La dynastie des Assad en Syrie: héritage autocratique, répression et défis
©Ici Beyrouth

La Syrie était sous la domination de la dynastie des Assad depuis plus d'un demi-siècle. Hafez el-Assad, le fondateur, est arrivé à la tête du Baas en 1970, suivi de son fils Bachar, qui a pris les rênes du pouvoir à la mort de son père, en 2000.

Les Assad, membres de la minorité alaouite, ont instauré un régime autocratique qu’ils ont imposé à une population majoritairement sunnite en se présentant comme une communauté nationale laïque. Leur pouvoir, qualifié de démocratique et socialiste, a réprimé violemment toute forme de rébellion sunnite, conservatrice ou radicale.

Hafez, le père, a eu recours à la violence de manière récurrente, notamment à Hama, en 1982, où entre 20.000 et 30.000 personnes ont été tuées. Les rebelles actuels ont réussi à repousser les forces armées syriennes de cette ville, encore marquée par les violences perpétrées par Assad père.

Hafez a également exercé une domination cruelle sur le Liban pendant l'occupation syrienne de 1978 à 2005.

Depuis 2011, Bachar est impliqué dans la guerre civile syrienne qui a entraîné plus de 500.000 morts, le déplacement de 11 millions de personnes et une destruction généralisée de l'infrastructure sociale et économique de la Syrie.

L’ascension et l’évolution: fermeté, cruauté et pragmatisme

Les Assad, père et fils, ont consolidé leur régime grâce au soutien de leur communauté alaouite, de l'armée, des services de sécurité, des services de renseignement (les fameux moukhabarat) et du puissant réseau du parti Baas. Ils ont également bénéficié du soutien de l'URSS, puis de la Russie, et, plus récemment, des mollahs iraniens de Téhéran.

La Syrie a obtenu son indépendance de la France en 1946, mais a été le théâtre de nombreux coups d'État et conflits politiques. Hafez el-Assad a su maintenir son pouvoir sur la durée grâce à une combinaison de fermeté, de ruse, de sang-froid et de cruauté, le tout soutenu par un pragmatisme et, comble du paradoxe, par une flexibilité remarquable.

Quand Hafez el-Assad était jeune, la minorité alaouite à laquelle il appartient était dénoncée comme une minorité hérétique, socialement inférieure, même par rapport aux chrétiens et aux juifs. Son père était un cadre au sein de l’administration du mandat français, ce qui lui a permis d’envoyer l’un de ses onze fils (Hafez en l’occurrence) à l’école. Hafez el-Assad a par la suite intégré le parti Baas non sectaire, socialiste et panarabe, fondé en 1947. Plus tard, ayant rejoint l’armée, il se servira de ses contacts dans l’institution militaire et le parti pour promouvoir sa fulgurante ascension au pouvoir.

À l’arrivée au pouvoir de Bachar, les chancelleries étrangères ont cru un moment à un léger changement de style. Le jeune héritier n’était pas destiné à “régner”. Cette charge était destinée à son frère aîné, Bassel. Or celui-ci, à la réputation aussi forte que son père, est mort dans un accident de voiture en 1994, à Damas.

Bachar, fils cadet, ayant grandi dans le confort du Palais du peuple, fréquenté de bonnes écoles et étant ophtalmologue de profession, à Londres, s’est vu obligé de réintégrer le “business familial” à la mort de son frère en assumant des postes militaires et politiques. Hafez a bien préparé l’ascension de son fils à la présidence en évinçant les candidats potentiels à sa succession, notamment son frère Rifaat el-Assad, ainsi que le général Hikmat Chehabi, le vice-président Abdel Halim Khaddam et d’autres officiers sunnites.

En 1998, Bachar devient responsable du dossier libanais et remplace ainsi Khaddam en s’immisçant dans la toile d’araignée de la politique au Liban, sous domination syrienne depuis plus de vingt ans. Il accède finalement au pouvoir en 2000 à la mort de son père.

Bachar, le réformateur ou le tyran?

Malgré son manque d’expérience, Bachar a réussi à se maintenir au pouvoir près de vingt-cinq ans, dont plus de onze années marquées par des soulèvements, des révoltes et des guerres. Il a entamé son règne en essayant d’introduire des réformes sociales afin d’apaiser les sunnites, ce qui lui a valu une opinion favorable au niveau des pays occidentaux. Cela était aussi, probablement, le fruit d’une campagne médiatique ayant pour cible les médias occidentaux, l’objectif étant de promouvoir son image publique de réformateur.

Il a ajouté un autre atout à son image de marque grâce à son mariage avec Asma, fille d’un homme d’affaires syro-britannique, sunnite de surcroît. Le jeune couple n’a pas tardé à attirer l’attention des médias. Cela n'a toutefois pas empêché l’émergence de plusieurs rébellions (beaucoup plus que son père), ce qui l’a poussé à recourir, sans aucun état d’âme, à la répression et la force brutale. Cela était probablement dû à son manque d’expérience, ce qui a mené à une insécurité palpable. Toutefois, il a bénéficié de l’héritage sécuritaire de son père: les alaouites, les appareils de sécurité, l’armée…, sans oublier le soutien de la Russie et de l’Iran.

Pourtant, lorsque ces mêmes rebelles ont lancé une offensive surprise dans le nord de la Syrie le 27 novembre dernier, ils ont été confrontés à un régime en déroute. Le Hezbollah ayant subi une cuisante défaite au Liban ne pouvait plus appuyer le régime. L’Iran n’était plus en mesure de prêter main forte non plus, ayant lui-même subi des frappes israéliennes contre son infrastructure militaire au cœur de la Syrie. Malgré le fait que les pays arabes semblaient vouloir réintégrer Bachar dans leur giron et que la Russie pensait pouvoir convaincre Donald Trump de retirer ses troupes de l’est de la Syrie, l’effondrement était inévitable. 

Des années de corruption et d’inflation ont rongé l’économie, et les forces armées sont démoralisées. Les lignes de front marquant le statu quo instauré en 2020, grâce à un accord russo-turc, n’ont pas tenu parce que, entre autres, Bachar el-Assad est resté sourd aux appels d’Erdogan visant à rétablir les ponts entre les deux pays et, surtout, à négocier un retour des réfugiés syriens établis en Turquie.

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