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L'Ayatollah Ali Khamenei, s'adressant à la foule lors d'une réunion avec les membres de la milice islamique bénévole Basij à Téhéran, le 25 novembre 2024. ©Photo fournie par le bureau du Guide suprême iranien, khamenei.ir / AFP

Les déclarations successives du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, et du président élu des États-Unis, Donald Trump, laissent entendre que le principal focus des deux alliés est d’exercer une pression maximale sur le régime iranien. Que faut-il en déduire pour l’avenir de la région?

Depuis quelques mois déjà, le discours politique international semble tourner autour d’un mot clé: l’Iran. Plus particulièrement, les déclarations successives du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, et du président élu des États-Unis, Donald Trump, laissent entendre que le principal focus des deux alliés est d’exercer une pression maximale sur le régime iranien.

D’une part, Trump a annoncé examiner des moyens d'empêcher l'Iran de développer une arme nucléaire, y compris des frappes aériennes préventives. D’autre part, Netanyahou a affirmé que l’axe iranien s’effondrait à cause d’une “réaction en chaîne” déclenchée par Israël, exprimant l’espoir que l’Iran puisse “être libre” et faire la paix à l’échelle mondiale.

Que faut-il déduire de ce momentum créé par ce discours parallèle israélo-américain? Les deux États iraient-ils jusqu’à briser définitivement le régime iranien? 

Un plan américain de pression maximale

Selon des informations relayées vendredi par le quotidien américain The Wall Street Journal, la future administration américaine prévoit une campagne de “pression maximale 2.0” contre Téhéran, qui pourrait inclure des menaces d'action militaire ou même un soutien à une attaque israélienne, tout en cherchant à éviter une guerre. 

Cette démarche militaire, si elle venait à se concrétiser, pourrait rompre avec la politique de longue date consistant à contenir Téhéran par la diplomatie et les sanctions. Or, selon le politologue Karim Sader, “il ne faudrait pas prendre les déclarations de Donald Trump au jour-le-jour, connaissant sa tendance au changement de discours et de position”. Dans cette perspective, “on ne devrait pas déduire que Trump va attaquer l’Iran à partir d’une seule déclaration, d’autant que le président élu a déjà paradoxalement nommé cette semaine un envoyé spécial pour l’Iran, Richard Grenell, son ancien chef du renseignement”, avance M. Sader. Cette décision traduit “une volonté certaine de discuter”, qui va à l’encontre de la menace militaire publiée vendredi.

Le rapport cité par le Journal intervient alors qu'Israël élabore des plans pour une éventuelle attaque contre les installations nucléaires iraniennes, face à une inquiétude croissante selon laquelle la République islamique, proche de la fabrication d'une bombe, pourrait se précipiter pour le faire. 

M. Trump aurait déclaré au Premier ministre israélien, lors de récents appels, qu'il souhaitait éviter une percée nucléaire iranienne pendant son mandat sans toutefois déclencher une nouvelle guerre qui impliquerait notamment des troupes américaines, selon le rapport relayé par The Wall Street Journal. 

Une campagne israélienne militaire

Parallèlement, Benjamin Netanyahou, s’est directement adressé au peuple iranien, dans une vidéo publiée jeudi, constituant le troisième message de ce type en quelques mois. 

“Vous souffrez sous le joug d’un régime qui vous opprime et qui nous menace. Ce régime a peur de vous, le peuple iranien. Et un jour, je sais qu’un jour cela changera. Un jour, l’Iran sera libre”, a-t-il insisté, s'exprimant en anglais avec des sous-titres en persan.

“C’est l’avenir de la paix. Et je n’ai aucun doute que nous réaliserons cet avenir ensemble, bien plus tôt que les gens ne le pensent. Je sais et je crois que nous transformerons le Moyen-Orient en un phare de prospérité, de progrès et de paix”, a-t-il lancé.

En outre, il a souligné que les dirigeants iraniens avaient "dépensé plus de 30 milliards de dollars pour soutenir Assad en Syrie", avant que son régime “ne s'effondre en poussière”.

“Vos oppresseurs ont dépensé des milliards pour soutenir le Hamas à Gaza. Aujourd’hui, leur régime est en ruine”, a-t-il ajouté.

“Vos oppresseurs ont dépensé plus de 20 milliards de dollars pour soutenir le Hezbollah au Liban. En quelques semaines, la majorité des dirigeants du Hezbollah, de ses roquettes et de ses milliers de combattants ont été anéantis.”

Face à un tel discours, on a l’impression, observe M. Sader, que “le gouvernement de Netanyahou veut tracer le chemin de ce que devrait faire la future administration Trump. Il est dans l'intérêt de Netanyahou de poursuivre sa fuite en avant militaire, jusqu’à attaquer l’Iran, confiant du soutien américain.’

Or, précise le politologue spécialiste du Moyen-Orient, "les deux agendas ne se rejoignent pas forcément, les États-Unis souhaitant maintenir dans la région deux pôles, l’un chiite et l’autre sunnite, plutôt que de voir chuter le régime iranien”. En outre, l’agenda de Trump est “celui d’un businessman qui souhaite avoir une région pacifiée et un climat propice aux affaires, ajoute M. Sader, ce qui contraste avec l’agenda belliciste de Netanyahou”.

Vers un renversement du régime iranien?

À l’heure actuelle, l’Iran est déjà considérablement affaibli par les guerres en cours dans la région du Moyen-Orient, menées par ses proxies. Le Hamas est toujours engagé dans la guerre avec Israël, qui perdure à Gaza. Le Hezbollah libanais a poursuivi ses échanges de tirs avec l’armée israélienne pour plus d’un an. L’accord de cessez-le-feu entre le Liban et Israël vient d’être conclu le 27 novembre 2024 à la suite de pertes phénoménales à la fois pour le Hezbollah et pour le pays du Cèdre. En Syrie, la chute du régime Assad représente une défaite fulgurante pour l’allié persan, ayant brisé l’axe que l’Iran avait construit depuis le Yémen, passant par l’Irak et la Syrie, jusqu’au Liban.

M. Sader conseille, à cet égard, la plus grande prudence, et avertit contre des conclusions hâtives. D’après lui, il n’y a pas lieu de comparer le régime iranien au régime syrien et, par fausse analogie, prévoir qu’il sera déchu avec la même facilité. “On ne peut pas imaginer un scénario à la syrienne en Iran car la configuration et les acteurs sont différents”, affirme-t-il.

“Certes, le dispositif régional de l’Iran est affaibli, ses ramifications en Méditerranée ont pris des coups sévères et, dans le cas de Bachar el-Assad, un coup fatal. Mais ce n’est pas pour autant que le régime va s’effondrer à l'instar de celui d’Assad qu'on savait déjà affaibli et porté à bout de bras par la Russie et l'Iran.” En outre, ajoute M. Sader, le régime des mollahs “a montré sa capacité à se régénérer en créant des alternatives en son sein, à l’intérieur de son propre système”.

“Il est donc beaucoup trop prématuré de dire que le régime iranien pourrait se désagréger rapidement”, conclut-il.

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