La cour d’appel de Paris a fait fi lundi d’une récente décision de la Cour de cassation, la plus haute juridiction française, et maintenu l’inculpation pour torture et crimes de guerre d’un ex-rebelle islamiste syrien arrêté en 2020 en France.

" Par arrêt rendu ce jour, la chambre de l’instruction a, conformément aux réquisitions du ministère public, rejeté la requête de Majdi Nema " – qui contestait sa mise en examen pour torture, crimes de guerre et complicité d’enlèvement-, a indiqué le procureur général de Paris Rémy Heitz.

La chambre de l’instruction n’a donc pas suivi la Cour de cassation qui, dans un arrêt en novembre 2021 (arrêt Chaban), avait estimé que la justice française était incompétente dans l’affaire d’un autre Syrien, ex-soldat du régime de Bachar al-Assad, poursuivi pour complicité de crimes contre l’humanité. Cette décision avait provoqué un séisme dans le monde judiciaire et des organisations de défense des droits de l’Homme.

Ces ONG craignaient qu’elle ne fasse jurisprudence et n’ait de lourdes répercussions sur d’autres enquêtes, à commencer par celle visant Majdi Nema, ancien porte-parole du groupe Jaysh al-Islam (Armée de l’Islam, JAI). Selon la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH), qui a porté plainte à Paris contre JAI, ce mouvement islamiste d’obédience salafiste formé au début de la guerre civile pour combattre le régime de Bachar al-Assad, a fait " régner la terreur " au sein de la population civile de la région de la Ghouta orientale qu’il contrôlait avec d’autres factions rebelles, en pratiquant torture, enlèvements ou recrutement d’enfants-soldats.

Arrêté en janvier 2020 à Marseille (sud-est de la France), où il effectuait un séjour d’études, et écroué depuis, Majdi Nema, 33 ans, est soupçonné d’avoir participé, avec son groupe, à l’enlèvement de l’avocate et journaliste syrienne Razan Zeitouneh et de trois autres militants syriens le 9 décembre 2013. Ils n’ont plus donné signe de vie depuis. Majdi Nema est aussi suspecté d’avoir formé des enfants au combat et pratiqué des tortures sur des prisonniers.

Ses avocats avaient remis en cause le principe de compétence universelle de la justice française dans ce dossier. Mais la cour d’appel de Paris a écarté l’argument selon lequel la condition de la " double incrimination " prévue dans la loi française n’était pas remplie. Selon ce principe, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre doivent être reconnus dans le pays d’origine du suspect que la France entend poursuivre.

Or, la Syrie fait partie des pays ne reconnaissant pas ces crimes.

AFP