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Les priorités au sein du monde arabe sont tellement disparates et divergentes, que toute tentative de tracer l’avenir de la région arabe s’avère une entreprise théorique périlleuse. Cette complexité est accentuée par les questionnements profonds liés à l’identité collective arabe, exacerbée par les nombreux échecs accumulés au fil des décennies. Une situation qui a alimenté le désespoir et la frustration parmi les populations arabes ayant autrefois placé leurs espoirs dans les idéaux du nationalisme arabe et la coopération pour le bien-être et l’intérêt de la région.

L’échec collectif arabe ne se résume pas seulement à la manière dont la question de la Palestine est abordée, mais aussi à son dépouillement à travers l’histoire, illustrant ainsi le dernier exemple des cas d’occupation coloniale. Il s’applique également à d’autres domaines tout aussi importants, comme la coopération économique et commerciale, ainsi que le rapprochement culturel et humanitaire. Ces aspects auraient pu fournir une base similaire à celle de l’Union européenne qui avait servi de modèle avancé de confédération réussie malgré les problèmes et désaccords épisodiques entre ses membres sur des questions sensibles telles que la défense, la sécurité et la politique étrangère.

Dans cette perspective, il semble que la question de l’avenir de la région arabe en tant qu’entité géographique nécessite désormais une réévaluation et un examen approfondi. En effet, les priorités en Arabie saoudite, par exemple, diffèrent complètement de celles du Levant, notamment du Liban, de la Palestine, de la Syrie et de l’Irak. Par ailleurs, Riyad connaît actuellement un essor économique et urbain sans précédent, accompagné de politiques d’ouverture sociale, culturelle et artistique, marquant un contraste avec les décennies précédentes caractérisées par une tendance à l’isolement social général. En revanche, les guerres, les conflits, les paralysies, les blocages et les occupations persistent à travers les pays du Levant.

Par ailleurs, la privation des pays du Levant de leurs indépendances est également un phénomène sérieux et dangereux qui nécessite l’adoption d’une nouvelle approche. Par exemple, la Syrie, qui était autrefois un acteur majeur arabe et régional, se trouve désormais soumise à quatre occupations et a complètement perdu sa souveraineté, à l’exception de quelques aspects symboliques insignifiants.

Il en est de même pour l’Irak en raison de l’influence croissante des forces "non officielles", de leur militarisation et leur défiance à l’égard de l’État central, sans compter la problématique historique des Kurdes dans la région du Kurdistan irakien.

Le Liban est confronté à la même problématique également, où l’État central apparaît comme le maillon faible parmi les acteurs internes, certains étant plus puissants que d’autres, voire plus forts que l’État lui-même. Ce phénomène se retrouve également au Yémen, plongé dans une guerre civile sanglante, ou au Soudan (après sa partition), qui a également été englouti par cette dynamique.

Ce tableau sombre de la réalité arabe soulève la question de la démocratie dans un contexte où elle semble être une évidence dans certaines régions du monde, mais certainement pas dans les pays arabes. Il est essentiel de comprendre les raisons de l’échec de la démocratie dans la région et de déterminer s’il existe réellement une chance de la voir réussir, ou si son échec retentissant fournit un prétexte aux forces autoritaires pour la rejeter ou la tronquer au point de la rendre caricaturale tant dans sa forme que son contenu. De nombreux exemples illustrent cet échec comme c’est le cas en Irak.

Cette dure réalité qui contraint les populations arabes à devoir choisir entre la dictature et le chaos s’est intensifiée au fil des ans, comme en témoigne le cas irakien. D’aucuns ont avancé que l’Irak était plus stable sous la présidence de feu Saddam Hussein, ignorant complètement l’oppression exercée à l’époque, comme si elle était la clé de la stabilité. Cependant, cette stabilité était en réalité très coûteuse et le chaos actuel en Irak ne peut justifier de tels sacrifices.

Si l’on envisage la lecture de l’avenir de la région arabe à partir d’une approche géographique intégrée, similaire à celle des décennies précédentes, il est fort probable que les résultats se révèlent décevants, à la lumière des expériences historiques passées. Dans cette optique, l’avenir semble véritablement sombre. En revanche, en se penchant sur les spécificités, les contextes et les défis uniques de chaque pays, une vision plus nuancée émerge.

La Palestine demeure l’emblème le plus saisissant de l’échec collectif des nations arabes et demeurera une blessure béante tant que les Palestiniens compteront sur les États arabes pour libérer leur territoire. Surtout que cela n’a jamais été le cas auparavant et ne le sera certainement pas à l’avenir.