À ce jour, de grands efforts ont été mondialement déployés afin d’assurer tant bien que mal une gestion efficace de la pandémie de coronavirus. Parallèlement au développement des vaccins contre le Covid-19 et à l’utilisation des traitements symptomatiques, il existe actuellement des médicaments dirigés directement contre le SARS-CoV-2, que ce soit des anticorps monoclonaux ou des molécules antivirales administrées par voie orale.

Plusieurs vaccins contre le Covid-19 ont été développés, fabriqués à grande échelle et mis sur le marché en un temps record, un peu plus d’un an après l’émergence du SARS-CoV-2. Ces vaccins, en particulier ceux basés sur la biotechnologie de l’acide ribonucléique messager (ARNm), ont considérablement contribué à atténuer les effets dévastateurs de cette pandémie ravageuse qui a coûté, jusqu’au 31 août 2022, la vie à plus de 6,4 millions d’individus, selon les statistiques publiées par le Centre pour la science des systèmes et l’ingénierie de l’Université Johns Hopkins à Baltimore, aux États-Unis. Les données cliniques et épidémiologiques indiquent, cependant, que les vaccins prophylactiques actuels ne confèrent pas une immunité stérilisante face à ce virus pandémique. Ils ne préviennent donc pas totalement l’infection, et par conséquent la transmission du virus et la (re)contraction de la maladie, mais protègent contre les formes graves de cette dernière. Toutefois, depuis le déclenchement de la pandémie, la recherche biomédicale en virologie a connu un essor considérable, conduisant à un enrichissement de l’arsenal thérapeutique avec de nouveaux antiviraux potentiellement actifs sur le SARS-CoV-2. Si certains chercheurs se sont hâtés d’évaluer la possibilité de repositionner certains antiviraux potentiellement actifs contre le SARS-CoV-2, dans le but d’accélérer la mise à disposition de traitements contre le Covid-19, d’autres se sont penchés sur la conception et le développement de nouvelles molécules thérapeutiques antivirales.

Des efforts substantiels

Depuis plusieurs années, les anticorps monoclonaux (protéine ciblant un seul antigène) occupent une place privilégiée dans l’arsenal thérapeutique de la médecine moderne. En raison de la haute spécificité de ces biomédicaments pour leur antigène cible et leur fort pouvoir neutralisant, des efforts substantiels ont été déployés pour la conception d’anticorps thérapeutiques efficaces contre le Covid-19. De ce fait, toute l’attention (ou presque) a été dirigée vers la protéine de pointe virale, dite Spicule (Spike) ou S, qui permet au virus de se fixer à la surface des cellules hôtes et d’y pénétrer. Ladite protéine est aussitôt devenue la cible majeure pour le développement d’anticorps monoclonaux dirigés contre le SARS-CoV-2. Certains de ces derniers, conçus pour bloquer la liaison de la protéine S à son récepteur (ACE2), et donc l’entrée du virus dans les cellules pulmonaires, ont prouvé leur efficacité dans la réduction de la réplication virale et de l’hospitalisation des patients. Les résultats de deux études cliniques, l’une publiée par Weinreich et al. dans The New England Journal of Medicine (NEJM) et l’autre par Gottlieb et al. dans The Journal of the American Medical Association (JAMA), attestent le bénéfice clinique de certains anticorps anti-spicule, dont l’association casirivimab et l’imdevimab, et l’association bamlanivimab et etesevimab, chez les patients atteints d’une forme légère à modérée de Covid-19.

Mutations, variantes et résistance

Les anticorps monoclonaux anti-spicule se sont initialement avérés être très efficaces contre les premières souches du SARS-CoV-2, mais progressivement inefficaces contre certaines variantes. En effet, le début de 2020 a été témoin de l’émergence de la première mutation largement signalée à l’échelle mondiale, affectant la protéine de spicule, connue sous le nom de D614G. En septembre 2020, la variante Alpha (B.1.1.7), dite "anglaise", comportant une autre mutation critique (N501Y) au niveau de cette même protéine, initialement déclarée dans le sud-est de l’Angleterre, est rapidement devenue la première variante de préoccupation répandue mondialement. Deux mois plus tard, le gouvernement sud-africain a tenu une conférence de presse pour annoncer la découverte d’une variante Beta (B.1.351), dite "sud-africaine". D’autres variantes se sont par la suite succédé: Gamma (P.1), dite "brésilienne"; Delta (B.1.617.2), dite "indienne"; et Omicron (B.1.1.529).

Cette accumulation de mutations a ainsi réduit la capacité des anticorps thérapeutiques anti-spicule (et des vaccins) à inhiber l’infection. Plusieurs de ces biomédicaments (bamlanivimab, etesevimab, casirivimab, imdevimab, et regdanvimab) ont été testés dans le cadre d’une étude préclinique, publiée par VanBlargan et al., en janvier 2022 dans Nature Medicine. Il en ressort que la plupart de ces biomolécules ont complètement perdu leur activité neutralisante contre les nouvelles variantes du virus, notamment celles précitées. Seules deux biomolécules (l’association tixagevimab/cilgavima et sotrovimab) ont conservé une activité inhibitrice considérable. Les chercheurs indiquent que l’identification et le ciblage des antigènes aux séquences hautement conservées sont probablement nécessaires pour prévenir toute résistance contre Omicron et les futures variantes ayant des séquences de pointe hautement mutées.

Ils ont toutefois conclu qu’un certain nombre d’anticorps anti-spicule utilisés en clinique pourraient perdre leur efficacité contre la variante Omicron. En effet, le sotrovimab et l’association tixagevimab/cilgavimab, qui avaient réussi à neutraliser la sous-variante BA.1 d’Omicron, n’ont montré aucun effet inhibiteur face à la sous-variante BA.2. Il convient de noter que cette dernière renferme neuf mutations en plus de celles présentes dans BA.1. Dans une étude, publiée en février 2022 dans Nature, Liu et al. soulignent que les anticorps dirigés contre la protéine de pointe deviennent de plus en plus inefficaces face aux nouvelles variantes émergentes. Les auteurs suggèrent ainsi que les nouvelles recherches soient orientées vers d’autres protéines du virus qui sont moins sujettes à des mutations.

Pression grandissante

Le début de l’année 2022 a été marquée par une propagation fulgurante de la variante Omicron, qualifiée comme hautement contagieuse, dans les quatre coins du monde: du 20 décembre 2021 au 9 janvier 2022, vingt-trois pays de l’Union européenne (UE) et de l’Espace économique européen (EEE) ont rapporté une prévalence moyenne d’Omicron de l’ordre de 69,4%. Le développement d’agents thérapeutiques administrables par voie orale s’est alors avéré indispensable pour réduire la pression grandissante exercée sur les professionnels et les établissements de santé. C’est finalement en décembre 2021 que deux médicaments oraux, la combinaison nirmatrelvir/ritonavir (commercialisée sous le nom Paxlovid), et le molnupiravir, ont reçu l’autorisation d’utilisation en urgence de l’Agence fédérale américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA, Food and Drug Administration), pour le traitement des formes légères à modérée de Covid-19 chez les patients à haut risque de progression vers une forme sévère. Un mois plus tard, l’Agence européenne des médicaments approuve l’utilisation du Paxlovid, qui devient le premier médicament antiviral oral autorisé aux États-Unis et au sein de l’UE. Il est à noter que le molnupiravir est un médicament initialement conçu pour le traitement des infections causées par le virus de l’encéphalite équine vénézuélienne (VEEV). Il ne réduirait que de 30% les risques de progression du Covid-19 vers une forme grave, selon les résultats finaux d’un essai clinique randomisé et multicentrique de phase III, intitulé MOVe-OUT.