Le train de négociations impulsé par l’administration Biden n’a jamais pu asseoir une dynamique évolutive qui permette d’avancer et de poser des jalons tout au long d’un parcours sinueux. La trajectoire israélienne était parfaitement lisible en s’inscrivant dans une démarche résolument contre-offensive à la suite du pogrom du 7 octobre 2023, Israël ne pouvant, sous aucun rapport, surseoir à l’impératif d’une démarche guerrière rendue inévitable par le caractère génocidaire de la violence qui la visait et par la gravité des non-dits qui lui étaient rattachés.
Les théâtres opérationnels de Gaza et du Liban-Sud, et leurs prolongements régionaux, n’étaient compréhensibles qu’à partir du schéma défini par la stratégie de subversion iranienne des théâtres opérationnels intégrés élaborée par Qassem Suleimani. Tous les acteurs en lice ne sont que des figurants dans une stratégie de déstabilisation pilotée par le régime iranien qui considère qu’Israël est le principal obstacle à sa politique expansionniste sur le plan régional. Ce n’est qu’à partir de telles prémisses qu’on peut aborder les enjeux stratégiques, politiques et sécuritaires des guerres en cours.
L’âpreté des dynamiques guerrières est principalement due aux enjeux d’une guerre totale qui a buté sur une contre-offensive israélienne résolue et exceptionnellement préparée par un état-major qui s’attendait aux événements en cours et qui a été pris au dépourvu par les contentieux politiques intérieurs et leurs incidences sur les considérations sécuritaires. Le passage de la politique de sanctuarisation des frontières au bouleversement de la donne stratégique et politique au niveau régional est loin d’être de circonstance; il s’inscrit, d’ores et déjà, dans le cadre d’une vision qui a été longuement mûrie par les états-majors successifs et par la perception des dangers réels que représente le régime islamiste iranien.
La gravité de l’acte de guerre et sa portée ouvertement génocidaire sont à l’origine d’une mutation géostratégique qui va changer les dynamiques aussi bien militaires que politiques dans la région. En effet, celle-ci est verrouillée par des blocages idéologiques, stratégiques et politiques qui expliquent l’état d’immobilisme régional et ses effets délétères diffus. Israël, en se battant pour sa survie, a remis en question l’immobilisme politique et l’attentisme des politiques occidentales qui se morfondaient dans des postures d’esquive et de déni des réalités, alors qu’elles sont assaillies par les migrations de masse et les instrumentalisations islamistes qui leur sont rattachées.
La question de la trêve au Liban est hautement hypothétique et éminemment trompeuse. L’armée israélienne, après avoir détruit de manière systématique la base opérationnelle du Hezbollah, ne peut plus s’accommoder de projets de trêve boiteux, aux contours imprécis et ne relevant d’aucune vision d’ensemble. À quoi servirait une trêve qui correspond à une stratégie d’esquive manifeste? Le Hezbollah n’est pas dans une logique de désescalade, il est plutôt dans une posture d’évitement en vue d’un redressement éventuel qui s’opère à l’insu de toutes considérations sécuritaires ou de stabilisation. Il s’agit d’une politique nihiliste qui mise sur l’activation du chaos au Liban, l’instrumentation des camps palestiniens et syriens, la perpétuation des extraterritorialités, le noyautage progressif des zones de repli dans le but de s’en servir comme relais opérationnels de substitut et de plateformes opérationnelles dans le futur immédiat.
Les projections irréalistes de la médiation américaine se basent sur des attentes infondées et se méprennent sur la duplicité des acteurs en question et leur insincérité foncière. Le registre des attentes est déplacé et les chances d’aboutissement de telles médiations sont illusoires. Les scénarios de retrait envisagés, doublés du droit de regard et d’intervention discrétionnaire en cas de violation des accords, relèvent d’une illusion d’optique. La politique des boucliers humains, de l’instrumentalisation des zones urbaines et de la diversion définissent, d’ores et déjà, la politique du Hezbollah et de ses relais. L’annihilation de la formation terroriste est la seule politique à adopter si l’on veut la fin de l’état d’incertitude qui prévaut au Liban. La seule négociation envisageable, par voie de conséquence, est celle qui doit entériner les nouveaux rapports de force et déboucher sur un traité de paix entre le Liban et Israël.
Les accords de 2006 (1701, 1559,1680) ont été entièrement floués et à tous les niveaux: la politique d’armement, les théâtres opérationnels (tunnels, entrepôts et manufactures d’armes conventionnelles et balistiques, plateformes adventices… ), la complicité et l’impuissance de la Finul, la complicité et l’impuissance de l’armée libanaise et des agents de sécurité intérieure. Le même scénario prévaut sur le théâtre de Gaza et les relais régionaux. L’infirmité de la démarche diplomatique américaine tient à ses prémisses fortement liées à l’épilogue de l’ère Biden et à son héritage souhaité, aux tragédies de guerre, aux supputations qui relèvent du souhait plutôt que de la réalité et aux écarts communicationnels entre des registres cognitifs diamétralement opposés. Il ne faudrait surtout pas tomber dans le piège des scénarios hypothétiques, alors que les intentions avérées du Hezbollah ne sont que trop parlantes.
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