Le " barrage républicain " français a définitivement sauté. Après son très bon score à la présidentielle, le Rassemblement national effectue une poussée historique aux législatives en obtenant environ 90 sièges. De quoi lui permettre de peser à l’Assemblée et de réclamer la présidence de la commission des Finances, poste traditionnellement donné au premier parti d’opposition. La Nupes étant une coalition de groupes, le RN est donc, techniquement, le groupe d’opposition le plus important.

Deux mois après avoir réalisé un score inégalé à la présidentielle en France, l’extrême droite enregistrait une nouvelle percée historique dimanche 19 juin au second tour des législatives en obtenant un groupe de 80 à 95 députés, soit dix à quinze fois plus d’élus qu’actuellement, selon les premières estimations.

Cette progression de l’extrême droite à l’Assemblée nationale marque un tournant en France qui jusqu’à présent comptait parmi les quelques pays d’Europe contenant l’avancée de cette famille politique, notamment grâce à un mode de scrutin majoritaire qui lui est défavorable.

La candidate du Rassemblement national (RN) à l’Elysée Marine Le Pen, qui avait déjà obtenu un score jamais vu (41,5%) au second tour de la présidentielle le 24 avril face au président centriste libéral Emmanuel Macron, a salué un groupe de " loin le plus nombreux de l’histoire " de son parti.

Promettant d’incarner une " opposition ferme " mais " respectueuse des institutions ", elle a prévenu que les nouveaux députés RN défendraient leurs " idées sur l’immigration, la sécurité, le chômage, la justice fiscale et sociale, les territoires oubliés, les citoyens maltraités ou la démocratie bafouée ".

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Projection du nombre de sièges de chaque parti ou alliance à l’Assemblée nationale, d’après des résultats complets du ministère de l’Intérieur, lundi à 01h00, et comparaison avec l’Assemblée sortante (AFP)

Formation d’un groupe à l’Assemblée

La constitution d’un groupe à l’Assemblée – qui requiert un minimum de 15 députés – est une première pour le RN depuis la législature 1986-1988 lorsqu’une dose de proportionnelle avait été instaurée, permettant au parti, alors nommé Front national, d’y parvenir.

Loin d’être cosmétique, la formation d’un groupe permet à son président de demander la création d’une commission spéciale, ou y faire opposition, de réclamer une suspension de séance ou encore de bénéficier d’un temps de parole plus important pour les questions au gouvernement. En un mot, de peser davantage dans le débat.

Le scrutin ouvre donc de nouvelles perspectives au parti d’extrême droite qui devrait devancer en siège à l’Assemblée le parti de droite Les Républicains (LR).

Le député de l’Oise fraîchement élu et porte-parole du Rassemblement national Philippe Ballard a réclamé lundi que la présidence de la commission des Finances de l’Assemblée nationale revienne à un député du parti de Marine Le Pen.

Le RN veut la commission des finances

Ce poste " est dévolu depuis une quinzaine d’années au parti d’opposition majoritaire ", a-t-il rappelé sur franceinfo. Or, " nous sommes le premier parti de France " et " le premier parti d’opposition, donc la commission des Finances nous revient ", a-t-il estimé.

Au vu des résultats du second tour des législatives dimanche, la désignation du président de cette commission aux pouvoirs étendus devrait donner lieu à une bataille si, comme le RN, LFI la revendique, contre l’avis de la majorité présidentielle. Le vote aura lieu le 30 juin.

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En tant que premier parti d’opposition hors coalition, le RN peut demander la présidence de la commission des finances (AFP)

La coalition présidentielle sortante Ensemble! perd quant à elle la majorité absolue face à l’alliance de la gauche Nupes, selon les premières estimations.

Dans le détail, le RN gagne notamment des députés en Moselle (est), dans les Hauts-de-France (nord) et dans le Var (sud) et réalise le grand chelem dans les Pyrénées orientales (sud), où il remporte les quatre circonscriptions.

Le patron par intérim du RN, Jordan Bardella, a salué sur la chaîne TF1 un " tsunami " pour son mouvement.

Ce soir, Emmanuel Macron " est un président minoritaire. Nous allons à l’Assemblée nationale pour construire cette opposition que les autres groupes ne sont pas ", a-t-il poursuivi.

Une surprise, même pour le RN

Le RN réalise cette performance en dépit d’un scrutin majoritaire et d’une absence d’alliances avec le parti d’extrême droite du polémiste Eric Zemmour, Reconquête !, et sur fond de forte abstention, autour de 54%.

Marine Le Pen devrait présider le groupe RN. Elle avait dit récemment son " envie de mener la bataille à l’Assemblée avec un groupe de députés " et confié avoir " été extrêmement frustrée ces cinq dernières années, où on n’avait pas les moyens de se battre, où on n’avait pas les moyens de s’exprimer ".

Prendre la présidence du groupe devrait la conduire à lâcher la tête du parti, briguée à demi-mot par Jordan Bardella, et par le maire de Perpignan et vice-président du RN Louis Aliot.

Marine Le Pen avait pourtant peiné à se faire entendre pendant la campagne face au duel Ensemble ! et la gauche de Nupes. Elle avait même démarré sa campagne en quasi perdante, en assurant qu’Emmanuel Macron obtiendrait une majorité.

La responsable d’extrême droite avait ensuite revu à la hausse ses ambitions, en soulignant que le RN, arrivé en tête dans 108 circonscriptions, pourrait " potentiellement " obtenir autant de sièges.

Avec AFP