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Depuis le déclenchement de la guerre à Gaza, le 7 octobre 2023, entre le Hamas et Israël, un projet militaire est entrepris par l’armée israélienne. Celle-ci fraie une ceinture qui traverse l’enclave d’est en ouest. Baptisé "corridor Netzarim", ce couloir présente de multiples enjeux pour l’État hébreu.

Près de quatre mois après le début de la guerre à Gaza, le 7 octobre 2023, Israël s’est engagé dans un projet de construction de grande ampleur: aménager un corridor militarisé, qui traverse l’enclave palestinienne d’est en ouest, coupant le nord et le sud du territoire. Les travaux ont commencé en février dernier.

Le corridor Netzarim relie le sud d’Israël (région de Nahal Oz) à la mer Méditerranée, sur la côte est de l’enclave, isolant ainsi la ville de Gaza, au nord, du reste de la bande.

Il s’agit d’un couloir de près de deux kilomètres de largeur, longé par une route de 6,8 kilomètres, traversée en sept minutes.

Objectifs et enjeux

Pour Israël, le corridor de Netzarim sert de multiples intérêts, militaires et stratégiques, articulés autour d’un enjeu central: consolider le contrôle sécuritaire de Gaza.

D’une part, ce couloir permet de surveiller la zone et d’organiser des raids. L’armée israélienne y a construit trois bases d’opérations avancées, qui ont permis d’effectuer des dizaines de raids ciblés dans le nord et le centre de la bande de Gaza.

D’autre part, l’installation de points de contrôle dans le corridor permet de réguler le déplacement des Gazouis vers le nord de l’enclave, de coordonner l’acheminement de l’aide humanitaire vers le nord de Gaza, et de contrôler le trafic sur les routes stratégiques, qui sont au cœur des négociations avec le Hamas.

Au cours des derniers mois, la brigade israélienne Nahal a opéré principalement dans le corridor de Netzarim. Vers la fin du mois d’avril, elle a été retirée de la bande de Gaza afin de se préparer, avec d’autres, à de futures opérations, y compris une incursion terrestre dans Rafah.

Entre-temps, deux brigades de réservistes l’ont remplacée dans le corridor.

Des projets d’envergure

Pour établir le corridor de Netzarim, des destructions massives sont opérées par l’armée israélienne. Celle-ci a rasé de nombreux bâtiments et habitations pour faire place à une zone tampon d’un kilomètre de part et d’autre de la route centrale du corridor. Parmi les structures détruites, figurent l’hôpital turc, le campus de l’université Al-Aqsa et les villages entiers de Moughraqa et Johr el-Dik, à l’est de Gaza.

Parallèlement à l’avancée de ce projet militaire, l’armée israélienne œuvre à élargir la zone déclarée interdite aux Palestiniens, à la frontière avec Gaza, visant à créer une zone tampon large d’un kilomètre. Dans la foulée, tous les bâtiments se trouvant dans ce périmètre sont démolis. Une fois achevée, cette zone constituerait environ 16% de la superficie de la bande de Gaza.

Dans ce cadre, Volker Türk, haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, a averti, le 8 février dernier, que cette destruction israélienne massive des infrastructures civiles près de la frontière avec Gaza constitue une "grave violation" de la convention de Genève de 1949, relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, voire un crime de guerre.

Le corridor traverse également les anciens terrains de la colonie de Netzarim, établie au sud de Gaza en 1972 et comptant 400 habitants. Elle avait été évacuée en 2005, dans le cadre d’un plan de retrait israélien de terres palestiniennes, approuvé à l’époque par le gouvernement d’Ariel Sharon. Une première depuis qu’Israël a commencé à occuper la Cisjordanie et la bande de Gaza en 1967.

Entre juillet et août 2005, 21 colonies ont été démantelées à Gaza et 4 en Cisjordanie. Cela correspond à plus de 8.000 résidents juifs évacués de Gaza et environ 300 du nord de la Cisjordanie.

Compte tenu de ces données historiques, les deux projets d’infrastructure en cours, le corridor de contrôle et la zone tampon, suscitent des questionnements autour d’éventuels préparatifs d’une présence israélienne à long terme, dans la phase d’après-guerre. Recolonisation de Gaza ou présence militaire? Deux options autour desquels le gouvernement de Benjamin Netanyahou se garde, pour le moment, de se prononcer.