Gafi: Le Liban pourrait bénéficier d’un sursis
©AFP

Le Liban pourrait bientôt être inscrit sur la liste grise du Groupe d’action financière (Gafi), avec un verdict attendu dans cinq jours, selon plusieurs sources concordantes. Si cela se confirmait, ce ne serait guère une surprise.

Cependant, des rumeurs ont circulé durant les dernières vingt-quatre heures au sujet d’un éventuel report de sa décision à novembre, plutôt qu’en octobre, en fonction de l’évolution de la situation au Liban, plongé dans des actes de guerre au lendemain de l’ouverture, par le Hezbollah, du front du sud avec Israël, le 8 octobre 2023.

Ce report potentiel serait sous-tendu par deux facteurs. D'abord, la conférence internationale de soutien au Liban prévue à Paris, le 24 octobre, qui coïncide avec la réunion plénière du Gafi, qui s’y tient du 21 au 25. Par ailleurs, la volonté de certains membres influents du Gafi de ne pas porter un coup sévère au Liban, une inscription sur la liste grise offrant davantage d'opportunités à ceux qui cherchent à exploiter la situation difficile dans laquelle le pays se trouve en raison de la réduction des services bancaires que cette classification entraînerait.

 

Liste grise

Le Groupe d’action financière ou Gafi est une organisation intergouvernementale, qui mène une action mondiale pour lutter contre le blanchiment d'argent, le financement du terrorisme et le financement de la prolifération. Il définit des normes internationales afin que les autorités nationales puissent poursuivre efficacement les fonds illicites liés au trafic de drogue, au commerce illicite d'armes, à la cyberfraude et à d'autres crimes graves.

Son instance décisionnelle se réunit trois fois par an (en février, en juin et en novembre) pour demander des comptes aux pays qui ne respectent pas ses normes. En cas de manquements répétés à ces exigences, un pays peut être classé parmi les juridictions sous surveillance renforcée ou à haut risque. Ces catégories sont communément appelées les “listes grises et noires”.

Dans ce cadre, il est important de noter que le Gafi organise également des réunions en novembre, souvent dédiées à l'examen de la mise en œuvre de ses recommandations ou à l'évaluation des progrès des pays concernés. Cela pourrait être le cas du Liban lors des prochaines sessions de novembre.

 

Pas de progrès

À deux reprises, le Liban s’est vu donner l'opportunité de redresser la situation, en apportant les ajustements nécessaires à sa législation, notamment pour ce qui a trait à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. L'économie du cash continue cependant de dominer, d'autant que le chaos s'est amplifié depuis l'ouverture par le Hezbollah du front sud.

La probabilité que le Liban soit inscrit sur la “liste grise” aurait augmenté à la suite d'un rapport d'évaluation du Gafi datant de décembre 2023, qui a mis en lumière de nombreuses lacunes dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Le rapport a évoqué les activités d'une “organisation paramilitaire locale de premier plan”, en référence au Hezbollah sans le nommer. Il a également souligné que la corruption gouvernementale et l'évasion fiscale constituent des infractions clés qui engendrent des produits criminels liés au blanchiment d'argent.

 

Complication des opérations bancaires

Il est évident que l’inscription du Liban sur la liste grise nuirait à la réputation de la classe politique, souvent perçue comme un frein aux réformes structurelles et comme un protecteur de la corruption. Cela réduirait par ailleurs la marge de manœuvre du Liban pour négocier des aides internationales en vue de sa reconstruction et pour rééchelonner sa dette extérieure.

Cette inscription compliquerait notamment les opérations bancaires, compromettant les transferts de fonds vers et depuis le Liban, essentiels pour importer les produits de première nécessité, tout en augmenterait les coûts des transactions.

Autrement dit, le système financier libanais sera soumis à une surveillance accrue, ce qui pourrait amener certaines banques correspondantes à rompre leurs relations avec des clients libanais, à cause du risque élevé de criminalité financière, ou à exiger des banques libanaises une augmentation de leurs liquidités pour couvrir les risques de crédit.

Pour rappel, le Liban a été inscrit sur la “liste noire” des pays non coopératifs en 2000, mais l'adoption de la loi sur la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (LAB/CFT) en 2001 et son adhésion au groupe Egmont (un consortium international d'unités de lutte contre le blanchiment d'argent des États membres) ont permis son retrait de cette liste en 2002.

Commentaires
  • Aucun commentaire