tête de l’État. Assurant que Poutine est un dirigeant "respectable" qui doit être "respecté", il a estimé lundi dans l’émission C dans l’air sur France TV que "Poutine essaie d’avoir un glacis protecteur et les Américains passent leur temps depuis trente ans à manger ce glacis".

Si l’inclinaison prorusse peut être expliquée par un agenda politique et idéologique – conservatisme, nationalisme, autoritarisme – compatible avec les valeurs véhiculées par les candidats de droite et d’extrême droite, elle est en revanche plus questionnable et problématique chez le candidat de La France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon, qui est situé à l’opposé de l’échiquier politique. Adoptant une posture "souverainiste" et "anti-impérialiste", le candidat LFI estime que la clé du problème se résume globalement aux Américains et à l’Otan, comme il a pu le faire entendre dernièrement dans plusieurs grands médias. "Je ne suis pas d’accord pour qu’on fasse de la Russie un ennemi", assurait-il dans un tweet début janvier. Il ajoutait que l’élargissement de l’Otan aux pays de l’Est dans les années 2000 avait été "ressenti comme une menace par la Russie" et prônait une sortie de l’Otan, qu’il estime être le relais des États-Unis.

Le point de convergence entre ces deux tendances du spectre politique réside donc dans une certaine idée du "souverainisme", notion reprise par les mouvements populistes et nationalistes anti-UE.

Chez les candidats de gauche représentant la social-démocratie (PS) et l’écologie (EELV), la socialiste Anne Hidalgo déplore une UE "aujourd’hui pas suffisamment affirmée". Selon elle, "il faut reconnaître nos alliés, les États-Unis, et il faut, sans humilier (Vladimir) Poutine, avoir cette discussion avec lui, mais peser très fortement" car "ce qui se passe en Ukraine, cette discussion qui a lieu sans les Européens, n’est pas acceptable".

Quant à l’écologiste Yannick Jadot (EELV), qui affirme que Poutine est un "dictateur sanglant", il prône des sanctions accrues contre la Russie et souhaite que "le président convoque un sommet à Kiev pour montrer à quel point nous sommes derrière l’Ukraine face à la Russie".

Entretien Macron-Poutine

La ligne officielle de la France est de dire qu’une entrée de l’Ukraine dans l’Otan n’est pas d’actualité, alors que le président Macron a alterné cette semaine entre fermeté et volonté de dialogue avec la Russie. Les États-Unis ont en revanche réaffirmé mercredi dernier que l’Ukraine avait la liberté de choisir ses alliances et partenaires pour sa défense, donc de rejoindre l’Otan si le pays le souhaite. Le président de la République française a prévenu mardi soir qu’en cas d’agression de l’Ukraine par la Russie, "la riposte sera là". M. Macron aura un entretien téléphonique avec Vladimir Poutine vendredi matin.

La position française vis-à-vis de la Russie sera donc déterminante au regard des autres dossiers qui implique Moscou, comme la Syrie, l’Iran ou la politique d’engagement en Afrique. La question de la réhabilitation de Bachar Al-Assad pourrait être de nouveau abordée, en cas d’un changement à l’Élysée. Concernant le dossier du nucléaire iranien, la France pourrait se rapprocher de la Russie, partenaire traditionnel de Téhéran. En Afrique, la présence russe, notamment via les mercenaires de Wagner, pourrait ne plus poser de soucis à Paris. S’ils restent hypothétiques, ces changements majeurs éventuels montrent à quel point la Russie pèse dans le jeu diplomatique.

Au regard de la situation actuelle sur le continent africain, la France a là aussi montré son implication et sa fermeté vis-à-vis de la Russie. Dans un entretien sur France 24, la ministre française des Armées, Florence Parly, a dénoncé l’émergence d’une "campagne de désinformation" dans le but de créer un "discours antifrançais" au Sahel. Les mercenaires russes du groupe Wagner "ne sont pas à Bamako" selon la ministre, qui a toutefois déclaré qu’une telle situation "serait inacceptable" pour Paris.

L’heure des grands débats télévisés – pour l’instant absents des écrans – pourraient permettre aux candidats à l’élection présidentielle française de clarifier leurs positions au sujet de ces enjeux internationaux.

(Avec AFP)

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