L’universitaire irano-suédois Ahmadreza Djalali, dans le couloir de la mort en Iran depuis huit ans, a demandé des comptes au Premier ministre suédois, après un échange de prisonniers dans lequel il n’était pas inclus.

"Monsieur le Premier ministre, je vous parle depuis la prison d’Evin, à l’intérieur de l’horrible grotte où j’ai passé huit ans et deux mois de ma vie, presque 3.000 jours", dit-il dans un enregistrement audio envoyé à l’AFP mercredi par son épouse Vida Mehrannia.

"Vous m’avez laissé ici, sans défense", a lancé M. Djalali au chef du gouvernement suédois Ulf Kristersson, après la libération, samedi, de deux Suédois d’Iran à la faveur d’un échange de prisonniers entre Stockholm et Téhéran.

Johan Floderus, un diplomate de l’UE, détenu en Iran depuis avril 2022, et Saeed Azizi, arrêté en novembre 2023, ont été libérés en échange de Hamid Noury, 63 ans, ancien haut responsable de l’administration pénitentiaire iranienne qui purgeait une peine de prison à perpétuité en Suède.

"Pourquoi pas moi?", s’est interrogé Ahmadreza Djalili, dans le couloir de la mort en Iran depuis 2017, après sa condamnation pour espionnage à l’issue d’un procès dénoncé par Amnesty International.

"Je suis tellement en colère, je n’ai plus les mots, qu’ont-ils fait?", a réagi Vida Mehrannia, faisant référence au gouvernement suédois.

Le ministre des Affaires étrangères suédois Tobias Billström assure avoir tenté d’obtenir sa libération, mais Téhéran a refusé de discuter de son cas car l’Iran ne reconnaît pas sa nationalité suédoise.

"Malheureusement, l’Iran n’a pas voulu discuter de lui, il ne le reconnaît pas comme citoyen suédois car il ne possédait que la nationalité iranienne au moment de son arrestation", a expliqué le ministre dans un message transmis à l’AFP. "Il a également été arrêté bien avant l’arrestation de Hamid Noury en Suède et donc pour d’autres raisons que d’être un pion dans le jeu cynique de l’Iran visant à faire libérer Noury."

Hamid Noury, arrêté en 2019 à Stockholm, avait été condamné à la perpétuité pour son rôle dans des exécutions de masse d’opposants ordonnées par Téhéran en 1988.

"Deux tiers de sa vie sans père"

"Ce ne sont que des excuses", a balayé l’épouse d’Ahmadreza Djalali. "Ils n’ont pas voulu obtenir sa libération, ce n’était pas important pour eux, ils n’ont pas voulu défier l’Iran."

"Monsieur le Premier ministre, vous avez décidé de m’abandonner au risque énorme d’être exécuté", poursuit Ahmadreza Djalali dans son message audio, rappelant que le Conseil des droits de l’homme des Nations unies l’a déclaré innocent en 2017.

"Mon fils avait quatre ans lorsque j’ai été incarcéré et il a maintenant douze ans et demi. Il a passé les deux tiers de sa vie sans père", ajoute-t-il, la voix fébrile. "Pour montrer votre honnêteté et votre humanité en tant que valeur fondamentale (…), rencontrez mon fils et ma famille devant les caméras de télévision et dites à mon fils pourquoi vous avez laissé son père (en Iran) et ce que vous ferez pour lui si je suis exécuté."

M. Djalali a été privé d’appel vers la Suède après la diffusion de l’enregistrement, a dit son épouse. "Mais cela valait le coup, c’était important" de faire entendre sa voix, selon elle.

Amnesty International a exhorté les autorités suédoises à "rendre d’urgence toutes les mesures nécessaires" pour obtenir sa libération et son retour.

Téhéran retient encore huit citoyens européens. Leurs soutiens clament leur innocence et des ONG les considèrent comme des "otages" utilisés pour obtenir la libération d’Iraniens détenus à l’étranger.

Avec AFP