Le gouvernement du Sri Lanka, à l’exception du président et du Premier ministre, a démissionné dimanche soir, après un blocage des réseaux sociaux qui a échoué à empêcher les rassemblements contre le pouvoir et la crise économique sans précédent qui frappe le pays.

Les manifestations dans ce pays d’Asie du Sud-Est de 22 millions d’habitants sont provoquées par de graves pénuries de biens essentiels, une forte inflation et de longues coupures de courant. Lors d’une réunion dimanche soir, tous les 26 ministres ont présenté leur démission au président Gotabaya Rajapaksa et à son frère, le Premier ministre Mahinda Rajapaksa, a indiqué à des journalistes le ministre de l’Education Dinesh Gunawardena.

" Tous les ministres ont présenté leur lettre de démission afin que le président puisse constituer un nouveau gouvernement ", a déclaré M. Gunawardena, ajoutant que la décision avait été prise après des discussions sur la crise économique. Trois autres membres de la puissante famille Rajapaksa figurent parmi les démissionnaires: le plus jeune frère Rajapaksa, Basil, ministre des Finances, l’aîné, Chamal, ministre de l’Agriculture, et l’héritier de la famille, Namal, ministre des Sports.

Couvre-feu

Ce coup de théâtre intervient alors que des milliers de personnes ont défié dimanche le couvre-feu, décrété jusqu’à lundi matin par le gouvernement, afin de protester et demander le départ de la famille Rajapaksa, revenue au pouvoir en novembre 2019.

Le président Gotabaya Rajapaksa avait imposé l’état d’urgence vendredi, au lendemain de la tentative de la foule de prendre d’assaut sa résidence dans la capitale Colombo. Twitter, Facebook, Whatsapp, YouTube et Instagram avaient été rendus inaccessibles dans tout le pays, un blocage dénoncé par la principale alliance de l’opposition, le Samagi Jana Balawegaya (SJB).

Avant que ce blocage ne prenne effet, des militants anonymes avaient lancé sur internet des appels à de nouvelles manifestations massives dimanche. Malgré la censure, plusieurs centaines de personnes, avec à leur tête des députés d’opposition, se sont rassemblées dimanche devant la résidence du chef de l’opposition, Sajith Premadasa, et se sont dirigées vers la place de l’Indépendance à Colombo, défiant le couvre-feu. Ils ont été rapidement empêchés d’avancer par des militaires et policiers armés de fusils d’assaut.

Le blocage de Twitter, Facebook, Whatsapp, YouTube et Instagram a été levé plus tard dans la journée, la Commission des droits de l’homme ayant jugé que le ministère de la Défense n’avait pas le pouvoir d’imposer la censure.

Le spectre de la guerre civile

La crise a provoqué des divergences au sein du pouvoir. " Je ne cautionnerai jamais le blocage des réseaux sociaux ", avait ainsi critiqué l’ex-ministre des Sports et neveu du président, Namal Rajapaksa.

La famille Rajapaksa était autrefois appréciée par une grande partie de la majorité cinghalaise du pays pour avoir mis brutalement fin, en 2009, à la longue guerre civile ethnique contre les Tigres tamouls. Mais sa popularité s’est effondrée avec la crise économique, la plus grave depuis l’indépendance en 1948.

Le tourisme et les transferts de fonds de la diaspora, vitaux pour l’économie, se sont effondrés lors de la pandémie. Les autorités ont imposé une quasi-interdiction des importations pour tenter d’économiser des devises étrangères.

Le Sri Lanka a demandé l’aide du Fonds monétaire international, mais les négociations pourraient durer jusqu’à la fin de l’année.

Avec AFP