Une véritable magicienne hors-normes s’est éteinte le 9 décembre à l’âge de 93 ans: Arcangela Felice Assunta Wertmüller von Elgg Spañol von Braueich, plus connue sous le nom de Lina Wertmüller, scénariste et réalisatrice italienne, mais surtout figure rebelle dès son plus jeune âge et objectrice de conscience.

Fascinée par le cinéma après avoir été conquise par les grands dramaturges russes, Wertmüller va imposer son propre style dans la décennie post-68 dans une sorte de mélange entre univers fellinien (elle est d’ailleurs son assistante sur le plateau de 8 1/2 en 1963) et néo-réalisme italien, mâtiné de satire politique et sociale et de déconstructivisme institutionnel et idéologique. Le tout dans un cadre proprement théâtral très italien avec des protagonistes émotionnels, irrationnels, incohérents et caricaturaux qui n’est pas sans évoquer les aspects sciemment emphatiques et grotesques de la Commedia Della Arte.

C’est Mimì metallurgico ferito nell’onore (Mimi métallo blessé dans son honneur ou The Seduction of Mimi, 1972), satire sur la mafia et les moeurs siciliennes, qui la révèle au public international, avec Giancarlo Giannini et Mariangela Melato. Ce film marque déjà sa troisième collaboration avec Giannini, son acteur fétiche.

Ce dernier reçoit d’ailleurs le prix d’interprétation masculine au festival de Cannes en 1973 pour son quatrième film avec la réalisatrice italienne, Film d’amore e d’anarchia, ovvero ‘stamattina alle 10 in via dei Fiori nella nota casa di tolleranza… (Film d’amour et d’anarchie ou Love and Anarchy, 1973), une fable politique se déroulant en Italie durant la montée du fascisme, toujours avec Melato.

Mais le meilleur est encore à venir. Travolti da un insolito destino nell’azzurro mare d’agosto (Vers un destin insolite sur les flots bleus de l’été ou Swept Away, 1974), toujours avec un tandem Giannini-Melato jouissif, est une autre fable sociale et politique mêlant socialisme, lutte des classes et égalité entre les sexes, avec, en toile de fond, la dialectique du maître et de l’esclave. Un véritable chef d’oeuvre de provocation et de cynisme et sans doute son meilleur film, que Madonna massacrera dans un remake aux allures sacrilège en 2002.

Elle filme ensuite le controversé Pasqualino Settebellezze (Pasqualino ou Seven Beauties, 1975), sur les camps de concentration, toujours avec Giannini. Le film reçoit quatre nominations aux Oscars et permet à Lina Wertmüller de devenir la première femme nominée pour l’Oscar de la mise en scène.

Mais le déclin critique est amorcé avec La fine del mondo nel nostro solito letto in una notte piena di pioggia (La fin du monde dans notre lit conjugal ou A Night Full of Rain, 1978), avec Giannini et Candice Bergen, qui se moque cette fois des idéologies, des partis, de l’engagement politique, du socialisme. Pourtant fabuleux, le film n’est pas accueilli comme les autres, et Wertmüller entretiendra dans les décennies suivantes une relation plutôt en dents de scie avec le cinéma et la télévision.

En 2019, à l’âge de 91 ans, la réalisatrice italienne avait reçu un Oscar d’Honneur pour l’ensemble de sa carrière lors de la cérémonie des Governors Awards à Los Angeles, au cours de laquelle un hommage lui est rendu par deux réalisatrices de talent, Greta Gerwig et Jane Campion, ainsi que par Sophia Loren. L’occasion pour elle de faire un dernier acte subversif, emblématique de sa carrière, en suggérant de rebaptiser Oscar du nom d’Anna, féminisme oblige.

Abonnez-vous à notre newsletter

Newsletter signup

Please wait...

Merci de vous être inscrit !