Manettes en or: l’économie cachée du jeu vidéo
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Gratuits… mais redoutablement lucratifs, les jeux vidéo modernes transforment nos clics en billets verts. Entre microtransactions, concerts virtuels et partenariats XXL, Fortnite, Candy Crush et leurs cousins pèsent aujourd’hui des milliards. Et même au Liban, la manette n’est pas près de raccrocher.

Longtemps considérés comme un simple loisir, les jeux vidéo sont devenus une machine économique bien huilée, capable de rivaliser avec Hollywood et l’industrie musicale réunis. En 2014, Fortnite débarque discrètement sur le marché, avec ses graphismes façon Pixar et un concept inspiré du Battle Royale. Aujourd’hui, il ne se contente plus de faire s’affronter des joueurs: il organise des concerts d’Ariana Grande, de Metallica ou même d’Aya Nakamura. Quant à Candy Crush, avec ses bonbons colorés et ses niveaux infinis, il démontre qu’un jeu de réflexion peut rapporter gros… très gros. Plongée dans l’économie du jeu vidéo, où tout semble gratuit jusqu’à ce que votre carte bancaire vous rappelle à l’ordre.

Un secteur mondial qui joue dans la cour des grands

En 2014, l’industrie mondiale du jeu vidéo générait déjà 93 milliards de dollars. Dix ans plus tard, en 2024, elle pesait environ 184 milliards et pourrait atteindre 312 milliards d’ici à 2027, selon PwC (Global Entertainment & Media Outlook 2024-2028). Cette croissance est portée par un public élargi – plus de 3,2 milliards de joueurs – et par l’explosion des modèles économiques hybrides: téléchargement gratuit, mais contenus payants à foison, indique PwC.

Décembre 1993, petite révolution pour les amateurs de football et de consoles: FIFA International Soccer débarque. Sa grande innovation? Une vue en 3D plongeante qui remplace la traditionnelle vue à plat, donnant l’impression d’être au cœur du match. À cela s’ajoutent chants de supporters, célébrations de buts et réalisme inédit. En un mois, 500.000 exemplaires sont vendus, selon Football Fandom.

Derrière ce succès, le géant américain Electronic Arts (EA) conclut un accord historique avec la Fédération internationale de football (FIFA) pour utiliser son nom et ses équipes nationales. La machine est lancée: chaque année, un nouvel opus soigne ses graphismes, propose de nouveaux modes et permet aux joueurs d’affronter leurs amis… ou des inconnus à l’autre bout du globe.

En 2022, après près de trente ans de partenariat, EA et la FIFA divorcent. Le jeu change de nom pour devenir EA Sports FC 24. L’ADN reste le même, mais les records de ventes des dernières années ne sont pas égalés.

Lors de sa sortie, Fortnite n’est qu’un jeu de tir multijoueur parmi d’autres. Mais Epic Games comprend vite que pour durer, il faut surprendre. Partenariats avec Marvel, sportifs et stars de la pop culture: chaque saison devient un événement. En 2019, le jeu franchit un cap en se transformant en scène virtuelle: Marshmello, Ariana Grande, Eminem ou Aya Nakamura y donnent des concerts suivis par des millions d’avatars.

Côté chiffres, Fortnite explose: plus de 42 milliards de dollars de revenus cumulés entre 2018 et 2025, avec des pics à 6 milliards par an, selon DemandSage. Et pourtant, l’accès reste gratuit. La recette? Les V-Bucks, monnaie virtuelle achetée avec de l’argent réel pour obtenir skins, danses ou passes de combat. De petites sommes qui, additionnées, font de gros chiffres.

Lancé en 2012, Candy Crush Saga repose, pour sa part, sur un modèle simple: gratuit au départ, mais progression accélérée et bonus contre quelques dollars. Résultat: plus de 20 milliards de dollars générés depuis sa sortie, dont 1,4 milliard en 2024, selon Reuters. Avec plus de 14.000 niveaux et 270 millions de joueurs actifs mensuels, le casse-tête sucré reste l’un des jeux mobiles les plus rentables et addictifs au monde.

Au Liban, le jeu vidéo en ligne connaît une croissance annuelle estimée à 8,4% entre 2025 et 2031, selon 6Wresearch. Les smartphones, plus accessibles que les consoles, dominent. Les jeunes joueurs s’enthousiasment pour l’e-sport, les contenus localisés et les fonctions sociales intégrées aux jeux. Mais l’instabilité économique et les coupures d’Internet freinent encore le plein essor du secteur.

Derrière l’image ludique du jeu vidéo se cache une industrie géante qui ne joue pas avec les chiffres: elle les empile. FIFA, Fortnite et Candy Crush prouvent que gratuité ou prix de lancement n’empêchent pas de générer des milliards. Même au Liban, malgré les obstacles, la partie est loin d’être terminée. Pour les éditeurs, une chose est sûre: le game over n’est pas pour demain.

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