Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, accompagné d’une nette victoire électorale enregistrée par le Parti républicain au Sénat et à la Chambre des représentants, a suscité une vive inquiétude dans certains milieux occidentaux qui voient d’un mauvais œil ce qu’ils perçoivent comme des orientations un peu trop “conservatrices” du président élu américain, notamment sur les plans sociétal et de la politique économique. Force est de relever cependant que ces détracteurs occultent ou ignorent même la portée d’un chapitre essentiel de la géopolitique internationale qui devrait dicter la ligne de conduite de la prochaine administration Trump, à savoir la situation explosive au Moyen-Orient, sous l’angle des retombées dévastatrices de la stratégie suivie par le régime iranien dans la région.
Une faction de l’opinion occidentale donne souvent la perception qu’elle n’est pas suffisamment consciente des grands enjeux qui se jouent actuellement dans cette partie du monde et dont l’onde de choc finira tôt ou tard (et plus tôt que tard…) par se faire ressentir en plein cœur de l’Occident. Cette faction paraît ignorer que depuis de nombreuses années l’ensemble du Moyen-Orient est plongé dans une situation d’instabilité chronique provoquée et entretenue par les pasdarans iraniens qui se sont fixés pour objectif, dès l’arrivée de l’ayatollah Khomeiny au pouvoir, en 1979, “l’exportation de la révolution islamique”.
Les dirigeants de cette aile radicale du régime khomeyniste étant visiblement de bons stratèges, ils se sont employés au fil des ans à placer patiemment leurs pions sur les territoires du M.O., comme on le ferait dans un jeu de réflexion stratégique tel que Risk ou Diplomacy. Ils ont implanté ainsi, à différentes périodes, les Houthis au Yémen, sur la mer Rouge (pour perturber le trafic maritime international), le Hezbollah au Liban, sur les bords de la Méditerranée et à la frontière d’Israël, des milices chiites pro-iraniennes en Irak et en Syrie afin d’assurer les voies d’approvisionnement vers le Liban, sans compter la récupération (un peu plus tard) du Hamas, à Gaza, à la proche périphérie des colonies israéliennes.
Ce vaste déploiement de ses proxys à travers le Moyen-Orient permet à Téhéran de croiser le fer avec les États-Unis et Israël sans être en première ligne, le but étant d’obtenir un statut de puissance régionale prépondérante. C’est précisément cette stratégie expansionniste par le biais des proxys qui a plongé tous les pays du Moyen-Orient dans une instabilité destructrice qui constitue une sérieuse menace pour le développement des peuples de la région et pour les intérêts économiques occidentaux.
Plus grave encore: ce combat mené par les mollahs de Téhéran s’est accompagné d’un discours belliqueux à forte connotation anti-occidentale, apparu dès la fin des années 1980, après la formation du Hezbollah, prônant l’édification d’une société guerrière et l’instauration d’un régime islamiste transnational dans toute la région, aux antipodes des coutumes, des valeurs et du mode de vie de la plupart des populations du Moyen-Orient.
À l’ombre de ce contexte explosif, il devient possible de comprendre pourquoi la victoire du candidat républicain à la présidence US a suscité espoir et enthousiasme dans divers milieux de la région, plus spécifiquement au Liban. Lors de son premier mandat, de 2016 à 2020, Donald Trump a, en effet, fait preuve d’une grande fermeté à l’égard du régime iranien en lui imposant, entre autres, de lourdes sanctions économiques dont pâtit jusqu’à aujourd’hui la République islamique, sans compter l’élimination de Qassem Soleimani, qui fut le véritable cerveau et élément moteur de l’expansionnisme iranien.
Parallèlement, en mai 2018, celui qui était alors secrétaire d'État, Mike Pompeo, transmettait à l’Iran une note officielle définissant douze demandes précises en vue d’une détente bilatérale. Reflétant, là aussi, la fermeté de l’administration Trump à l’égard de la République islamique, ces demandes – évidemment rejetées par les mollahs, qui se sentaient à l’époque en position de force – portaient sur les principaux points suivants: arrêt du soutien à toutes les milices inféodées à Téhéran; abandon du programme nucléaire; arrêt de l’enrichissement de l’uranium; fin de la production de missiles balistiques et de missiles capables de porter des têtes nucléaires; respect de la souveraineté de l’Irak; retrait des forces pro-iraniennes de Syrie; arrêt du soutien aux talibans en Afghanistan; et arrêt des menaces contre Israël et des tirs de missiles contre l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis.
Il n’est pas exclu que ces demandes transmises en 2018 par Mike Pompeo soient remises sur le tapis à partir de janvier. C’est du moins ce qui ressort des récentes déclarations du président Trump et du profil des personnalités pressenties pour occuper des postes clés au sein de la future administration US. Le sénateur Michael Waltz, qui pourrait être désigné à la tête de la diplomatie ou du Pentagone, prône ainsi l’imposition des sanctions les plus lourdes à l’Iran, passage obligé, souligne-t-il, au règlement du problème posé par les proxys implantés par les pasdarans. Même son de cloche au niveau de celui qui aurait été chargé de mettre sur pied la nouvelle équipe du département d’État, Brian Hook, favorable à une stratégie ferme, incluant un accroissement des sanctions et le lancement d’opérations ponctuelles au cœur de l’Iran.
Au cours de sa campagne électorale, le président élu a souligné à plus d’une reprise sa volonté d’instaurer une paix durable au Moyen-Orient, citant dans ce cadre explicitement le Liban. Il est de ce fait légitime, après des décennies de chimères, de supercherie et de guerres stériles, que les Libanais et d’autres peuples de la région fondent leurs espoirs sur cette posture moyen-orientale affichée par Donald Trump et ses principaux collaborateurs, de manière à contraindre le régime iranien, ou du moins son aile dite “modérée”, à accepter un changement radical de comportement et, surtout, des conditions de paix strictes qu’il ne pourrait pas refuser… Ce qui reviendrait à s’attaquer, enfin, à la source du mal, si tant est que la volonté politique sur ce plan est, cette fois-ci, véritablement au rendez-vous.
Commentaires