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En dépit de tous les problèmes que connaît le pays du Cèdre, le basket illumine les abysses libanais dans lesquels le plonge, aussi allègrement que régulièrement, l’ensemble de sa classe politique.

Il est des pays sur lesquels le sort semble s’acharner avec une constance qui force le respect. Le Liban en fait partie. Après une guerre civile qui a duré quinze ans (1975-1990), le pays, gangrené par une corruption généralisée, est noyé dans une crise économique, financière et sociale. Depuis 2019, les Libanais n’ont pas connu un seul moment de répit.

Pourtant, l’espoir est toujours vivace et le peuple refuse de baisser la tête, s’obstinant à repartir vers l’avant. Personne ne doute que ce Liban, brûlé par le feu, va, tel le phénix, reprendre vie de ses cendres. Son basket en atteste.

Petit Poucet

Petit pays du Moyen-Orient et Petit Poucet du sport, le Liban n’a jamais réellement brillé dans les compétitions à l’international. Pour rappel, sa dernière médaille olympique remonte aux JO d’été de 1980 à Moscou, en lutte gréco-romaine, avec Hassan Béchara. Et, dans son histoire récente, seule la tireuse Ray Bassil s’est illustrée en glanant des médailles d’or en 2016 et 2019 aux championnats du monde.

Malgré quelques soubresauts du côté de la sélection nationale de football lors des éliminatoires pour le Mondial 2022 qui ont fait long feu, les éclaircies proviennent plutôt d’un soleil aux allures d’un ballon de basket-ball.  Cette discipline semble en effet faire exception depuis une trentaine d’années, malgré un passage à vide dans la décennie 2010-2020. Dans les années 1990, un homme providentiel, le magnat de la publicité Antoine Choueiri, lui a donné une nouvelle dimension. Homme visionnaire s’il en fut, il a professionnalisé le jeu en y mettant le temps et le paquet. Résultat: le basket libanais est aujourd’hui présent sur tous les fronts.

Avec des joueurs comme Élie Mechantaf – figure emblématique du basket libanais des années 1990-2000 et superstar de l’équipe nationale et du club de La Sagesse –, Fady el-Khatib et consorts, la discipline devient la meilleure représentante du sport national. Ainsi, La Sagesse, sous la houlette de son président, Antoine Choueiri, remportera huit championnats nationaux, deux Coupes du Liban et trois Coupes d’Asie des clubs champions. "C’était une période magique", se souvient Mechantaf, un brin nostalgique, qui, avec ses coéquipiers, allait chasser la gamberge qui prévalait jusque-là pour placer définitivement le Liban sur l’échiquier international des grandes nations du basket-ball. Ainsi, sous l’extraordinaire impulsion de Choueiri, le basket libanais connaît son heure de gloire avec comme point d’orgue une victoire historique en Coupe d’Asie sur les Chinois Liaoning Hunters dans le fief du club à Ghazir en 1999. Un an plus tôt, en 1998, La Sagesse avait déjà remporté le Championnat arabe des clubs. Il s’agissait là du premier titre international dans l’histoire du basket-ball libanais. D’autres devaient suivre… Forts de leur nouvelle envergure, les Libanais allaient participer à trois Coupes du monde successives (2002, 2006 et 2010). Cette période a été suivie par une période de disette internationale d’une dizaine d’années. Mais depuis la crise de 2019, la sélection nationale de basket-ball réalise tout simplement des miracles et n’en finit pas d’étonner, en dépit d’un contexte pour le moins défavorable au développement du sport.

La sélection libanaise de basket-ball des moins de 19 ans. Photo DR

Qualification flamboyante pour le Mondial

En 2022, les joueurs libanais ont remporté le Championnat arabe des nations avant de s’illustrer lors de la Coupe d’Asie (vice-champions) à l’occasion d’une compétition extraordinaire. Au passage, une qualification flamboyante pour le Mondial 2023, une autre pour la Coupe du monde des moins de 17 ans (2022) et une troisième pour la Coupe du monde des U19 (moins de 19 ans) qui se déroule actuellement en Hongrie. Certes, les jeunes Libanais sont passés complètement à côté de leur tournoi, mais l’essentiel était ailleurs. Le baron de Coubertin l’avait d’ailleurs bien dit il y a quelques décennies.

Précisons-le tout de suite, la tâche qui attend leurs aînés au Mondial FIBA (25 août-10 septembre) ne s’annonce pas moins ardue. Le Liban, qui se retrouve dans un groupe où l’attendent la France, le Canada et la Lettonie, aura fort à faire pour marquer ses repères. Mais là encore, se qualifier pour cette Coupe du monde constitue, pour le Liban, une victoire en soi. Partant de là, chaque point marqué au cours de cette compétition rassemblera encore plus les Libanais derrière leur équipe.

Le Liban aux avant-postes

Quelque vingt ans après la génération dorée de Mechantaf, Domiaty et consorts, le Liban a donc renoué avec la victoire (chez les seniors du moins) et retrouve les avant-postes du basket-ball régional. Ainsi, ayant refait le plein d’argent frais grâce à des investisseurs désireux de promouvoir le sport en bénéficiant du potentiel d’image que celui-ci représente, les clubs ont engagé des joueurs internationaux qui ont relevé l’intérêt des championnats libanais et régionaux. Le Riyadi, dans le cadre de la récente compétition WASL (West Asia Super League), est devenu champion d’Asie de l’Ouest, atteignant le dernier carré du tournoi WASL, mais échouant au pied du podium (4e).

Côté basket féminin, les Libanaises ne sont pas en reste. La sélection nationale a ainsi progressé de la division B à la division A. Et, fin juin dernier, elle a part

La sélection libanaise féminine de basket-ball a sauvé de justesse fin juin dernier sa place dans la division A asiatique. Photo DR

icipé à la Coupe d’Asie de basket féminin de division A, en Australie. Sans briller, elle a tout de même réussi à se maintenir in extremis en division A asiatique.

Chez les clubs, l’équipe féminine du SC Beirut, sous la houlette de son président, l’homme d’affaires Nadim Hakim, s’illustre également. En septembre 2022, elle est rentrée victorieuse de Tunisie, après avoir décroché haut la main le titre de champion des clubs arabes de basket, face aux Égyptiennes de Smouha, pour leur troisième trophée régional consécutif, restant invaincue dans cette compétition depuis 2019 (l’édition 2020 avait été annulée en raison du coronavirus). Le SC Beirut, champion du Liban féminin en titre, est par ailleurs le premier club libanais à remporter trois fois la compétition, Antranik, Riyadi et Homenetmen s’en étant tenus à deux. Ce succès accentue encore plus la domination du basket féminin libanais dans ce sport au niveau arabe. En effet, les clubs locaux ont remporté dix des vingt-trois éditions organisées depuis 2000. Tous ces bons résultats confirment la stratégie saine de redressement mise en place par la Fédération libanaise de basket-ball dirigée par Akram Halabi.

Des lendemains qui chantent

Cèdre qui cache la forêt ou annonce de lendemains qui chantent? Seul l’avenir le dira (à très long terme). Toujours est-il que la sélection des seniors va aborder avec confiance l’été qui pointe et ambitionne de décrocher de nouveaux titres. De quoi apporter joie et espoir à un peuple qui en a bien besoin. Et ne mérite rien de moins.

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