Faisant fi d’une interdiction du parquet de la cour d’appel de Beyrouth, la procureure générale près la cour d’appel du Liban, Ghada Aoun, a effectué dans les locaux de la Banque du Liban «une descente théâtrale» dénoncée par le Premier ministre désigné, Najib Mikati.
C’est l’ensemble du corps de la magistrature qui est aujourd’hui touché par les frasques judiciaires d’un de ses membres, la procureure générale près la cour d’appel du Mont-Liban, Ghada Aoun, et qui se trouve de ce fait de nouveau devant ses responsabilités: faire en sorte que la justice soit de nouveau au service du droit et non de l’arbitraire, surtout lorsque celui-ci est motivé par des considérations politiciennes avec un impact préjudiciable sur tout le pays.
Déférée devant le Conseil de discipline pour manquements aux devoirs de la fonction, la juge passée maître dans l’art des débordements a tenté un énième coup d’éclat médiatique mardi, en perquisitionnant les locaux de la Banque du Liban (BDL). Son objectif: essayer d’arrêter le gouverneur, Riad Salamé, contre qui elle avait engagé des poursuites judiciaires en avril dernier. Mais voilà que non seulement elle n’est plus en charge du dossier, mais elle en avait été strictement interdite, sur ordre du juge suppléant au parquet de la cour d’appel de Beyrouth, Raja Hamouche.
Inutile de préciser que la magistrate, pour qui les lois semblent s’appliquer exclusivement aux autres mais pas à sa personne, est rentrée bredouille, parce qu’elle s’est trouvée à la fin contrainte d’obéir à l’interdiction émanant du juge Hamouche. Son spectacle bas de gamme a vite tourné court. Selon notre confrère, le site Houna Loubnan, Raja Hamouche l’a appelée sur son portable lorsqu’il a réalisé qu’elle a fait fi de son interdiction. «On entendait Ghada Aoun hurler au téléphone avant de sortir de l’étage où se trouvent les appartements du gouverneur», selon Houna Loubnan.
Le seul exploit qu’elle aura réussi à réaliser est de faire de nouveau parler d’elle et de contribuer à ternir l’image d’une magistrature qui s’efforce, en dépit de nombreuses pressions politiques, de rester à flot et de poursuivre sa mission: faire prévaloir la justice, telle que définie par les lois et non celle de Ghada Aoun, une justice sélective, au service d’un sexennat croulant, en mal de réalisations.
La magistrate, proche du président Michel Aoun qui veut la peau de Riad Salamé, à qui il fait assumer l’entière responsabilité de l’effondrement financier de l’État pour diverses considérations politiciennes, continue d’agir comme si elle était en charge du dossier de l’enquête et multiplie les prétextes pour justifier ses pratiques.
L’enquête porte sur des opérations frauduleuses qu’elle a décidé d’attribuer au gouverneur de la banque centrale, qu’elle tient d’emblée pour coupable, au mépris des procédures d’une justice équitable.
Pour justifier ses débordements, elle se cache derrière une prétendue lutte contre la corruption qui, jusque-là, n’est orientée que contre une seule cible, le gouverneur de la BDL (que le camp présidentiel cherche à déloger pour le remplacer par une personnalité qui lui est acquise, avant la fin du mandat du président Michel Aoun) et, accessoirement, les banques. Dans un pays où les scandales de corruption défraient la chronique et sont régulièrement détaillés dans les médias, l’excès de zèle de Ghada Aoun ne fait que mettre en relief l’instrumentalisation de la justice à des fins politiciennes.
Mikati: une descente théâtrale
Le comportement de Mme Aoun a été une nouvelle fois dénoncé par le Premier ministre désigné, Najib Mikati, qui a stigmatisé «une descente théâtrale» et «un enchevêtrement des prérogatives entre les services judiciaires», laissant ainsi entendre que Ghada Aoun n’avait pas le droit de forcer la porte de la BDL. «La perquisition des locaux de la banque centrale de cette manière théâtrale, au milieu d’un enchevêtrement au niveau des prérogatives judiciaires, n’est pas la solution idéale pour régler le dossier du gouverneur de la banque centrale, Riad Salamé», a affirmé M. Mikati. Et d’ajouter: «Je le répète, nous ne nous accrochons à personne et ne défendons personne. Nous sommes cependant attachés à une justice équitable qui opère loin de toute sélectivité, tout en restant soucieux de la réputation financière du Liban, au niveau international.» Najib Mikati a souligné la nécessité d’un règlement de ce dossier, sur base d’un «consensus politique préalable autour d’un nouveau gouverneur de la Banque du Liban». «Que l’affaire suive son cours judiciaire ensuite», a-t-il conclu.
Les deux dernière phrases de M. Mikati confirment, preuve s’il en faut, que le dossier judiciaire monté contre de Riad Salamé sert essentiellement de prétexte pour aboutir à des acquis politiques et que Ghada Aoun en est l’instrument. Le camp présidentiel qui a fait du dossier des nominations son cheval de bataille à quelques mois de l’expiration du mandat du président Aoun, par le biais de Gebran Bassil, chef du Courant patriotique libre (fondé par le président) veut placer ses hommes à des postes clés, avant le 31 octobre, date à laquelle Michel Aoun devra quitter le Palais de Baabda. Toutes les manœuvres qu’il a tentées à cette fin auprès de Najib Mikati avant que le gouvernement ne se mette à expédier les affaires courantes, la suite des législatives de mai 2022, ont été cependant vouées à l’échec.
Un timing douteux
Le dossier des nominations reste également un des points au cœur des tractations informelles menées dans le cadre de la mise en place d’un nouveau gouvernement.
Dans ce contexte, et quand on sait l’importance pour le camp présidentiel d’avoir la main haute sur les postes clés au sein de l’État, il est légitime de se poser la question de savoir si cette perquisition folklorique ratée ne sert pas un autre dessein politique. S’agit-il, face au blocage gouvernemental, d’une tentative de pousser le Premier ministre désigné à reprendre langue avec le président au sujet de la composition et de la mission du nouveau gouvernement et à accepter, sous la menace indirecte d’une déstabilisation, les conditions présidentielles?
Ni le timing ni la démarche en elle-même ne peuvent être fortuits, d’autant que Ghada Aoun n’est pas en charge du dossier. La magistrate, déférée à deux reprises devant le Conseil de discipline depuis qu’elle a lancé sa campagne contre Riad Salamé, avait été obligée à remettre le dossier de l’enquête en mars dernier au premier juge d’instruction du Mont-Liban, Nicolas Mansour, non sans avoir auparavant engagé des poursuites contre M. Salamé.
Bien que faisant l’objet d’un recours en dessaisissement du dossier pour parti pris, présenté en janvier dernier par les avocats du gouverneur, la juge refusait de lâcher le dossier en refusant d’être notifiée du recours. Ce n’est qu’à la suite du vaste tollé politique qui a suivi son acharnement contre la BDL et des banques dont elle avait ordonné la fermeture, en même temps que l’arrestation de Raja Salamé, frère du gouverneur, qu’elle a fini par confier le dossier à Nicolas Mansour.
À l’époque, Najib Mikati s’était vu contraint d’intervenir en personne auprès de son ministre de la Justice, Henry Khoury, pour obtenir qu’un terme soit mis aux dérives politico-judiciaires qui menaçaient le secteur bancaire et qui avaient provoqué une flambée du dollar, lequel avait dépassé la barre des 30.000 LL. Il voulait simplement que la procédure judiciaire suive un cours normal.
Une procédure que Ghada Aoun a de nouveau foulée au pied mardi, en décidant qu’il lui appartient, alors que l’instruction n’est même pas terminée, d’entrer par effraction à la banque centrale, en dépit de l’interdiction du juge Raja Hamouche d’investir les lieux manu militari.
Elle avait comparu au début du mois de juillet devant le Conseil de discipline. Accusée de violation du devoir de réserve et d’exercer des pressions sur les juges qui avaient été chargés d’examiner les recours présentés contre elle, Ghada Aoun mène campagne sur Twitter contre ses détracteurs, dont le Conseil supérieur de la magistrature et les juges qui contestent ses dérives.
En avril 2021, elle avait été déférée une première fois devant l’Inspection judiciaire à la suite de ses perquisitions tout aussi folkloriques dans les locaux de la société Mécattaf pour les transferts de fonds, qu’elle avait arbitrairement mis sous scellés sans apporter, jusqu’à aujourd’hui d’ailleurs, le moindre élément de preuves sur d’éventuelles malversations financières qu’elle lui a attribuées.
Elle avait en outre refusé d’obéir à son supérieur hiérarchique, le procureur général près la Cour de cassation, Ghassan Oueidate, qui voulait qu’elle soit dessaisie de tous les dossiers en rapport avec des crimes financiers, du ressort d’ailleurs du parquet financier.
En réaction à son comportement de mardi, les employés de la BDL, apparemment malmenés par les agents du service de Sécurité de l’État, ont décidé d’observer une grève de trois jours. Selon notre reporter sur place, Élie Ziadé, ils ont dénoncé «le comportement milicien» de ces agents et observé un sit-in dans l’enceinte de la BDL.
Les agents de la Sécurité de l’État, un service qui relève de la présidence de la République, avaient d’abord perquisitionné la résidence de M. Salamé à Rabieh avant de se rendre à Hamra où se trouve le siège de la BDL.
C’est l’ensemble du corps de la magistrature qui est aujourd’hui touché par les frasques judiciaires d’un de ses membres, la procureure générale près la cour d’appel du Mont-Liban, Ghada Aoun, et qui se trouve de ce fait de nouveau devant ses responsabilités: faire en sorte que la justice soit de nouveau au service du droit et non de l’arbitraire, surtout lorsque celui-ci est motivé par des considérations politiciennes avec un impact préjudiciable sur tout le pays.
Déférée devant le Conseil de discipline pour manquements aux devoirs de la fonction, la juge passée maître dans l’art des débordements a tenté un énième coup d’éclat médiatique mardi, en perquisitionnant les locaux de la Banque du Liban (BDL). Son objectif: essayer d’arrêter le gouverneur, Riad Salamé, contre qui elle avait engagé des poursuites judiciaires en avril dernier. Mais voilà que non seulement elle n’est plus en charge du dossier, mais elle en avait été strictement interdite, sur ordre du juge suppléant au parquet de la cour d’appel de Beyrouth, Raja Hamouche.
Inutile de préciser que la magistrate, pour qui les lois semblent s’appliquer exclusivement aux autres mais pas à sa personne, est rentrée bredouille, parce qu’elle s’est trouvée à la fin contrainte d’obéir à l’interdiction émanant du juge Hamouche. Son spectacle bas de gamme a vite tourné court. Selon notre confrère, le site Houna Loubnan, Raja Hamouche l’a appelée sur son portable lorsqu’il a réalisé qu’elle a fait fi de son interdiction. «On entendait Ghada Aoun hurler au téléphone avant de sortir de l’étage où se trouvent les appartements du gouverneur», selon Houna Loubnan.
Le seul exploit qu’elle aura réussi à réaliser est de faire de nouveau parler d’elle et de contribuer à ternir l’image d’une magistrature qui s’efforce, en dépit de nombreuses pressions politiques, de rester à flot et de poursuivre sa mission: faire prévaloir la justice, telle que définie par les lois et non celle de Ghada Aoun, une justice sélective, au service d’un sexennat croulant, en mal de réalisations.
La magistrate, proche du président Michel Aoun qui veut la peau de Riad Salamé, à qui il fait assumer l’entière responsabilité de l’effondrement financier de l’État pour diverses considérations politiciennes, continue d’agir comme si elle était en charge du dossier de l’enquête et multiplie les prétextes pour justifier ses pratiques.
L’enquête porte sur des opérations frauduleuses qu’elle a décidé d’attribuer au gouverneur de la banque centrale, qu’elle tient d’emblée pour coupable, au mépris des procédures d’une justice équitable.
Pour justifier ses débordements, elle se cache derrière une prétendue lutte contre la corruption qui, jusque-là, n’est orientée que contre une seule cible, le gouverneur de la BDL (que le camp présidentiel cherche à déloger pour le remplacer par une personnalité qui lui est acquise, avant la fin du mandat du président Michel Aoun) et, accessoirement, les banques. Dans un pays où les scandales de corruption défraient la chronique et sont régulièrement détaillés dans les médias, l’excès de zèle de Ghada Aoun ne fait que mettre en relief l’instrumentalisation de la justice à des fins politiciennes.
Mikati: une descente théâtrale
Le comportement de Mme Aoun a été une nouvelle fois dénoncé par le Premier ministre désigné, Najib Mikati, qui a stigmatisé «une descente théâtrale» et «un enchevêtrement des prérogatives entre les services judiciaires», laissant ainsi entendre que Ghada Aoun n’avait pas le droit de forcer la porte de la BDL. «La perquisition des locaux de la banque centrale de cette manière théâtrale, au milieu d’un enchevêtrement au niveau des prérogatives judiciaires, n’est pas la solution idéale pour régler le dossier du gouverneur de la banque centrale, Riad Salamé», a affirmé M. Mikati. Et d’ajouter: «Je le répète, nous ne nous accrochons à personne et ne défendons personne. Nous sommes cependant attachés à une justice équitable qui opère loin de toute sélectivité, tout en restant soucieux de la réputation financière du Liban, au niveau international.» Najib Mikati a souligné la nécessité d’un règlement de ce dossier, sur base d’un «consensus politique préalable autour d’un nouveau gouverneur de la Banque du Liban». «Que l’affaire suive son cours judiciaire ensuite», a-t-il conclu.
Les deux dernière phrases de M. Mikati confirment, preuve s’il en faut, que le dossier judiciaire monté contre de Riad Salamé sert essentiellement de prétexte pour aboutir à des acquis politiques et que Ghada Aoun en est l’instrument. Le camp présidentiel qui a fait du dossier des nominations son cheval de bataille à quelques mois de l’expiration du mandat du président Aoun, par le biais de Gebran Bassil, chef du Courant patriotique libre (fondé par le président) veut placer ses hommes à des postes clés, avant le 31 octobre, date à laquelle Michel Aoun devra quitter le Palais de Baabda. Toutes les manœuvres qu’il a tentées à cette fin auprès de Najib Mikati avant que le gouvernement ne se mette à expédier les affaires courantes, la suite des législatives de mai 2022, ont été cependant vouées à l’échec.
Un timing douteux
Le dossier des nominations reste également un des points au cœur des tractations informelles menées dans le cadre de la mise en place d’un nouveau gouvernement.
Dans ce contexte, et quand on sait l’importance pour le camp présidentiel d’avoir la main haute sur les postes clés au sein de l’État, il est légitime de se poser la question de savoir si cette perquisition folklorique ratée ne sert pas un autre dessein politique. S’agit-il, face au blocage gouvernemental, d’une tentative de pousser le Premier ministre désigné à reprendre langue avec le président au sujet de la composition et de la mission du nouveau gouvernement et à accepter, sous la menace indirecte d’une déstabilisation, les conditions présidentielles?
Ni le timing ni la démarche en elle-même ne peuvent être fortuits, d’autant que Ghada Aoun n’est pas en charge du dossier. La magistrate, déférée à deux reprises devant le Conseil de discipline depuis qu’elle a lancé sa campagne contre Riad Salamé, avait été obligée à remettre le dossier de l’enquête en mars dernier au premier juge d’instruction du Mont-Liban, Nicolas Mansour, non sans avoir auparavant engagé des poursuites contre M. Salamé.
Bien que faisant l’objet d’un recours en dessaisissement du dossier pour parti pris, présenté en janvier dernier par les avocats du gouverneur, la juge refusait de lâcher le dossier en refusant d’être notifiée du recours. Ce n’est qu’à la suite du vaste tollé politique qui a suivi son acharnement contre la BDL et des banques dont elle avait ordonné la fermeture, en même temps que l’arrestation de Raja Salamé, frère du gouverneur, qu’elle a fini par confier le dossier à Nicolas Mansour.
À l’époque, Najib Mikati s’était vu contraint d’intervenir en personne auprès de son ministre de la Justice, Henry Khoury, pour obtenir qu’un terme soit mis aux dérives politico-judiciaires qui menaçaient le secteur bancaire et qui avaient provoqué une flambée du dollar, lequel avait dépassé la barre des 30.000 LL. Il voulait simplement que la procédure judiciaire suive un cours normal.
Une procédure que Ghada Aoun a de nouveau foulée au pied mardi, en décidant qu’il lui appartient, alors que l’instruction n’est même pas terminée, d’entrer par effraction à la banque centrale, en dépit de l’interdiction du juge Raja Hamouche d’investir les lieux manu militari.
Elle avait comparu au début du mois de juillet devant le Conseil de discipline. Accusée de violation du devoir de réserve et d’exercer des pressions sur les juges qui avaient été chargés d’examiner les recours présentés contre elle, Ghada Aoun mène campagne sur Twitter contre ses détracteurs, dont le Conseil supérieur de la magistrature et les juges qui contestent ses dérives.
En avril 2021, elle avait été déférée une première fois devant l’Inspection judiciaire à la suite de ses perquisitions tout aussi folkloriques dans les locaux de la société Mécattaf pour les transferts de fonds, qu’elle avait arbitrairement mis sous scellés sans apporter, jusqu’à aujourd’hui d’ailleurs, le moindre élément de preuves sur d’éventuelles malversations financières qu’elle lui a attribuées.
Elle avait en outre refusé d’obéir à son supérieur hiérarchique, le procureur général près la Cour de cassation, Ghassan Oueidate, qui voulait qu’elle soit dessaisie de tous les dossiers en rapport avec des crimes financiers, du ressort d’ailleurs du parquet financier.
En réaction à son comportement de mardi, les employés de la BDL, apparemment malmenés par les agents du service de Sécurité de l’État, ont décidé d’observer une grève de trois jours. Selon notre reporter sur place, Élie Ziadé, ils ont dénoncé «le comportement milicien» de ces agents et observé un sit-in dans l’enceinte de la BDL.
Les agents de la Sécurité de l’État, un service qui relève de la présidence de la République, avaient d’abord perquisitionné la résidence de M. Salamé à Rabieh avant de se rendre à Hamra où se trouve le siège de la BDL.
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