La nouvelle guerre des drones au Levant
©Ici Beyrouth

Entre bourdonnement incessant au-dessus de nos têtes, engins parcourant des centaines de kilomètres pour tenter de s’écraser sur une base adverse, ou encore des vidéos d’autres larguant des explosifs dans l’écoutille d’un blindé, les drones sont devenus l’une des armes de choix de la guerre en cours au Moyen-Orient. Du Hamas à Israël, en passant par le Hezbollah, voici un tour d’horizon des différentes techniques employées par les belligérants.

Un bourdonnement incessant dans les cieux du Proche-Orient. De Beyrouth à Gaza, le son engendré par le propulseur des drones fait désormais partie du quotidien des populations dans le viseur de l’armée israélienne.

À l’image des autres conflits du XXIe siècle, la guerre Israël-Hamas a vu ce type d’arme occuper une place centrale. Qu’il s’agisse des petits engins de fabrication locale utilisés par le Hamas, des modèles israéliens équipés de missiles à plusieurs millions de dollars, ou encore des aéronefs kamikazes employés par l’axe pro-iranien, voici ce qu’il faut connaître sur l’emploi des drones depuis le début de la guerre en cours, il y a un an.

Hamas: un arsenal artisanal…

Aux premières lueurs du samedi 7 octobre, le Hamas lançait ses combattants à l’assaut des localités frontalières de Gaza en Israël. Dans le but de maximiser l’effet surprise, l’organisation envoie, en amont de ses forces, des essaims de drones chargés d’explosifs.

Selon le magazine GEO, il s’agit de petits appareils commerciaux modifiés pour emporter une charge explosive, dont le coût total ne dépasse pas les 6000 dollars. Leur mission? Attaquer les postes d’observation et de communication pour rendre "aveugle" la première ligne de défense israélienne.

Cependant, l'utilisation des drones par le Hamas lors de l'attaque ne se limite pas à cette fonction. Ces drones servent également de bombardiers. Plutôt que d'y fixer une charge explosive, ils sont équipés d'un mécanisme de largage, permettant de transporter une ou plusieurs charges, telles que des grenades ou des obus de mortier.

Assimilant les leçons d’Ukraine

Casernes, soldats à découvert mais aussi véhicules blindés dont une écoutille aurait été laissée ouverte… nombreuses furent les cibles attaquées par ces minibombardiers. Un emploi notamment documenté par les caméras équipant ces derniers, que le Hamas s’est empressé de mettre en avant à travers ses vidéos de propagande.

Si le 7 octobre fut le théâtre de la première utilisation attestée de drones par le Hamas, cet épisode démontre surtout comment le groupe palestinien a intégré les leçons des conflits du XXIe siècle. Plus précisément, celui-ci semble avoir efficacement intégré les leçons tirées de l’invasion russe en Ukraine, depuis février 2022.

Pour compenser leur infériorité technologique et matérielle, les unités de l’armée ukrainienne avaient alors commencé à utiliser des techniques similaires. Cela leur permettait d’effectuer des frappes précises, des missions de reconnaissance et de surveillance, tout en minimisant les risques pour les soldats.

Leur coût réduit et leur efficacité à éviter les systèmes de défense aérienne sophistiqués en ont fait une arme asymétrique idéale. Leur utilisation fut d’ailleurs rapidement copiée par les forces russes, à mesure que leur avantage technologique s’amenuisait sur le terrain.

Hezbollah: le laboratoire iranien…

Toutefois, le Hamas n’est pas le seul acteur de la guerre à s’être inspiré des leçons d’Ukraine. En effet, au Liban-Sud, le Hezbollah a aussi fait un usage particulièrement intensif de cette arme, depuis le 8 octobre.

À l’image des armées russes et ukrainiennes, la formation pro-iranienne utilise ces appareils pour la reconnaissance, la surveillance ainsi que pour des attaques ciblées. Toutefois, contrairement à son allié palestinien, le Hezbollah bénéficie d’un équipement plus avancé. Pour faire face à la supériorité technologique israélienne – notamment dans les airs –, celui-ci a même créé une unité spécialisée. Un avantage qu’il doit en grande partie à son parrain iranien. En effet, Téhéran développe depuis quelques années une véritable expertise en la matière. Malgré les sanctions visant le régime, celui-ci a réussi à mettre en place une industrie locale, qui ne dépend pas des fournisseurs étrangers.

Pour tester ses nouvelles armes en conditions réelles, l’Iran s’appuie sur ses mandataires à travers la région. “Résistance islamique en Irak”, Houthis… tous bénéficient de cette expertise. Celle-ci est directement prodiguée par des membres de Corps des gardiens de la révolution, l’armée idéologique de Téhéran, envoyés sur place pour en encadrer la formation.”

Frappant loin à faible prix

Bien entendu, le Hezbollah n’échappe pas à la règle. Il utilise au moins une dizaine de types de drones différents, dont certains sont fabriqués au Liban. Cet arsenal inclut des drones commerciaux modifiés pour des missions de reconnaissance et des attaques de précision, ainsi que des appareils de grande envergure conçus exclusivement à des fins militaires.

Le modèle le plus avancé, le Shahed-129, est lui-même capable d’emporter des munitions sur une distance de 2.000 km. Il entre dans la catégorie des drones de moyenne altitude à longue endurance (MALE).

Mais la plus grande force de cet arsenal réside dans les munitions rôdeuses: des drones conçus pour s’écraser sur leur cible, avec une portée dépassant les 100 km, à l’image du modèle "Ababil". Fonctionnant comme des missiles de croisière à faible prix, ces munitions permettent d’atteindre le territoire israélien en profondeur.

Israël: entre intelligence artificielle…

Mais l’axe pro-iranien n’a pas l’apanage des munitions rôdeuses dans ce conflit. C’est aussi le cas d’Israël, qui a aussi mis ses capacités industrielles en la matière – parmi les plus avancées au monde – au service de la guerre.

Les combats à Gaza ont ainsi vu l’utilisation des munitions rôdeuses "Spike Firefly" et "LANIUS", respectivement développées par les entreprises israéliennes Rafael Systems et Elbit Systems. À l’image des drones kamikazes du Hamas, elles emportent une faible charge. Leur petite taille les rend particulièrement adaptées à l’environnement urbain de l’enclave.

En plus des drones kamikazes, les Israéliens utilisent aussi de petits drones équipés de mitrailleuses. L’ONG Euro-Med Human Rights Monitor a ainsi fait état d’engins quadrirotor autonomes qui, avec les munitions rôdeuses, sont employés pour établir des "kill zones".

Couplées à l’intelligence artificielle, ces machines seraient en mesure d’attaquer automatiquement tout individu entrant dans la zone désignée, dès que les logiciels de reconnaissance faciale assimilent celui-ci – de près ou de loin – à un membre du Hamas. Une méthode que l’armée israélienne a officiellement toujours niée, ses responsables insistant sur le contrôle humain dans le processus de décision.

…Surveillance et assassinats ciblés

Mais la véritable force de l’armée israélienne réside dans son arsenal de drones MALE. Celle-ci en opère trois types différents: les Hermès 450 et 900 d’Elbit Systems, ainsi que le Heron TP, de la firme Israel Aerospace Industries (IAI). Le second est notamment surnommé MK par les Libanais, bien que le sobriquet soit désormais étendu à tous les drones israéliens pénétrant l’espace aérien libanais.

Leur principale mission réside dans la surveillance d’une zone – ou d’une cible – précise. Tournant en cercle au-dessus de cette dernière, ces appareils recueillent des images et des données en temps réel, fournissant ainsi une vision continue du terrain.

Leur long rayon d’action et leur endurance, supérieure à 30 heures, accroît considérablement cette capacité. C’est principalement pour cette raison que leur bourdonnement incessant est désormais devenu commun non seulement à Gaza, mais aussi au Liban-Sud et à Beyrouth.

Mais ces drones ne sont pas uniquement pourvus d’instruments d’observation. En effet, ils emportent aussi des systèmes de désignation de cibles, généralement par le biais d’un laser. Le drone sert ici à pointer le faisceau sur l’objectif, puis à retransmettre les informations à un véhicule, un avion de chasse ou un navire. Ce dernier tire alors une munition qui se dirigera vers la cible. Un type d’action dont le drone peut lui-même s’acquitter, pour peu qu’il soit lui-même armé. En effet, les trois modèles cités en amont peuvent être équipés de bombes ou de missiles de faible calibre. Leur endurance leur permettant de rester au-dessus d’une potentielle cible pendant des heures avant autorisation de tir, c’est pourquoi les drones sont souvent utilisés pour mener des assassinats ciblés.

Enfin, ces engins remplissent une dernière fonction. En traçant des cercles sans fin dans le ciel du Liban et de Gaza, les drones israéliens rappellent en permanence à ceux qui se trouvent en dessous qui contrôle leur espace aérien. Cette présence ostentatoire et continue constitue, d'une certaine manière, une forme d'occupation en soi... sans oublier son impact psychologique.

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