Jour après jour, l'assassinat de Hassan Nasrallah s’efface peu à peu dans la mémoire collective. Désormais, c’est tout un pays qui est en train de s’effondrer, le Liban, privé depuis longtemps de la prospérité qui devrait être un droit naturel pour tout pays. Ce qui importe à l’heure actuelle, c’est la nouvelle phase amorcée par le Hezbollah, privé de son chef emblématique, une phase que le guide suprême iranien, Ali Khamenei, a définie dans son dernier discours: la poursuite du combat.
Il y a 42 ans, Israël a déclenché une guerre pour mettre fin à la présence armée palestinienne au Liban. Cette guerre de l'été 1982 a permis à Israël d'atteindre son objectif. Mais elle a également donné lieu à l’émergence d’une autre force armée, le Hezbollah. Aujourd'hui, Israël mène une nouvelle guerre pour en finir avec ce même parti. Alors, l'histoire se répétera-t-elle ou non?
La question n’aspire pas à anticiper l’avenir, mais à saisir une réalité actuelle. Dans ce tumulte qui perdure depuis près de deux mois, une évidence se dégage concernant l'identité du Hezbollah, à savoir sa nature profondément iranienne, depuis sa fondation après la guerre de 1982. Un examen approfondi de nombreux documents sur plus de quatre décennies confirme cette identité. Mais les récents événements, notamment l’assassinat de Hassan Nasrallah, ont mis en lumière cette connexion. À titre de comparaison, on entend souvent dire “Libanais depuis plus de 10 ans” pour affirmer l’identité d’un citoyen. De la même manière, on pourrait dire “Iranien depuis plus de 40 ans” pour décrire le Hezbollah.
Revenons aux propos du guide suprême, prononcés en arabe le 4 de ce mois, lors de la cérémonie en hommage à M. Nasrallah et de la prière du vendredi à Téhéran. Dans son discours, Ali Khamenei a affirmé: “Sayyed Hassan Nasrallah n’est plus physiquement parmi nous, mais son esprit, sa voie et sa voix puissante continueront de résonner parmi nous. Il était le porte-étendard de la résistance face aux démons tyranniques et spoliateurs, la voix éloquente des opprimés et le défenseur intrépide de ceux-ci, tout en restant un soutien et une source de motivation pour ceux qui combattent sur le chemin de la vérité. Sa popularité et son influence dépassaient les frontières du Liban, de l’Iran et des pays arabes, et son martyre renforcera désormais cette influence.”
Il ajoute: “Le message essentiel de Hassan Nasrallah, à travers ses actions et ses paroles, à travers sa vie dédiée à vous, peuple libanais loyal, était de ne pas céder au découragement, même face à la disparition de figures importantes comme l'imam Moussa Sadr et Sayyed Abbas al-Moussawi, et de rester fermes dans votre parcours. Redoublez vos efforts et vos capacités, resserrez vos rangs, résistez à l'agression et triomphez en ancrant votre foi et votre confiance en Dieu.”
Et l’imam Khamenei de conclure: “Cher peuple libanais fidèle, jeunes partisans du Hezbollah et du mouvement Amal! Mes enfants, c’est aussi ce que notre martyr désire aujourd’hui de son peuple, du front de la résistance et de l’ensemble de la nation islamique.”
Au Liban, où M. Nasrallah a vécu et a perdu la vie, aucune cérémonie d’hommage similaire à celle organisée à Téhéran il y a 10 jours n'a eu lieu. Et pour cause: plus aucun lieu au Liban n’échappe aux attaques israéliennes. Quand viendra le jour où ces rituels accompagnant la disparition des grandes figures retrouveront leur importance?
En effet, la particularité de ce combat, mené contre Israël, réside dans le fait qu’il ne vise pas à libérer le Liban de l’occupation, mais bien à “soutenir” le mouvement “Hamas” dans la guerre qu'il a déclenchée ce mois-ci l'année dernière, comme l'a affirmé Hassan Nasrallah le 8 octobre dernier.
Sous le titre “La France s'empresse d'éteindre les flammes du Liban... Pourquoi est-elle préoccupée par l'escalade?”, le site émirati Al-Ain al-Ikhbariya a publié une analyse indiquant: “Des déclarations en faveur de l’unité du Liban et un appel à une conférence internationale marquent les efforts diplomatiques récents sur le front libanais. Paris espère ainsi faire taire les armes et rétablir le calme dans ce pays arabe. La dernière initiative en date est l’appel lancé par le président français Emmanuel Macron, samedi dernier, au “Hezbollah”, l’invitant à “cesser de bombarder Israël et à instaurer un cessez-le-feu immédiat au Liban”.
Évoquant les raisons qui sous-tendent les efforts de la diplomatie française, le docteur Albert Farhat, expert en sécurité internationale qui réside en France, souligne que "le président français est particulièrement préoccupé par la sécurité des soldats français déployés au sein de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), qui compte plus de 700 militaires français". Cette inquiétude s’est intensifiée après qu'un char Merkava israélien a tiré sur une tour de surveillance de la Finul à Naqoura jeudi dernier.
D’après le docteur Farhat, “le Hezbollah ne répondra pas à cet appel au cessez-le-feu, car la branche militaire du parti refuse pour l’instant toute reprise des négociations, animée par un esprit de vengeance pour le secrétaire général Sayyed Hassan Nasrallah et les responsables sécuritaires et militaires récemment assassinés”. Il précise que la situation est désormais entre les mains de la branche militaire du Hezbollah, qui a “rompu tous les canaux de communication avec la direction politique pour l’instant, y compris le conseil politique du parti”.
La situation restera-t-elle entre les mains de ce qui subsiste du Hezbollah et, par conséquent, de celles de l'Iran? La réponse s’est manifestée samedi dernier lors de la conférence nationale organisée par les Forces libanaises à Meerab centrée sur le thème “Pour la défense du Liban 1559, 1680 et 1701”.
En tête des résolutions évoquées, la conférence a mis l’accent sur la résolution 1559 du Conseil de sécurité de l’ONU, adoptée en 2004, qui insiste sur la nécessité de désarmer les milices, une tâche qui aurait dû être achevée après l’accord de Taëf en 1989.
Le leader des Forces libanaises, Samir Geagea, a partagé, dans les coulisses de la conférence, son expérience de la dissolution de son parti à la suite de Taëf, soulignant qu'à l'époque, les Forces libanaises étaient la plus grande milice, au même titre que le Parti socialiste progressiste. Il a rappelé que le Hezbollah avait été exempté de ce processus de démilitarisation sous la protection de Hafez al-Assad, qui en avait fait une “ligne rouge”.
L’objectif de cette conférence était de réaffirmer que l’application de la résolution 1559, en suspens depuis des décennies, est désormais impérative. Les arguments en faveur du désarmement du Hezbollah restent pertinents, même après un retard de près de 35 ans. Si Hafez al-Assad avait autrefois bloqué ce processus, l’influence a ensuite été transférée à Khamenei après le retrait des troupes syriennes en 2005.
Aujourd'hui, 19 ans après ce retrait, l'heure est venue de tourner la page sur cet héritage. Ce serait un adieu au Hezbollah dans sa dimension iranienne, tout en ouvrant la voie à une possible réintégration du parti en tant qu’acteur libanais.
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