Face à l’inflation des prix énergétiques et la dégradation des relations avec la Russie, le Royaume-Uni a dévoilé sa nouvelle stratégie de production énergétique, basée sur deux piliers : le gaz local, situé en Mer du Nord, et le nucléaire. Le pays compte de même développer sa production d’énergie renouvelable. Un plan décrié par les ONGs environnementales, qui considèrent qu’investir dans les énergies fossiles est aujourd’hui une " folie ".

Il y a quelques mois, le Royaume-Uni accueillait la conférence internationale sur le climat COP26 et la stratégie énergétique de Londres visait en priorité la transition vers la neutralité carbone. Depuis, la guerre en Ukraine et l’inflation ont changé la donne.

Le gouvernement conservateur a dévoilé jeudi une nouvelle stratégie sur la sécurité énergétique qui veut accélérer sur le nucléaire, l’éolien, le solaire, mais aussi les énergies fossiles en mer du Nord, ce qui lui attire des critiques des ONG et de l’opposition.

Il n’est pourtant " pas du tout " question de réduire la priorité des engagements climatiques du Royaume-Uni, a assuré jeudi matin le ministre de l’Energie, Kwasi Kwarteng.

Mais " compte tenu de ce qui se passe dans le monde (…) nous agissons aussi pour rendre son indépendance énergétique au Royaume-Uni ", a-t-il justifié. Le premier tour d’attribution de licences d’exploitation d’hydrocarbures en mer du Nord s’ouvrira dès cet été.

Le pays ne sera " plus jamais soumis au chantage de personnes comme (le président russe) Vladimir Poutine ", a abondé le Premier ministre Boris Johnson, qui vise " près de la moitié de la capacité énergétique du pays provenant de l’éolien offshore d’ici à 2030 ".

M. Johnson compte aussi " relancer complètement l’industrie nucléaire, qui, je le crains, était plus ou moins moribonde dans ce pays ", a-t-il ajouté en visitant jeudi le chantier de la centrale nucléaire de Hinkley Point, seule en construction dans le pays.

Les critiques visaient jeudi le choix de produire davantage d’hydrocarbures, mais aussi une stratégie qui mettra des années à porter ses fruits, sans rien faire à court terme pour réduire les factures énergétiques des Britanniques, qui flambent.

Un plan en contradiction avec les impératifs écologiques

Malgré " quelques améliorations sur les objectifs d’énergie renouvelable " le gouvernement a " donné la priorité à des solutions lentes ", déplore Greenpeace UK.

Le nouveau plan " soutient de nouvelles licences pétrolières et gazières " en contradiction avec les objectifs climatiques du pays, tacle l’ONG, soulignant que ces nouveaux forages " mettent en moyenne 28 ans pour démarrer ".

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a qualifié lundi les nouveaux investissements dans les carburants fossiles de " folie économique et morale " au vu de l’urgence climatique.

Mais Kwasi Kwarteng n’hésite plus à affirmer à l’inverse qu’il serait " complètement fou " pour le Royaume-Uni " de fermer le robinet sur (sa) source nationale de gaz dans un monde aussi incertain ".

Sous pression face à des Britanniques forcés de choisir entre chauffage ou nourriture, le ministre admet cependant que forer plus localement ne va pas faire retomber les prix du gaz, qui suivent les prix des marchés internationaux. " Nous devons donc générer plus d’électricité en Grande-Bretagne " avec les renouvelables et le nucléaire, insiste-t-il.

Investir dans le nucléaire et les énergies renouvelables

Le Royaume-Uni prévoit d’accélérer le développement de l’atome et prévoit jusqu’à huit nouveaux réacteurs d’ici à 2050 sur certains de ses huit sites nucléaires désignés, avec pour objectif de fournir 25% de la demande en électricité.

Mais sa stratégie repose notamment sur de petits réacteurs modulaires construits par Rolls Royce, qui nécessiteront encore des années de développement : le premier ne sera pas opérationnel avant le début des années 2030.

La Grande-Bretagne compte actuellement 15 réacteurs sur huit sites, mais beaucoup sont en fin de vie et Hinkley point, projet porté par EDF et le chinois CGN, a vu ses coûts s’envoler et n’ouvrira pas avant 2026.

Londres a pour ambition de produire 95% d’électricité bas-carbone d’ici à 2030. Mais si le rôle du gaz se réduira progressivement dans le pays, il n’aura pas disparu d’ici là et son émission devront être compensées par des stratégies de capture de carbone.

" Les nouveaux engagements sont extrêmement ambitieux " mais il est " décevant de ne pas voir davantage (d’annonces) sur la performance énergétique et sur le soutien aux ménages " pour réduire immédiatement les factures, a commenté la Commission sur le changement climatique, un organisme public chargé de conseiller le gouvernement.

Londres regarde aussi, à plus long terme, du côté de la technologie prometteuse de l’hydrogène " vert " et de l’énergie marémotrice.

À l’inverse, la fracturation hydraulique et l’éolien terrestre n’auront pas un rôle central en raison de " la forte opposition locale ", a indiqué récemment le ministre de l’Énergie.

L’éolien terrestre est pourtant " la source d’énergie la moins chère et la plus rapide " à mettre en œuvre, a critiqué jeudi Ed Miliband, responsable du changement climatique pour l’opposition travailliste.

Mais cette énergie " est bloquée depuis 2015 " à cause de " quelques députés conservateurs qui tiennent en otage la politique énergétiques du gouvernement ", selon lui.

Avec AFP