La conscience collective des chrétiens, notamment celle des maronites, peut-elle encore se réveiller afin de ne pas se voir imposer un fait accompli, celui d’un Conseil Présidentiel dont elle ne veut pas mais qu’elle aurait, malheureusement, inconsciemment facilité? Ces citoyens libanais sont-ils en mesure de quitter le giron étroit du petit Liban de 1861 (
La présidence de la république libanaise, traditionnellement confiée à une personnalité maronite, risque-t-elle de se métamorphoser, à moyen terme, en un Directoire ou un Conseil Présidentiel à tiers de blocage inclus ? Cette possibilité pourrait bien constituer l’enjeu stratégique majeur de l’insistance à constituer, dans l’urgence, un gouvernement aux conditions du Hezbollah et de son allié fidèle le CPL vu la tradition de blocage auquel ces deux forces politiques ont habitué les libanais.
On entretient un vent de panique à l’idée d’une non-élection d’un président de république avant le 31 octobre prochain. On agite l’épouvantail du « vide » du pouvoir exécutif. On attise la peur de quelque chose qui n’existe pas au sein du corps politique. Une telle frayeur permettrait à certains, une série de manœuvres déloyales en vue de contourner la constitution issue des Accords de Taëf.
À mesure que la fin du mandat du président Aoun se rapproche, une frénésie s’installe dans le pays. Tout le monde s’affaire et s’agite. Tout le monde fait semblant de croire que l’issue de l’élection présidentielle est salvatrice pour le pays, oubliant que les pouvoirs réels du chef de l’État demeurent strictement régulés par la Constitution. On fait part de l’absolue nécessité d’un président consensuel, en mesure d’observer une égale distance vis-à-vis des forces qui dominent le Liban et n’entendent pas voir leur hégémonie se faire écorcher. Souhaiterait-on un eunuque institutionnel par hasard ? Face au vide du pouvoir - qui n’existe pas - on voit défiler un trop-plein de candidats au sein de la communauté maronite, des plus prestigieux aux plus modestes.
Nombreux parmi eux sont ceux qui déclarent leur amour universel pour tout l’Orient arabe auquel le Liban appartient. Soudainement, ils se disent arabophiles depuis toujours. Chacun éprouve une sympathie bienveillante pour l’Iran des Mollahs bien que ce régime bastonne à mort les femmes mal voilées. Chacun proteste de son appartenance à tous les camps politiques, tant du 14M que du 8M. Chacun s’égosille à se dire issu de la rue du 17 octobre 2019. Chacun concocte un cahier de charges décrivant le profil requis de tout candidat-président, nécessairement maronite comme le veulent les usages. Rares sont les personnalités qui ont le courage d’annoncer la couleur, et de souhaiter voir à Baabda un président en mesure de mener le combat de la libération du pays des griffes de l’axe Téhéran-Damas-Moscou. Un castrat à Baabda arrangerait tout opportuniste et tous ceux qui ne souhaitent aucun changement mais qui désirent poursuivre les petites manœuvres au service de leur propre intérêt, soit par idéologie personnelle, soit par solidarité avec l’étranger. Un tel président, émasculé ou pas, ne dérangerait personne. Une telle perspective ne résoudrait strictement rien car elle ne ferait que prolonger l’immobilisme, savamment entretenu, du désastre actuel.
À quelques semaines de la fin du mandat du président Michel Aoun, le Hezbollah se fait aussi câlin qu’un chat persan, aussi onctueux qu’une crème fouettée, aussi doucereux qu’un chant de sirène. Il déborde de bonne volonté, il ne souhaite pas l’affrontement, il ne cherche que le maintien de la paix civile dans le respect des institutions étatiques. Pour une fois, on nous épargne la vieille comptine, pour enfants demeurés, d’un gouvernement d’union nationale, formule-piège cachant mal la volonté totalitaire de neutraliser toute vie démocratique et d’éliminer toute opposition. Malgré les inutiles élections parlementaires du printemps 2022, on doit faire le constat de l’efficacité de la stratégie du blocage systématique des institutions, pratiquée par le duo Hezbollah-Amal et leur comparse CPL. Une sorte de « trou noir » a fini, ainsi, par s’installer au sein du corps politique. Il a progressivement tout englouti et fait imploser le pays sur lui-même. Que reste-t-il aujourd’hui du Liban sinon quelques cartes postales de jadis, l’odeur âcre de l’explosion sur le port de Beyrouth, les déchets de toutes les structures désarticulées et disséquées, les larmes du désespoir, le « je-m’en-f… » de l’hédonisme, et surtout la puanteur cadavérique des dépouilles de ceux qui fuient en mer, préférant mourir noyés que mourir dans la disette au milieu des ténèbres et de la soif du ministère de l’Énergie.
Dès lors, insister tellement sur la formation urgente d’un gouvernement, pleinement constitué, est éminemment suspect. C’est au mieux une illusion naïve, au pire une manœuvre dilatoire, destructrice du Grand Liban. Vouloir à tout prix négocier la formation d’un cabinet savamment dosé, par le CPL et le Hezbollah, sous prétexte d’éviter le vide de l’après-Aoun est une contorsion vicieuse. Le vide n’existe pas au sein du corps politique. C’est un non-sens. À supposer qu’une explosion nucléaire vitrifie le Liban et toute sa population, il n’y aurait aucun vide qui s’en suivrait. Le plus petit fonctionnaire survivant représenterait toute la légalité et toute la légitimité de l’État. C’est à lui qu’incomberait la tâche d’assurer la continuité du pouvoir et la survie de l’État. Argumenter sur l’incapacité d’un gouvernement démissionnaire à pouvoir assumer, en toute légitimité, l’intérim présidentiel relève de la mauvaise foi la plus totale et cache mal la mauvaise intention qui se profile derrière.
Souhaite-t-on, par cet argument fallacieux, induire en erreur l’opinion publique afin de la préparer à un éventuel changement déguisé de régime voire de système ? Le tandem CPL-Hezbollah sait qu’il ne peut pas se débarrasser des Accords de Taëf même si les motivations de chaque partenaire sont divergentes. Le Hezbollah ne veut pas de Taëf par idéologie iranienne-chiite ; le CPL par esprit populiste de revanche chrétien-maronite. Dès lors, il ne leur reste plus qu’à jouer le jeu, à faire preuve de profil bas et à proclamer haut et fort leur volonté en deux temps.
1 - PRIMO, dénier toute légitimité à assurer l’intérim présidentiel au gouvernement démissionnaire actuel, assimilant une telle éventualité à l’épouvantail du vide (inexistant par principe).
2 - DEUXIO, exiger la formation d’un cabinet constitutionnellement légal et légitime, selon eux, dans les plus brefs délais afin d’éviter l’épouvantail du vide (toujours inexistant).
Présenté ainsi, le plan peut séduire les esprits crédules qui ne voient pas la mauvaise foi derrière. Tout gouvernement qui pourrait être formé, dans l’urgence, aura une durée de vie très courte puisqu’il devra démissionner dès l’élection, tôt ou tard, d’un nouveau président. La stratégie du blocage n’ayant aucune raison de cesser tant que l’État ne récupère pas le monopole de la violence, le blocage en question reprendrait de plus belle. Ceci entrainerait immanquablement la possibilité de transformer, dans un deuxième temps, un tel gouvernement en une sorte de Directoire voire de Conseil Présidentiel. Un tel Conseil, si d’aventure il viendrait à naître, constituerait un fait accompli qui réaliserait enfin le but du coup d’état permanent depuis 2005. Un tel directoire serait viable avec un président maronite à sa tête, pour l’honneur ou pour faire décor. Un tel conseil présidentiel demeurerait, cependant, en permanence paralysé car hypothéqué par la stratégie du veto – via le tiers de blocage – qui a fait ses preuves mortelles depuis 2007.
Une telle hypothèse est-elle plausible ou spéculative ? En tout cas elle permettrait de contourner les Accords de Taëf tout en ne procédant pas à la convocation d’une Constituante. Quoi qu’il en soit, la balle est aujourd’hui entre les mains des chrétiens, notamment les maronites à qui échoit la fonction présidentielle. C’est ce qui expliquerait les réclamations populistes de certains à prétendre vouloir récupérer des droits spoliés par l’Accord de Taëf.
Ce sont de telles œillères populistes qui induisent la peur d’un vide inexistant et facilitent la réclamation d’un gouvernement à tiers de blocage inclus qui, tôt ou tard, se transformera à leur insu en un Directoire ou un Conseil Présidentiel.
La présidence de la république libanaise, traditionnellement confiée à une personnalité maronite, risque-t-elle de se métamorphoser, à moyen terme, en un Directoire ou un Conseil Présidentiel à tiers de blocage inclus ? Cette possibilité pourrait bien constituer l’enjeu stratégique majeur de l’insistance à constituer, dans l’urgence, un gouvernement aux conditions du Hezbollah et de son allié fidèle le CPL vu la tradition de blocage auquel ces deux forces politiques ont habitué les libanais.
On entretient un vent de panique à l’idée d’une non-élection d’un président de république avant le 31 octobre prochain. On agite l’épouvantail du « vide » du pouvoir exécutif. On attise la peur de quelque chose qui n’existe pas au sein du corps politique. Une telle frayeur permettrait à certains, une série de manœuvres déloyales en vue de contourner la constitution issue des Accords de Taëf.
À mesure que la fin du mandat du président Aoun se rapproche, une frénésie s’installe dans le pays. Tout le monde s’affaire et s’agite. Tout le monde fait semblant de croire que l’issue de l’élection présidentielle est salvatrice pour le pays, oubliant que les pouvoirs réels du chef de l’État demeurent strictement régulés par la Constitution. On fait part de l’absolue nécessité d’un président consensuel, en mesure d’observer une égale distance vis-à-vis des forces qui dominent le Liban et n’entendent pas voir leur hégémonie se faire écorcher. Souhaiterait-on un eunuque institutionnel par hasard ? Face au vide du pouvoir - qui n’existe pas - on voit défiler un trop-plein de candidats au sein de la communauté maronite, des plus prestigieux aux plus modestes.
Nombreux parmi eux sont ceux qui déclarent leur amour universel pour tout l’Orient arabe auquel le Liban appartient. Soudainement, ils se disent arabophiles depuis toujours. Chacun éprouve une sympathie bienveillante pour l’Iran des Mollahs bien que ce régime bastonne à mort les femmes mal voilées. Chacun proteste de son appartenance à tous les camps politiques, tant du 14M que du 8M. Chacun s’égosille à se dire issu de la rue du 17 octobre 2019. Chacun concocte un cahier de charges décrivant le profil requis de tout candidat-président, nécessairement maronite comme le veulent les usages. Rares sont les personnalités qui ont le courage d’annoncer la couleur, et de souhaiter voir à Baabda un président en mesure de mener le combat de la libération du pays des griffes de l’axe Téhéran-Damas-Moscou. Un castrat à Baabda arrangerait tout opportuniste et tous ceux qui ne souhaitent aucun changement mais qui désirent poursuivre les petites manœuvres au service de leur propre intérêt, soit par idéologie personnelle, soit par solidarité avec l’étranger. Un tel président, émasculé ou pas, ne dérangerait personne. Une telle perspective ne résoudrait strictement rien car elle ne ferait que prolonger l’immobilisme, savamment entretenu, du désastre actuel.
À quelques semaines de la fin du mandat du président Michel Aoun, le Hezbollah se fait aussi câlin qu’un chat persan, aussi onctueux qu’une crème fouettée, aussi doucereux qu’un chant de sirène. Il déborde de bonne volonté, il ne souhaite pas l’affrontement, il ne cherche que le maintien de la paix civile dans le respect des institutions étatiques. Pour une fois, on nous épargne la vieille comptine, pour enfants demeurés, d’un gouvernement d’union nationale, formule-piège cachant mal la volonté totalitaire de neutraliser toute vie démocratique et d’éliminer toute opposition. Malgré les inutiles élections parlementaires du printemps 2022, on doit faire le constat de l’efficacité de la stratégie du blocage systématique des institutions, pratiquée par le duo Hezbollah-Amal et leur comparse CPL. Une sorte de « trou noir » a fini, ainsi, par s’installer au sein du corps politique. Il a progressivement tout englouti et fait imploser le pays sur lui-même. Que reste-t-il aujourd’hui du Liban sinon quelques cartes postales de jadis, l’odeur âcre de l’explosion sur le port de Beyrouth, les déchets de toutes les structures désarticulées et disséquées, les larmes du désespoir, le « je-m’en-f… » de l’hédonisme, et surtout la puanteur cadavérique des dépouilles de ceux qui fuient en mer, préférant mourir noyés que mourir dans la disette au milieu des ténèbres et de la soif du ministère de l’Énergie.
Dès lors, insister tellement sur la formation urgente d’un gouvernement, pleinement constitué, est éminemment suspect. C’est au mieux une illusion naïve, au pire une manœuvre dilatoire, destructrice du Grand Liban. Vouloir à tout prix négocier la formation d’un cabinet savamment dosé, par le CPL et le Hezbollah, sous prétexte d’éviter le vide de l’après-Aoun est une contorsion vicieuse. Le vide n’existe pas au sein du corps politique. C’est un non-sens. À supposer qu’une explosion nucléaire vitrifie le Liban et toute sa population, il n’y aurait aucun vide qui s’en suivrait. Le plus petit fonctionnaire survivant représenterait toute la légalité et toute la légitimité de l’État. C’est à lui qu’incomberait la tâche d’assurer la continuité du pouvoir et la survie de l’État. Argumenter sur l’incapacité d’un gouvernement démissionnaire à pouvoir assumer, en toute légitimité, l’intérim présidentiel relève de la mauvaise foi la plus totale et cache mal la mauvaise intention qui se profile derrière.
Souhaite-t-on, par cet argument fallacieux, induire en erreur l’opinion publique afin de la préparer à un éventuel changement déguisé de régime voire de système ? Le tandem CPL-Hezbollah sait qu’il ne peut pas se débarrasser des Accords de Taëf même si les motivations de chaque partenaire sont divergentes. Le Hezbollah ne veut pas de Taëf par idéologie iranienne-chiite ; le CPL par esprit populiste de revanche chrétien-maronite. Dès lors, il ne leur reste plus qu’à jouer le jeu, à faire preuve de profil bas et à proclamer haut et fort leur volonté en deux temps.
1 - PRIMO, dénier toute légitimité à assurer l’intérim présidentiel au gouvernement démissionnaire actuel, assimilant une telle éventualité à l’épouvantail du vide (inexistant par principe).
2 - DEUXIO, exiger la formation d’un cabinet constitutionnellement légal et légitime, selon eux, dans les plus brefs délais afin d’éviter l’épouvantail du vide (toujours inexistant).
Présenté ainsi, le plan peut séduire les esprits crédules qui ne voient pas la mauvaise foi derrière. Tout gouvernement qui pourrait être formé, dans l’urgence, aura une durée de vie très courte puisqu’il devra démissionner dès l’élection, tôt ou tard, d’un nouveau président. La stratégie du blocage n’ayant aucune raison de cesser tant que l’État ne récupère pas le monopole de la violence, le blocage en question reprendrait de plus belle. Ceci entrainerait immanquablement la possibilité de transformer, dans un deuxième temps, un tel gouvernement en une sorte de Directoire voire de Conseil Présidentiel. Un tel Conseil, si d’aventure il viendrait à naître, constituerait un fait accompli qui réaliserait enfin le but du coup d’état permanent depuis 2005. Un tel directoire serait viable avec un président maronite à sa tête, pour l’honneur ou pour faire décor. Un tel conseil présidentiel demeurerait, cependant, en permanence paralysé car hypothéqué par la stratégie du veto – via le tiers de blocage – qui a fait ses preuves mortelles depuis 2007.
Une telle hypothèse est-elle plausible ou spéculative ? En tout cas elle permettrait de contourner les Accords de Taëf tout en ne procédant pas à la convocation d’une Constituante. Quoi qu’il en soit, la balle est aujourd’hui entre les mains des chrétiens, notamment les maronites à qui échoit la fonction présidentielle. C’est ce qui expliquerait les réclamations populistes de certains à prétendre vouloir récupérer des droits spoliés par l’Accord de Taëf.
Ce sont de telles œillères populistes qui induisent la peur d’un vide inexistant et facilitent la réclamation d’un gouvernement à tiers de blocage inclus qui, tôt ou tard, se transformera à leur insu en un Directoire ou un Conseil Présidentiel.
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