Les députés Najat Aoun Saliba et Melhem Khalaf ont tiré lundi la sonnette d’alarme, mettant en garde contre " une exposition prolongée aux particules fines et cancérigènes qui émanent de la combustion des grains des silos du port de Beyrouth ". " La fermentation est une source d’émission de gaz toxiques tels que le dioxyde de carbone et le dioxyde d’azote ", a souligné à cet égard Mme Saliba, lors d’une conférence de presse tenue au Parlement.

" En brûlant, ces gaz peuvent dégager du monoxyde de carbone dont le taux peut atteindre des niveaux dangereux ", a ajouté l’experte en sciences environnementales. L’incendie s’est déclaré, il y a environ un mois. Le fait de laisser des tonnes de céréales non traitées déclenche une émission de gaz toxiques et de composés organiques volatils qui viennent s’ajouter aux particules de différentes tailles, y compris des particules fines d’un diamètre inférieur ou égal à 2,5 micromètres (PM2,5). Cela sans compter de nombreux produits chimiques différents. Par conséquent, l’inhalation de fumée d’incendie, même pendant une courte période, irrite les yeux, le nez et la gorge, et peut provoquer des effets graves qui peuvent disparaître en quelques jours. "

Résultats peu alarmants

Or selon les résultats des analyses de prélèvements pour mesurer la qualité de l’air avant et après l’effondrement des silos le 4 août 2022, effectués respectivement à 10h et 18h, sur un rayon de 100 mètres, qu’Ici Beyrouth a pu obtenir, " les taux des PM2,5 et de PM10 ne sont pas alarmants ". " Les grains de maïs et de blé étant les principaux combustibles des flammes, les gaz dégagés ne sont pas nocifs ", affirme à Ici Beyrouth, Mohammad Abiad, conseiller du ministre de l’Environnement et chercheur à l’Université américaine de Beyrouth. " Seule la combustion du plastique, des câbles électriques et des bandes transporteuses présents près des silos a dégagé des molécules toxiques, ajoute-t-il. Mais cela n’a duré que quelques heures, les pompiers étant immédiatement intervenus pour éteindre les flammes. Par conséquent, il est inutile de s’emporter à ce sujet. "

D’après ces analyses, les taux des PM2.5 et PM10 sont respectivement de 13 et de 45 microgrammes par mètre cube (µg/m3). L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a fixé à 15µg/m3, le seuil maximal toléré pour les PM2.5 et à 45µg/m3, celui des PM10.

Les taux de composés organiques volatils (VOC – molécules essentiellement formées d’atomes de carbone et d’hydrogène), de monoxyde de carbone (CO) et de sulfure d’hydrogène (H2S) sont négligeables lors des deux prélèvements. Le taux de dioxyde de souffre (SO2) était également négligeable avant l’effondrement et s’est élevé à 110µg/m3 après la chute des silos. L’OMS a fixé à 500 µg/m3, le seuil maximal toléré de SO2. En ce qui concerne la concentration de dioxyde d’azote (NO2), elle est passée de 32 µg/m3 à 40 µg/m3. Selon l’OMS, la limite maximale acceptable est de 200 µg/m3.

D’après des observations et des modélisations effectuées par l’équipe Émissions, mesures et modélisations atmosphériques (EMMA) de la faculté des sciences de l’Université Saint-Joseph (USJ), une grande majorité des gaz émis ont été éloignés de la capitale, puisque la direction du vent en cette période est surtout nord-ouest (vers la mer).

Risque de contamination aux spores fongiques

Même son de cloche chez André Khoury, ingénieur, expert en mycotoxicologie et biosureté et enseignant-chercheur à la faculté des sciences de l’USJ. Il assure qu’" aucun risque aux produits chimiques cancérigènes n’existe ". " Par contre, le vrai risque réside dans la contamination aux spores fongiques (sorte de poussière contenant un ovule fécondé qui va germer et donner naissance à un champignon, NDLR) ", met-il en garde.

Selon l’expert, tant que les grains resteront au port, les champignons filamenteux continueront à proliférer et à infester la capitale. " La concentration de l’air en spores fongiques dans la région est très élevée, s’alarme-t-il. Ces bioaérosols peuvent avoir déjà contaminé plusieurs personnes. Chez certaines personnes, on pourrait même suspecter une double contamination au coronavirus et aux spores fongiques. "