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Entre désastres environnementaux et crises géopolitiques, la multiplication des épidémies se profile comme une conséquence inévitable de l’effritement des équilibres écologiques.

Le XXIe siècle sera celui des épidémies ou ne sera pas. Et il ne s’agit ni de superstitions ni de théories complotistes. La planète va mal. Les grands équilibres écologiques, qui ont soutenu la vie sur Terre pendant des millénaires, sont désormais en déroute. Les catastrophes environnementales, telles que le réchauffement climatique, la montée des eaux, les incendies de forêts incontrôlables et la perte accélérée, voire effrénée, de biodiversité, illustrent la désintégration progressive des systèmes naturels. Le crépuscule annoncé d’Homo sapiens, et ainsi de l’humanité, devrait être marqué par une prise de conscience déchirante: les actions humaines ont ébranlé les fondements mêmes de la planète. Les conflits géopolitiques, les inégalités économiques, la culture axée sur la surconsommation, les politiques inefficaces et (parfois) irresponsables ont exacerbé ce déclin, révélant une époque où les ambitions humaines se heurtent à des réalités écologiques irréconciliables. Dans ce contexte de désordre général, les épidémies émergent comme une conséquence inévitable.

Augmentation significative

Tout au long de l’histoire, le monde a été ravagé par de nombreuses épidémies dévastatrices. Parmi celles-ci, la peste d’Athènes au Ve siècle av. J.-C., la peste antonine au IIe siècle, la peste de Justinien au VIe siècle, la peste noire au XIVe siècle et la grippe espagnole au XXe siècle. Toutefois, les deux dernières décennies ont vu une augmentation significative du nombre d’épidémies, voire de pandémies. Parmi celles-ci, la pandémie de grippe A (H1N1) en 2009, l’épidémie de maladie à virus Ebola en Afrique de l’Ouest en 2014 et au Kivu en 2019, la pandémie de Covid-19 en 2019 et, récemment, l’épidémie de variole simienne en 2022, puis en 2024. Ce phénomène est susceptible de s’intensifier à l’avenir, comme le suggèrent plusieurs études scientifiques. Selon les estimations de Marani et al., publiées en août 2021, la probabilité de survenue d’épidémies extrêmes pourrait tripler au cours des prochaines décennies. Quelles sont donc les causes sous-jacentes qui contribuent à l’exacerbation de cette menace croissante?

Épidémies explosives

Fléau majeur de notre époque, le réchauffement climatique est étroitement lié à la recrudescence des épidémies. Il influence la transmission d’agents pathogènes (comme les virus de la dengue, du chikungunya, du Zika et du Nil occidental) en élargissant les habitats des vecteurs responsables (tels que les moustiques Aedes albopictus et les tiques) de ces maladies zoonotiques – c’est-à-dire transmissibles des animaux aux humains. L’émergence de ces agents pathogènes, dans des régions non endémiques, entraîne souvent des épidémies explosives. Selon une méta-analyse, publiée en août 2022 dans Nature, 58% des maladies infectieuses humaines seraient aggravées par le changement climatique en cours. De plus, l’apparition soudaine d’autres événements extrêmes, susceptibles de contaminer les sources d’eau potable et de provoquer le déplacement des populations humaines et animales, peut également induire des épidémies. En effet, des épisodes de choléra et de poliomyélite (comme observé actuellement à Gaza) ont été rapportés dans des régions impactées par des catastrophes d’origine naturelle (telles que les tremblements de terre et les inondations) ou humaine (comme les guerres).

Mondialisation et résistances

La propagation de maladies infectieuses comme le choléra, la tuberculose et le paludisme sur de vastes zones géographiques soulève des préoccupations sanitaires majeures. Cette situation est aggravée par l’émergence de résistances médicamenteuses, la tolérance croissante des moustiques aux insecticides et les conditions d’assainissement insuffisantes, mais également les effets de la mondialisation. Selon la Banque mondiale, le nombre total de passagers aériens est passé de moins de deux milliards en 2000 à plus de quatre milliards en 2019, doublant ainsi en l’espace de deux décennies. Cette croissance exponentielle de la connectivité mondiale engendre de nouveaux risques associés aux agents pathogènes émergents. Une étude statistique américaine, parue en 2022, confirme ce constat en mettant en évidence que la connectivité des réseaux aériens a contribué à l’augmentation de la transmission virale. Et ce, en s’appuyant sur des données relatives à la pandémie de Covid-19.

Scepticisme scientifique

Le scepticisme croissant et la défiance envers la science ont un impact préoccupant sur la propagation des épidémies. En mettant en doute les recommandations fondées sur des preuves scientifiques solides et en rejetant les stratégies de prévention établies, les efforts de contrôle des épidémies peuvent être gravement compromis. L’endémie de poliomyélite perdure en partie à cause de l’hésitation vaccinale dans certaines régions d’Afghanistan et du Pakistan où six nouveaux cas ont été – jusqu’à présent – signalés en 2024. L’OMS a néanmoins mis en garde que si les taux de vaccination restent faibles, cette endémie localisée risque de rapidement évoluer en une épidémie mondiale. De surcroît, d’après une étude publiée en octobre 2021 dans Nature, le scepticisme scientifique a entraîné une diminution du respect des mesures de confinement liées au Covid-19 aux États-Unis, aggravant ainsi la propagation du virus.

Politiques irresponsables

Les politiques infondées, frôlant parfois l’irresponsabilité, jouent un rôle non négligeable dans l’accroissement involontaire du risque de propagation des maladies infectieuses. Certains décideurs persistent à considérer le réchauffement climatique comme un simple mythe. Ils refusent ainsi de reconnaître la réalité de ses effets délétères et irréversibles sur la planète et de s’engager dans des actions concrètes pour les contrer. En outre, l’indifférence et l’insuffisance des mesures prises face aux épidémies ravageant les pays démunis témoignent d’une vision à courte vue et d’une absence de solidarité à l’échelle globale. En réalité, la négligence de la santé publique dans une partie du monde expose l’ensemble de la planète à des crises sanitaires potentielles. Les épidémies actuelles de variole du singe en sont un exemple probant. Finalement, face à l’escalade des tensions internationales, les menaces d’utilisation d’armes biologiques font surface. Certains agents infectieux, tels que Bacillus anthracis (bactérie responsable d’une maladie potentiellement grave connue sous le nom de charbon ou anthrax en anglais), Yersinia pestis (bactérie responsable de la peste) ou le virus de la variole pourraient être utilisés, représentant ainsi des dangers majeurs pour l’humanité.

L’avenir de l’humanité face au risque potentiel d’explosions épidémiques reste préoccupant. Il est crucial de mettre en place des coopérations internationales pour tenter de maîtriser cette évolution et atténuer les menaces qu’elle représente.