Alors que les membres de l’Union européenne ont tous les maux du monde à tomber d’accord quant aux mesures à adopter pour bloquer les importations de gaz et pétrole russes, la Serbie, justement candidate pour entrer dans l’Union, choisit de se rapprocher de la Russie. Belgrade a obtenu un accord avec Moscou, pour la fourniture de gaz russe pendant 3 ans. La solidarité nationaliste slave a payé. Une décision que regrette Bruxelles.

Au moment où les Européens tentent d’isoler la Russie et de se sevrer tant bien que mal de ses énergies fossiles, la Serbie resserre ses relations avec Moscou au moyen d’un accord sur le gaz russe.

Belgrade est candidate à l’entrée dans l’Union européenne depuis dix ans, mais maintient des liens étroits avec le Kremlin. Si la Serbie a condamné à l’ONU l’invasion de l’Ukraine par la Russie fin février, elle refuse de s’aligner sur les sanctions contre Moscou.

Le pays des Balkans de sept millions d’habitants a obtenu un accord " très favorable " pour la fourniture de gaz russe pendant trois ans, a annoncé le président serbe Aleksandar Vucic après un échange téléphonique avec son homologue russe Vladimir Poutine dimanche 29 mai.

Le Kremlin s’est borné à dire que Moscou " continuera à fournir du gaz naturel à la Serbie sans interruption " mais le chef de l’État serbe a assuré qu’il s’agissait " de loin du meilleur deal en Europe ".

" Nous aurons un hiver sûr en matière d’approvisionnement en gaz ", a-t-il assuré, prédisant que la facture sera alors entre 10 et 12 fois moindre qu’ailleurs en Europe.

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Une affiche sur laquelle est écrit " ensemble " en cyrillique, célébrant le nouvel accord (AFP)

Bruxelles condamne l’accord

Les pays européens se sont entendus avec peine cette semaine pour bannir une grande partie des importations de pétrole russe afin de tarir le financement de la guerre.

Le bloc veut aussi réduire sa dépendance au gaz, Moscou a coupé les tuyaux de plusieurs pays européens, mais la perspective d’un embargo total sur cette source énergétique semble plus lointaine.

Bruxelles a condamné l’accord gazier avec Moscou, déclarant attendre que la Serbie " ne renforce pas davantage ses liens avec la Russie ".

" Les pays candidats, y compris la Serbie, doivent progressivement aligner leurs politiques envers des pays tiers sur les politiques et positions de l’UE, y compris par des mesures restrictives ", a déclaré le porte-parole de la Commission Peter Stano.

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Moscou et Belgrade conservent des relations serrées (AFP)

Officiellement, Belgrade affiche l’objectif européen comme une priorité, mais évite toute mesure anti-russe. Les médias pro-gouvernementaux répètent des messages qui pourraient être écrits par le Kremlin.

Sergueï Lavrov à Belgrade la semaine prochaine 

Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov est attendu en début de semaine prochaine à Belgrade selon le ministère russe des Affaires étrangères. Le ministre a déclaré récemment à des journalistes serbes que la Russie était " certaine " que leur pays " continuera à faire des choix intelligents ".

Des responsables serbes accusent l’Occident de faire pression sur Belgrade pour qu’il s’aligne sur les sanctions et certains parlent même d’abandonner la candidature à l’UE.

" C’est comme s’ils avaient passé la dernière décennie à préparer la société non pas à une accession à l’UE, mais à une alliance avec Moscou ", dit à l’AFP Srdjan Cvijic, du groupe BiEPAG (Balkans in Europe Policy Advisory Group).

Les détails précis de l’accord n’ont pas été annoncés.

Mais " il y a toujours une +clause fraternelle+ inhérente aux prix favorables, qui ne figure pas au contrat, mais qui entraîne des arrangements connexes ou des concessions politiques ", juge Goran Vasic, spécialiste des énergies à l’Université de Novi Sad. Les autorités serbes démentent que la fourniture de gaz à prix d’ami soit une " récompense ".

Pas de sanctions " par principe "

" Tous ceux qui nous accusent de ne pas imposer des sanctions à la Russie à cause d’un accord sur le gaz devraient avoir honte ", a martelé la Première ministre Ana Brnabic. " Si on n’impose pas de sanctions contre la Russie, c’est par principe ".

Belgrade sait gré à la Russie de refuser de reconnaître le Kosovo, son ex-province, et met en avant ses liens historiques et culturels avec le " grand frère " russe.

Mais de fait, la Serbie n’a guère de marge de manœuvre. Le précédent contrat de livraison de gaz russe, à des tarifs également préférentiels, venait à expiration, sans solution viable pour Belgrade dans un avenir proche.

Au cours des dernières décennies, la Serbie a graduellement octroyé à Moscou un quasi monopole sur son secteur énergétique en construisant des gazoducs destinés uniquement au gaz russe.

En 2008, l’année de la déclaration d’indépendance du Kosovo, elle a vendu une majorité des parts de NIS, sa compagnie gazière et pétrolière, au géant russe Gazprom, décision largement perçue comme le prix payé pour le veto opposé par Moscou à l’ONU à l’ancienne province serbe.

" Il est évident que pendant tout ce temps, on a eu un lobby bien organisé qui a défendu le monopole, et qui continue de le faire ", ajoute Goran Vasic.

Avec AFP